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Contrôle URSSAF : dernières actualités jurisprudentielles

Contrôle URSSAF : dernières actualités jurisprudentielles

Le contrôle URSSAF se fait par étapes : l’envoi de l’avis de contrôle, le contrôle lui-même, la lettre d’observations faisant état des conclusions de l’URSSAF, la période contradictoire permettant à la personne contrôlée de présenter ses observations, le rapport de contrôle présentant les conclusions de l’URSSAF et, le cas échéant, la mise en demeure.

Chacune d’elles fait l’objet de règles procédurales appréciées strictement par la Cour de cassation comme l’illustrent deux arrêts récents rendus par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 19 décembre 2019.

 

L’impérieuse nécessité pour le cotisant de fournir les documents justificatifs pendant la période de contrôle

La personne contrôlée est tenue de mettre à disposition des agents chargés du contrôle tout document et de permettre l’accès à tout support d’information qui lui est demandé par ces agents comme nécessaires à l’exercice du contrôle (C. trav., art. R.243-59).

L’article 18 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 impose aux cotisants de conserver les justificatifs relatifs à l’assiette ou au contrôle des cotisations sociales pendant six ans à compter de la date à laquelle ils ont été établis ou reçus (C. séc. soc., art. L.243-16).

Depuis le 1er juillet 2019, date d’entrée en vigueur de l’arrêté du 23 mai 2019 fixant les modalités de numérisation des pièces et documents établis ou reçus sur support papier, les cotisants peuvent conserver ces justificatifs sur support informatique : sous format PDF ou PDF A/3 et assorti d’un dispositif de sécurité fondé sur un certificat délivré par une autorité de certification figurant sur la liste de confiance française.

 

Dans un arrêt du 19 décembre 2019 (n° 18-22.912), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation vient préciser les conditions selon lesquelles le cotisant peut faire état de ces justificatifs.

Au cas d’espèce, un employeur versant une indemnité forfaitaire kilométrique n’avait pas été en mesure, à l’époque du contrôle opéré par l’URSSAF, de rapporter la preuve de ce que les salariés attributaires de cette indemnité avaient été effectivement contraints d’utiliser leur véhicule personnel à des fins professionnelles.

L’URSSAF lui avait donc notifié un redressement réintégrant dans l’assiette des cotisations et contributions sociales, les indemnités forfaitaires kilométriques.

Le cotisant avait alors payé le montant de ce chef de redressement sans attendre l’issue de la procédure de contestation du redressement et avait entrepris une procédure de récolement des pièces pendant une période de trois ans au terme de laquelle il avait produit les pièces justificatives devant les juridictions de sécurité sociale (ce qui représentait plusieurs cartons de documents) ainsi qu’un chiffrage du redressement révisé à la baisse (de près de 75 %) compte tenu de ces pièces.

L’URSSAF avait purement et simplement refusé d’examiner ces pièces, estimant leur production trop tardive.

Pour la cour d’appel de Paris, le sérieux de ce travail de récolement des pièces justifiait que l’ensemble des pièces produites soient admises afin d’assurer au cotisant l’exercice plein et entier de ses droits à se défendre conformément à l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme qui garantit le droit à un procès équitable.

Elle a ainsi considéré que le cotisant rapportait – même tardivement – la preuve que les indemnités forfaitaires mensuelles sous forme d’indemnités kilométriques exonérées de cotisations sociales avaient bien un caractère professionnel et ne constituaient pas une rémunération à hauteur du montant justifié par les pièces produites.

 

La Cour de cassation censure la décision d’appel en décidant que le cotisant, n’ayant produit aucun justificatif nécessaire à la vérification de l’application des règles de déduction des frais professionnels lors des opérations de contrôle, ne pouvait pas demander « la nullité de ce chef de redressement » (plus exactement, au cas d’espèce, la révision de ce chef de redressement).

 

Ainsi, faute d’avoir produit les pièces justificatives des frais professionnels nécessaires à l’établissement de l’assiette des cotisations et contributions sociales pendant la période de contrôle, le cotisant ne pourra plus en faire état devant les juridictions de la sécurité sociale en cas de contentieux.

