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Convention fiscale avec Andorre : une ratification prochaine pour une application dès 2015

Convention fiscale avec Andorre : une ratification prochaine pour une application dès 2015

Andorre réforme sa fiscalité et signe sa première convention fiscale avec la France : un développement qui mérite l’attention.

Andorre a négocié sa première convention fiscale avec la France. Paraphée en 2012, signée le 2 avril 2013, elle a été présentée à l’Assemblée Nationale le 11 juin 2014 aux fins de ratification avec application probable au 1er janvier 2015.

Andorre n’est plus un paradis fiscal depuis 2009. La principauté a signé 22 conventions d’échange de renseignements en matière fiscale dont celle avec la France du 22 septembre 2009. Andorre a également signé la Convention multilatérale de l’OCDE concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale le 5 novembre 2013 qui pourrait conduire potentiellement à un échange automatique d’information avec plus de 60 pays.

Andorre a introduit une fiscalité directe pour les entreprises comme pour les particuliers susceptibles de générer des phénomènes de double imposition.

La Principauté, qui collectait à l’origine des impôts indirects (droits de douane principalement) a dans un premier temps mis en place un impôt sur les sociétés dont le taux est de 10% (Impost sobre les societats), une imposition des activités économiques des personnes physiques au même taux (Impost activitats economiques) et une taxe sur la valeur ajoutée au taux ordinaire de 4,5% avec un taux réduit de 1% (Impostos generals Indrectes). Les non-résidents font l’objet d’une imposition à la source de 10%. A compter de 2015, un impôt universel sur le revenu des personnes physiques au taux de 10% sera effectif (loi votée le 24 avril 2014). Il frappera les revenus mondiaux des résidents fiscaux d’Andorre. Des dispositions avantageuses sont applicables à certains revenus mobiliers de source andorrane. Un système de crédit d’impôt existe pour limiter les phénomènes de double imposition : un grand réseau de conventions fiscales permettra de limiter la déperdition fiscale dès lors qu’il est probable que l’impôt acquitté dans l’Etat de source devrait être supérieur à celui acquitté sur le même revenu ou gain en Andorre. Enfin, à ce jour, le gouvernement a confirmé qu’il était exclu d’introduire un impôt sur la fortune ou des droits de succession en Andorre.

Pour les Particuliers

Résidence fiscale
La convention devrait régler les «conflit de résidence» qui peuvent notamment se présenter lorsqu’une personne installée en Andorre exerce en France une activité professionnelle ou y possède la majorité de son patrimoine générateur de revenus1. Les conflits de résidence créent généralement des situations de double imposition.

Désormais, en application de l’article 4 de la convention, une personne ne pourra avoir qu’une seule résidence fiscale en application des critères de la convention (conformes aux principes OCDE).

Attention cependant : les personnes résidentes d’Andorre du fait de leur nationalité (andorrane) ou de leur permis de résidence pourront se prévaloir de la convention uniquement si elles séjournent plus de 183 jours par an à Andorre, ou si elles y possèdent le centre de leurs intérêts, ou si elles y exercent leur activité professionnelle principale. Cette réserve (qui ne concerne pas uniquement les nationaux ou les personnes ayant un permis de séjour) exprimée dans le protocole fait écho à la présomption de la résidence fiscale dans la nouvelle loi. Ainsi, cette question devra être étudiée en détail notamment par les résidents d’Andorre voyageant beaucoup et pas simplement en France comme les sportifs de haut niveau par exemple.

Immobilier détenu en France

Les résidents andorrans réalisant des acquisitions immobilières en France ne seront plus soumis au prélèvement de l’article 164 C du CGI qui prévoit l’imposition annuelle de 3 fois la valeur locative des immeubles détenus en France. Si la portée de cet avantage peut apparaitre anecdotique dès lors que l’imposition a été considérée comme contraire au principe de libre circulation des capitaux par le Conseil d’Etat (CE, 11 avril 2014, Mme Lappe, n° 332885), il a néanmoins le mérite de rendre l’exonération indiscutable. Des dispositions favorables sont aussi prévues en cas d’investissement dans des SIIC, OPCI.

Pensions de retraite

Les retraités résidents en Andorre et percevant des pensions de retraite privées de source française devraient être exonérés d’impôts et de CSG/CRDS en France pour n’être imposés qu’en Andorre à 10%. La situation des retraités du secteur public restera inchangée, ces derniers restant dans le champ de l’impôt français.

Imposition et Passeport Français

Une clause inédite en politique fiscale internationale de la France dans la convention prévoit que «la France peut imposer les personnes physiques de nationalité française résidentes d’Andorre comme si la présente convention n’existait pas (…)». Le projet de loi confirme que cet article sera uniquement applicable dans le cas d’une éventuelle évolution du champ de la fiscalité française la liant à la détention d’un passeport français. Cette clause de rendez-vous présente donc pour l’instant un caractère théorique.

