Contrôle URSSAF : pas de chiffrage possible des redressements en dehors des règles prévues par la loi
29 janvier 2025
Il résulte des dispositions du Code de la sécurité sociale que lors d’un contrôle URSSAF, le redressement doit être établi, en principe, sur une base réelle lorsque la comptabilité de l’employeur permet à l’agent de recouvrement de calculer le chiffre exact des sommes à réintégrer dans l’assiette des cotisations.
Les agents de contrôle peuvent néanmoins proposer à la personne contrôlée de recourir à la méthode de vérification par échantillonnage et extrapolation afin de réduire la durée du contrôle et d’alléger les contraintes liées à la fourniture de très nombreuses pièces justificatives (CSS, art. R.243-59-2).
Enfin, lorsque le calcul ne peut pas être effectué sur des bases réelles parce que la personne contrôlée ne met pas à disposition les documents nécessaires ou que sa comptabilité ne permet pas d’établir le chiffre exact des rémunérations servant de base au calcul des cotisations, l’agent chargé du contrôle peut recourir à une fixation forfaitaire, par tout moyen d’estimation probant, du montant de l’assiette des cotisations et contributions sociales (CSS, art. R.243-59-4).
Par une récente décision, la Cour de cassation précise pour la première fois que l’URSSAF ne peut recourir à d’autres méthodes de chiffrage que celles qui sont prévues par la loi, même lorsqu’elles ont été convenues d’un commun accord avec le cotisant (Cass soc. 9 janvier 2025, n°22-13.480).
Les circonstances de l’affaire
Dans cette affaire, dans le cadre d’un contrôle, l’URSSAF et la société cotisante avaient conclu une convention de chiffrage prévoyant que «à l’exception des chiffrages pour lesquels une exacte répartition pourra être effectuée, les bases de régularisation globale seront réparties entre les différentes assiettes et les taux moyens de versement de transport et accident du travail calculés selon la méthode convenue».
A la suite de la mise en demeure adressée par l’URSSAF, la société a contesté en justice la validité de la convention conclue dont elle a demandé la nullité.
La cour d’appel a déclaré nulle cette convention dès lors qu’il n’est pas permis à l’URSSAF de définir elle-même les bases d’imposition ou les taux de cotisation applicables au regard de ses prérogatives exorbitantes du droit commun dont il résulte que le chiffrage des cotisations et contributions dues en cas de redressement doit être exact et a annulé en conséquence les chefs de redressement concernés. L’URSSAF s’est alors pourvue en cassation.
La décision
A l’appui de son pourvoi, l’URSSAF faisait notamment valoir que :
-
- une convention portant sur les montants du redressement pouvait, en présence de données fournies par la société insuffisantes ou inexploitables, être valablement conclue avec le cotisant d’un commun accord ;
-
- la société cotisante ne pouvait se prévaloir de la nullité de la convention pour contrariété à l’ordre public, dès lors qu’elle avait accepté de la signer en toute connaissance de cause et que sa demande, déloyale, ne pouvait porter atteinte aux attentes légitimes des parties nées de la convention ;
-
- la nullité de la convention devait avoir pour seule conséquence son anéantissement rétroactif et ne pouvait justifier l’annulation des chefs de redressement, le juge devant simplement inviter l’URSSAF à recalculer les cotisations dues au titre de ces chefs de redressement conformément aux règles d’ordre public.
Refusant de suivre l’URSSAF dans son argumentation, la Cour de cassation approuve la décision des juges du fond.
Après avoir rappelé que le redressement doit être établi sur des bases réelles lorsque la comptabilité de l’employeur permet à l’agent de recouvrement de calculer le chiffre exact des sommes à réintégrer dans l’assiette des cotisations, la Cour énonce qu’il n’existe que deux méthodes d’évaluation dérogatoires à ce principe qui sont d’interprétation stricte : l’échantillonnage-extrapolation (CSS, art. R.243-59-2) et la taxation forfaitaire (CSS, art. R.243-59-4) ;
Elle en déduit que :
-
- dès lors que l’URSSAF a, à sa disposition, les éléments de la comptabilité permettant d’établir le redressement sur des bases réelles ;
-
- elle ne peut pas recourir à une autre méthode d’évaluation, même d’un commun accord avec le cotisant, sous peine de nullité du contrôle et des actes subséquents.
La Cour de cassation approuve donc les juges du fond d’avoir décidé que le recours par l’URSSAF à une méthode de calcul contrevenant aux règles d’ordre public posées par le Code de la sécurité sociale devait être sanctionné par l’annulation des chefs de redressement calculés de manière irrégulière.
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