Contrôle URSSAF par échantillonnage ou extrapolation, importance du délai d’opposition

19 avril 2019
Dans le cadre de vérifications, et le cas échéant d’un redressement, des méthodes d’échantillonnage ou d’extrapolation peuvent être proposées au cotisant. Toutefois, comme le rappelle un récent arrêt de la Cour de cassation, les règles procédurales attachées à cette modalité doivent être respectées, sous peine d’une possible annulation du redressement opéré. Analyse.
Non-respect du délai de 15 jours : irrégularité du contrôle
Les procédures de contrôle effectuées par des agents de recouvrement peuvent s’avérer relativement lourdes pour des entreprises composées de beaucoup de salariés, notamment en raison du nombre de pièces à contrôler.
C’est pourquoi, l’article R. 243-59-2 du Code de la sécurité sociale prévoit une alternative aux méthodes traditionnelles de contrôle via les techniques d’échantillonnage et d’extrapolation. De telles pratiques permettent d’effectuer un contrôle sur seulement une partie des salariés de l’entreprise et ensuite d’extrapoler les résultats à l’entreprise prise dans son ensemble.
L’utilisation de cette technique est strictement encadrée et l’agent de recouvrement doit en particulier, avant de recourir à cette modalité de contrôle, laisser un délai de quinze jours au cotisant pour le cas échéant s’y opposer.
Si l’employeur ne fait pas jouer son droit d’opposition, il est ensuite associé aux quatre phases de vérification que sont la constitution de la base du sondage, le tirage aléatoire de l’échantillon, son examen et enfin l’extrapolation.
Sans grande surprise, la Haute juridiction est venue préciser par un arrêt du 14 mars 2019 (n°18-10.409) que le non-respect de ce délai d’opposition rend la procédure irrégulière.
Dans cette affaire, après avoir transmis au cotisant, le 1er décembre 2009, les documents requis, l’agent de contrôle a, dès le 2 décembre 2009, écrit à la société « qu’elle lui envoyait l’échantillon pour investigation des frais professionnels », lui demandant, pour ce faire, un certain nombre de documents. Pour autant, l’agent n’engageait de nouvelles démarches que deux mois plus tard.
Considérant que le formalisme prévu par le Code de la sécurité sociale n’avait, en l’espèce, pas été respecté, le cotisant a intenté une action en justice au titre de laquelle les juges du fond lui donnèrent tort.
La Cour de cassation va toutefois casser l’arrêt d’appel et conclure, par conséquent, que l’URSSAF, en envoyant l’échantillon pour investigation, avait engagé la phase de vérification permettant de définir la base de sondage et ce, avant l’expiration du délai de 15 jours.
A cet égard, la Cour considère, à juste titre, que le formalisme prévu n’a pas été respecté.
En effet, le délai d’opposition dont dispose le cotisant est censé lui permettre de prendre connaissance de l’ensemble des documents décrivant le déroulement du contrôle, avec pour objectif que la décision portant acception ou refus de la méthode proposée soit donnée en toute connaissance de cause.
Dès lors, il paraît fondé qu’au cours de ce délai, l’agent URSSAF ne puisse engager une quelconque action après lui avoir adressé les différents documents explicitant la procédure en lien avec le contrôle opéré.
La Cour de cassation précise à ce titre que le fait pour l’agent de recouvrement d’envoyer au cotisant un échantillon pour investigation marque le point de départ des vérifications et donc du contrôle sur échantillonnage ou extrapolation qui, au cas particulier, avait donc débuté seulement un jour après l’envoi des documents portant information quant à la méthode d’échantillonnage et d’extrapolation.
La nullité du redressement : conséquence logique de l’irrégularité
Bien que la Cour de cassation, par la publication étendue de cet arrêt (PBI), ait souhaité lui donner une portée considérable, il n’en demeure pas moins que sa décision ne précise pas si le redressement opéré est nul en raison du non-respect de la procédure de contrôle. Elle laisse donc la Cour d’appel de renvoi statuer sur ce point.
Il n’en demeure pas moins que les précédents arrêts relatifs à ce type de contrôle laissent supposer qu’une telle irrégularité entraîne nécessairement l’annulation du redressement.
Effectivement, la Cour de cassation a d’ores et déjà considéré que le non-respect des dispositions de l’article R. 243-59-2 du Code de la sécurité sociale (Cass. 2e civ., 19 juin 2014 n°13-19.150 ; Cass. 2e civ., 9 février 2017, n°16-10.971) ou l’absence du recueil du consentement du cotisant à la méthode d’échantillonnage ou d’extrapolation (Cass. 2e civ., 15 mars 2018, n°17-11.891) (1) sont autant de raisons justifiant l’annulation du redressement opéré.
Il est donc essentiel de s’assurer, lors d’un contrôle, que l’ensemble de la procédure légale a bien été respectée, que ce soit dans le cadre d’une procédure de droit commun ou d’un redressement spécifique envisagé au titre du travail dissimulé : en vérifiant notamment le destinataire de l’avis de passage, les modalités d’enquêtes, le respect des délais et du principe du contradictoire, la jurisprudence s’avérant abondante et factuelle.
(1) Cette décision fait référence à l’absence « d’accord » de l’employeur. Il y aurait vraisemblablement pu y avoir un accord implicite, le silence pendant 15 jours caractérisant alors « l’absence d’opposition » telle que prévue par le texte. Mais en l’espèce, l’agent URSSAF n’avait absolument pas engagé la procédure requise et en particulier la communication des documents d’informations relatifs au contrôle engagé : il ne pouvait dés lors pas y avoir d’accord, implicite ou explicite, de l’employeur.
Article publié dans Les Echos EXECUTIVES le 19/04/2019
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