Pour les sociétés

Les dividendes de source française perçus par des résidents andorrans pourront désormais bénéficier de taux de retenue à la source réduits de 15% ou 5% contre 30% actuellement. Cette solution est heureuse car de nombreux fonds situés en Andorre limitaient leurs investissements en France2.

Les redevances payées par une société supporteront une retenue à la source de 5% contre 33 1/3% (en France) et 10% en Andorre. Par ailleurs, la retenue à la source de 33 1/3% ou de 10% prélevée sur les sommes rémunérant des services rendus ou utilisés respectivement en France ou en Andorre deviendra inapplicable, ces prestations de services devenant exclusivement taxables dans l’Etat de résidence sauf établissement stable dans l’Etat de la source.

Ces dispositions sont d’autant plus favorables qu’il existe en Andorre un régime de holding de participation étrangère ou encore de «patent box» à l’instar de ce qui existe au Royaume-Uni, au Luxembourg ou encore aux Pays-Bas. Par ailleurs, ces véhicules peuvent effectuer des distributions à des actionnaires hors Andorre en franchise de retenue à la source andorrane. Ainsi, on peut aboutir pour les dividendes et redevances versés en Andorre, à une faible imposition dans l’Etat de source, une taxation réduite dans l’Etat de résidence et une absence de retenue à la source de sortie en cas de distribution à l’étranger sous réserve des dispositions anti-abus de droit interne et conventionnelles. Les investissements mobiliers dans l’un ou l’autre pays réalisés au travers un fonds d’investissement ne seront pas pénalisés sur les revenus provenant de France ou d’Andorre car le fonds (comme les SICAV ou FCP) sera considéré comme transparent fiscalement à l’égard d’investisseurs de l’un ou l’autre Etat.

L’entrée en vigueur de la convention devrait également faciliter les réorganisations internationales entre la France et Andorre. En premier lieu, les régimes de sursis et de report d’imposition prévus par les articles 150-0 B et 150-0 B ter CGI deviennent applicables en cas d’apport de sociétés réalisés par des actionnaires français au profit de sociétés andorranes. Il devrait également être possible d’effectuer des fusions entre sociétés andorranes et françaises en neutralité fiscale, pour autant que les opérations soient justifiées par des motifs économiques réels et que les actifs français restent rattachés à un établissement stable en France par exemple. Le bénéfice du régime fiscal favorable des fusions sera soumis à obtention d’un agrément de l’administration fiscale française.

On déplore néanmoins que le régime des transferts de siège reste réservé aux transferts au sein de l’Union Européenne et de l’Espace Economique Européen.

Dispositifs anti abus renforcés.

Il faudra pouvoir justifier d’une manière générale que les opérations n’ont pas comme principal objectif de bénéficier des avantages de la convention ; que le récipiendaire est le bénéficiaire effectif du revenu et que ce dernier est effectivement taxé entre ses mains. Ainsi, soit un revenu est exonéré et l’allègement d’impôt conventionnel ne s’applique pas (totalement ou partiellement), soit il est taxé (par exemple en Andorre) et il faudra justifier, sur demande, de la motivation principale non fiscale de l’opération. Ces dispositifs, notamment le premier, sont porteurs d’incertitude. Dès lors, un soin particulier devra être apporté à l’étude du régime fiscal d’une société andorrane et de sa substance économique et opérationnelle3.

Les efforts produits par Andorre pour entrer dans le concert des «nations fiscales» sont louables et la convention fiscale signée avec la France (avant celle en discussion avec l’Espagne) en est la consécration. Andorre tient néanmoins à rester attractive, d’où certainement la multiplication des dispositifs anti abus imposés par la France. Dans ce contexte, s’il est pertinent de s’interroger sur l’opportunité d’investir en Andorre dans le contexte actuel, une double lecture des dispositifs s’impose.

Notes

La personne pouvant alors être considérée comme résidente fiscale d’Andorre en application des règles de droit interne andorran (toute personne passant plus de 183 jours par an en Andorre, y exerçant son activité professionnelle principale ou qui y a le centre de ses intérêts économiques est considérée comme résident andorran) mais aussi résidente fiscale de France en application du droit interne français (article 4 B du code général des impôts («CGI»)).

A noter que la retenue à la source est contraire au droit de l’Union Européenne sur le fondement de la décision Santander Asset Management SGIIC du 10 mai 2012 et fait actuellement l’objet de contestation.

Pour plus de détails sur les mécanismes anti-abus, voir notre précédent article «Convention fiscale signée avec la Principauté d’Andorre le 4 avril 2012 : et la citoyenneté française devient imposable», Option Finance du 25/06/2012, p. 24/26.

 

Auteurs

Michel Collet, avocat associé en fiscalité internationale.

Clément Rozant, avocat, en fiscalité internationale.

 

Article paru dans le magazine Option Finance le 8 septembre 2014