Contrôle URSSAF : quelques vices de forme à ne dévoiler qu’à l’issue du contrôle
10 septembre 2013
Dès l’envoi de l’avis de passage, l’URSSAF peut commettre des erreurs permettant à l’employeur d’obtenir l’annulation du redressement. Stratégiquement, l’employeur a néanmoins intérêt à attendre la fin du contrôle pour soulever ces vices de forme.
Malgré la fréquence des contrôles mis en œuvre par l’URSSAF et la formation de plus en plus pointue des inspecteurs du recouvrement, ces derniers ne sont pas toujours en mesure de respecter scrupuleusement l’ensemble des garanties procédurales qui s’imposent au cours du contrôle, ce qui permet dans certains cas à l’employeur d’obtenir l’annulation du contrôle et du redressement subséquent.
Sauf en cas de travail dissimulé, l’envoi d’un avis de passage s’impose avant la première visite
Sauf dans l’hypothèse spécifique où le contrôle URSSAF porte exclusivement sur la recherche d’infractions liées au travail dissimulé, un avis de passage doit impérativement être adressé à l’employeur par lettre recommandée avec accusé de réception préalablement à la première visite de contrôle. Cette obligation s’impose d’ailleurs également en cas de contrôle inopiné portant sur le travail dissimulé, si l’URSSAF envisage au cours du contrôle d’étendre ses investigations à d’autres domaines.
L’absence d’envoi de cet avis ou l’impossibilité pour l’URSSAF de rapporter la preuve que cette formalité a bien été respectée, peut être utilement mise à profit par l’employeur puisqu’elle lui permet d’obtenir à l’issue de la procédure, l’annulation du contrôle et de l’intégralité du redressement, sans que la preuve d’un quelconque préjudice soit exigée (Cass. 2ème Civ., 10 juillet 2008, n° 07-18.152).
En outre, la Cour de cassation n’hésite pas à prononcer la nullité du contrôle, lorsque l’inspecteur du recouvrement n’intervient pas à la date annoncée initialement dans l’avis de passage et qu’il n’est pas en mesure de démontrer que l’employeur était informé du décalage de son intervention(1).
En principe, le respect de cette formalité ne s’impose néanmoins qu’à une seule reprise lors de chaque contrôle.
Ainsi, l’envoi d’un nouvel avis n’est pas exigé lorsque l’inspecteur du recouvrement organise une deuxième visite pour obtenir des informations complémentaires ou en raison de l’absence du dirigeant(2). De même, en cas de report du contrôle à la demande de l’employeur ou si ce dernier ne procède pas au retrait de l’avis de passage qui lui a été adressé par l’URSSAF, l’envoi d’un nouvel avis n’est pas impératif.
Par ailleurs, la Cour de cassation a récemment précisé qu’aucun texte n’imposait à l’URSSAF de respecter un délai minimum entre l’envoi de l’avis de passage et le début des opérations de contrôle intervenant au sein de l’entreprise. Le délai de 15 jours préconisé par l’ACOSS dans sa Circulaire du 16 juillet 1999 a ainsi été écarté par la Cour, alors même qu’il est par ailleurs expressément mentionné dans la Charte du cotisant contrôlé (Cass 2ème Civ, 14 février 2013, n° 12-13.656).
Le respect des droits de la défense nécessite que l’avis de passage comporte certaines mentions obligatoires
L’avis de passage a principalement pour objet de communiquer à l’employeur la date et l’heure de la première visite. Il arrive néanmoins que l’URSSAF omette de faire figurer cette mention dans l’avis adressé à l’employeur. Selon la Cour de cassation, cette irrégularité de procédure doit être sanctionnée par l’annulation du contrôle (Cass. 2ème Civ, 25 avril 2013, n° 12-30.049).
En pratique, dans une telle hypothèse, l’employeur a donc intérêt à ne pas réagir et à laisser l’inspecteur du recouvrement débuter le contrôle à la date qui lui convient, afin de pouvoir utilement soulever ce vice de forme en fin de procédure pour obtenir l’annulation du redressement.
Si les arguments de fond méritent d’être communiqués à l’inspecteur au cours du contrôle pour limiter les risques de redressements, les vices de forme au contraire, ne doivent pas être dévoilés avant l’issue du contrôle afin de ne pas encourager l’URSSAF à régulariser la procédure.
Il est cependant exceptionnel que l’URSSAF omette de faire figurer dans l’avis de passage l’une des mentions obligatoires suivantes :
- la date et l’heure de la première visite,
- la possibilité pour l’employeur d’être assisté par un conseil de son choix au cours du contrôle,
- le droit pour l’employeur de se voir remettre en début de contrôle la Charte du cotisant contrôlé, étant précisé qu’en cas de contrôle sur place, l’adresse électronique du site où ce document est consultable doit également être mentionnée.
S’agissant de ces deux dernières mentions, la Cour de cassation n’a pas encore précisé si leur absence pouvait justifier l’annulation du contrôle, une telle solution serait néanmoins conforme au respect des droits de la défense.
Il est par ailleurs fréquent qu’après l’envoi de l’avis de passage, l’URSSAF oublie de remettre formellement la Charte du cotisant contrôlé à l’employeur ou qu’elle ne soit pas en mesure de rapporter la preuve que cette formalité a bien été respectée. Il n’est pas certain néanmoins qu’en cas de contentieux, de telles irrégularités seraient sanctionnées par la nullité du contrôle.
L’employeur a également intérêt à vérifier la compétence territoriale de l’URSSAF chargée du contrôle
Au plan territorial, une URSSAF peut bénéficier d’une délégation de compétences lui permettant de contrôler un établissement situé dans le ressort géographique d’une autre URSSAF si elle adhère à une convention de réciprocité. Or, si le défaut de mention de cette délégation de compétences sur l’avis de contrôle n’affecte pas la validité du contrôle(3), en revanche, dans une telle hypothèse, l’organisme de recouvrement doit être en mesure de démontrer qu’il a bien adhéré à une convention de réciprocité avant l’envoi de l’avis de contrôle, sous peine de nullité du contrôle(4).
En cas de contrôle URSSAF, les employeurs doivent donc faire preuve de la plus grande vigilance pour faire respecter leurs droits, tout en gardant à l’esprit que certains vices de procédure méritent de ne pas être révélés avant la saisine de la Commission de recours amiable s’ils souhaitent pouvoir solliciter l’annulation du redressement sur ce fondement.
1 Cass. 2ème Civ., 12 juillet 2012, n° 11-22.895
2 Cass. 2ème Civ., 12 mai 2011, n° 10-18.116
3 Cass. 2ème Civ., 4 février 2010, n° 08-21.034
4 Cass. 2ème Civ., 12 juillet 2006, n° 04-30.844
A propos de l’auteur
Céline Renault-Cossoul, avocat, intervient dans le conseil et la défense des entreprises en matière de droit du travail, droit de la sécurité sociale et de la protection sociale. Spécialisée en droit social, elle traite plus particulièrement des questions relatives à la négociation collective d’entreprise et de groupe, aux élections professionnelles et à la gestion des représentants du personnel ainsi qu’aux aspects sociaux des restructurations, tout en assurant au quotidien le conseil des entreprises dans l’aménagement du temps de travail, le statut des dirigeants, la politique salariale et épargne salariale, les procédures individuelles et collectives de licenciement, la gestion de la mobilité internationale et le contrôle URSSAF.
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