La pénalisation du refus de remettre aux autorités judiciaires la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie est conforme à la Constitution
Dans une décision rendue sur question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel déclare l’alinéa 1er de l’article 434-15-2 du Code pénal, dans sa rédaction résultant de la loi n°2016-731 du 3 juin 2016, conforme à la Constitution (décision n°2018-696 QPC du, 30 mars 2018).
L’ayant interpellé en possession de produits stupéfiants, les policiers avaient demandé à un prévenu lors de sa garde à vue de déverrouiller son téléphone portable. Celui-ci avait alors choisi de faire usage de son droit de se taire (article 63-1 3°du Code de procédure pénale), se rendant ainsi passible des sanctions encourues en cas de refus de remettre la « convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie » utilisé pour commettre un crime ou un délit. Une question prioritaire de constitutionnalité est donc soulevée en première instance dont le Conseil constitutionnel a été saisi le 12 janvier 2018 par la Cour de cassation (Cass. crim., 10 janvier 2018, n°17-90.019).
Le droit au silence, fondement de la question prioritaire de constitutionnalité – L’alinéa 1er de l’article 434-15-2 du Code pénal sanctionne le refus pour une personne suspectée d’avoir commis une infraction, de remettre aux autorités judiciaires, ou de refuser de mettre en œuvre à leur demande, une clé de déchiffrement susceptible d’avoir été utilisée pour commettre cette infraction.
Pour le requérant, ainsi que pour la Quadrature du Net, agissant en intervention volontaire, cette disposition porterait atteinte au droit au silence et au droit qui en découle de ne pas contribuer à sa propre incrimination.
Pour la Cour européenne des droits de l’homme, le droit au silence repose sur l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme et s’applique à l’ensemble de la procédure pénale. L’article 434-15-2 serait donc contraire à ce texte mais également au droit à une procédure juste et équitable garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et au principe de présomption d’innocence garanti par l’article 9 de cette même déclaration.
Enfin, ces mêmes dispositions violeraient également le droit au respect de la vie privée et, selon l’une des parties intervenantes, le secret des correspondances, les droits de la défense, le principe de proportionnalité des peines et la liberté d’expression.
Le refus de communiquer la convention secrète de chiffrement d’un moyen de cryptologie, entrave à l’exercice de la justice – Malgré les critiques importantes émises à l’encontre du premier alinéa de l’article 434-15-2 du Code pénal, le Conseil constitutionnel a considéré ce texte conforme à la Constitution pour les raisons suivantes :
- tout d’abord, l’obligation de remettre la convention secrète de déchiffrement aux autorités judiciaires ou de la mettre en œuvre ne s’impose que si le moyen de cryptologie est susceptible d’avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit. Ainsi, le but recherché est uniquement la prévention des infractions et la recherche des auteurs d’infraction, ces objectifs étant tous deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle ;
- ensuite, les dispositions critiquées n’imposent à la personne suspectée d’avoir commis une infraction, en utilisant un moyen de cryptologie, de délivrer ou de mettre en œuvre la convention secrète de déchiffrement que s’il est établi qu’elle en a connaissance. Par conséquent, elles n’ont pas pour objet d’obtenir des aveux et n’emportent ni reconnaissance ni présomption de culpabilité. De plus, l’enquête ou l’instruction doivent avoir permis d’identifier l’existence de données traitées par le moyen de cryptologie susceptibles d’avoir été utilisées pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit ;
- enfin, ces données, déjà fixées sur un support, existent indépendamment de la volonté de la personne suspectée.
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