Cette solution s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation selon laquelle si les juges du fond sont souverains dans l’appréciation de la preuve par l’employeur des circonstances de fait répondant aux conditions par l’arrêté du 20 décembre 2002, il résulte de la jurisprudence que les éléments nécessaires à la vérification de l’application des règles de déduction de frais professionnels doivent avoir été produits par l’employeur lors des opérations de contrôle, afin de mettre l’agent chargé du contrôle en mesure d’en apprécier le bien-fondé (Cass. 2e civ., 27 nov. 2014, n° 13-23.320 ; Cass. 2e civ., 24 nov. 2016, n° 15-20.493).

De ce fait, la jurisprudence interdit, alors qu’aucun texte ne le prévoit, qu’un employeur puisse faire état au stade du contentieux de pièces justificatives existantes à la date du contrôle mais non exploitables en l’état et donc non produites au moment de celui-ci, privant ainsi le cotisant de la possibilité de se défendre efficacement.

 

L’impérieuse nécessité pour l’URSSAF de mentionner le délai de paiement

Aux termes de l’article L.244-2 du Code de la sécurité sociale, toute action ou poursuite aux fins de recouvrement de cotisations de sécurité sociale doit obligatoirement être précédée de l’envoi d’une mise en demeure au débiteur l’invitant à régulariser sa situation dans le mois.

Cette mise en demeure doit préciser la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, les majorations et pénalités qui s’y appliquent, ainsi que la période à laquelle elles se rapportent (C. séc. soc., art. R.244-1).

 

Une décision récente de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (Cass. 2e civ., 19 déc. 2019, n° 18-23.623) vient préciser qu’une mise en demeure délivrée par l’URSSAF doit également mentionner le délai d’un mois dont dispose le cotisant pour régulariser sa situation.

Au cas particulier, un employeur avait fait d’objet d’un contrôle inopiné de la part de l’URSSAF et des services de police, lequel avait abouti au constat d’une situation de travail dissimulé.

Après lui avoir adressé une lettre d’observations s’agissant d’un redressement basé sur la taxation forfaitaire, l’URSSAF lui avait notifié une mise en demeure de régler les sommes dues. L’entreprise avait alors saisi les juridictions de sécurité sociale de ce litige.

Elle demandait la nullité de la mise en demeure au motif que celle-ci ne précisait pas le délai imparti pour se libérer de sa dette en méconnaissance des dispositions de l’article L.244-2 du Code de la sécurité sociale.

Après avoir constaté que le délai de paiement n’était pas expressément mentionné, la cour d’appel de Versailles rejette néanmoins la demande de nullité de l’employeur aux motifs que celui-ci ne pouvait ignorer ce délai de paiement compte tenu des mentions figurant sur la lettre de mise en demeure, telles que :

    • le délai d’un mois pour contester la décision de redressement devant la commission de recours amiable (CRA) ;
    • les adresses de courrier postal ou électronique auxquelles les contestations peuvent être formulées ;
    • l’invitation de l’entreprise à s’acquitter de la somme réclamée « sous réserve des versements déjà effectués à ce titre selon son mode de paiement habituel » ;
    • la mention expresse de l’article L.244-2 du Code de la sécurité sociale dans l’objet de la mise en demeure.

 

La Cour de cassation censure l’arrêt des juges du fond qui avaient rejeté la demande de nullité de la mise en demeure alors qu’ils relevaient qu’aucun délai de paiement n’y était expressément mentionné.

Ainsi, au même titre que le défaut de notification d’une mise en demeure à la suite d’un contrôle, l’irrégularité de forme de celle-ci entraîne sa nullité et interdit toute condamnation de l’entreprise en paiement d’une créance réclamée par l’URSSAF.

Avant de procéder au règlement des sommes réclamées, les entreprises ont donc intérêt à s’assurer dans un premier temps que la mise en demeure n’est pas entachée d’une irrégularité de forme de nature à entraîner sa nullité.