Cotisations et contributions sociales : le législateur sort ses griffes
16 mars 2018
Les réformes fiscales récentes vont dans le sens annoncé par le Président Macron : « France is back », avec une imposition au taux unique des revenus de capitaux mobiliers et un recentrage de l’impôt sur la fortune sur les seuls biens immobiliers. Par ailleurs, le maintien du régime incitatif de l’impatriation permet de dire aux cadres supérieurs et investisseurs étrangers : « tapis rouge ».
Ceci étant les contributions sociales et les dernières cotisations créées risquent de pousser ces mêmes personnes à voir rouge.
Ainsi, les personnes choisissant de transférer leur domicile fiscal en France doivent tenir compte du fait qu’en plus de l’impôt sur le revenu, elles se verront demander le paiement des contributions sociales (contribution sociale généralisée, CSG, contribution à la réduction de la dette sociale, CRDS, au taux de 17,2% depuis le 1er janvier 2018). Par ailleurs, elles seront assujetties, si elles n’ont pas de revenus d’activité professionnelle ou assimilés, à une nouvelle cotisation de 8%, destinée à financer le régime de la protection universelle maladie (PUMa).
Si ces mêmes personnes décident ultérieurement de quitter la France, elles découvriront que ce départ n’interrompt pas nécessairement l’exigibilité des impôts et contributions en France.
1. Installation en France : bons réflexes et contentieux
L’objectif ici n’est pas de dresser un tableau complet des obligations sociales et fiscales mais de faire le point sur deux points pouvant prêter à discussion : les contributions sociales et la PUMa.
- Contributions sociales : principe simple, application complexe
Le principe est simple : les contributions sociales dues au titre des revenus du patrimoine sont applicables si le bénéficiaire est résident de France (article L.136-6 du Code de la sécurité sociale).
Ceci étant, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé à plusieurs reprises qu’une personne qui relève d’un régime de sécurité sociale d’un autre pays membre de l’Union européenne (UE), de l’espace économique européen (EEE) ou de la Suisse ne peut être assujettie aux contributions sociales en France (voir en dernier lieu CJUE 26 février 2015, de Ruyter, rendu en matière de contributions sociales sur les revenus du patrimoine).
La Cour a en effet relevé que le produit des contributions sociales est affecté au financement de la sécurité sociale. Dès lors, les dispositions du Règlement (CE) n°883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 24 avril 2004 (ci-après « le Règlement ») prévoyant un principe d’unicité en matière de sécurité sociale s’appliquent et empêchent l’application des contributions sociales françaises chaque fois qu’une personne relève d’un régime de sécurité sociale communautaire. Ainsi, les salariés détachés d’un autre pays de l’UE vers la France ou encore les retraités communautaires venant vivre en France ont pu réclamer le remboursement des contributions sociales qui leurs avaient été injustement appliquées.
Ceci n’a pas été du goût du législateur qui a décidé de réallouer le produit budgétaire de ces prélèvements au financement de prestations sociales « non contributives » (c’est-à-dire : des prestations dont le bénéfice n’est pas lié à une condition de cotisation préalable) à compter de 2015 (contributions sociales payés en 2016). L’idée du législateur est simple : considérer que les prestations financées ne sont pas visées par le Règlement et partant, que les contributions sociales redeviennent applicables sans égard aux dispositions communautaires.
Cette réallocation n’a pas pour autant découragé les contribuables qui en ont contesté la portée. Ainsi, dans un jugement du 11 juillet 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a intégralement déchargé de contributions sociales deux contribuables résidents de France, soumis au régime de sécurité sociale suisse. Le tribunal a relevé qu’il existe un « lien direct et suffisamment pertinent » entre le produit de ces prélèvements et les branches de la sécurité sociale énoncées au Règlement. L’Administration a fait appel de ce jugement, mais on retiendra néanmoins qu’il existe de solides arguments permettant de contester la dichotomie opérée par la LFSS pour 2016 entre prestations contributives et prestations non contributives.
- Cotisation à la PUMa
La PUMa est d’abord la matérialisation du droit de toute personne travaillant ou, si elle n’exerce pas d’activité professionnelle, résidant de manière stable en France, à une prise en charge de ses frais de santé en cas de maladie ou de maternité, dans les conditions fixées par le Code de la sécurité sociale (article L.160-1). Toutefois les personnes dont les revenus tirés d’activités professionnelles (salariées ou indépendantes) sont inférieures à 3 973 euros en 2018 et dont les revenus du capital sont supérieurs à 9 933 euros en 2018, doivent participer au financement de PUMa. Ce financement, égal à 8%, est assis notamment sur les revenus fonciers, de capitaux mobiliers et les plus-values de cession de biens de toutes nature ou les moyens d’existence et les éléments du train de vie. Il en résulte que les personnes titulaires de patrimoine immobilier ou d’un portefeuille de titres qui vivent des revenus de ceux-ci peuvent se trouver à payer jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’euros par an au titre du financement de la PUMa et de leur couverture maladie. Devant l’inégalité de traitement certains ont saisi le juge pour contester la constitutionnalité de la contribution.
Cette contribution n’est en revanche pas due par les retraités et les chômeurs dont les revenus d’activité seraient inférieurs au seuil de 3 973 euros exposé ci-dessus.
2. Départ de France
Il s’agit ici d’examiner la situation de non-résidents qui conservent des revenus du capital de source française.
- Plus de PUMa
Le droit à couverture au titre de la PUMA n’étant ouvert qu’aux personnes résidant de manière stable et régulière en France, en cas de départ à l’étranger durant plus de six mois par an, ce droit ne s’applique plus, et en conséquence ne s’applique plus non plus le risque éventuel de devoir financer cette couverture. Il appartiendra cependant aux personnes concernées de faire le nécessaire pour bénéficier d’une couverture maladie volontaire ou obligatoire sous peine de difficultés en cas de maladie à l’étranger.
- CSG/CRDS : le choix de l’Etat d’installation est crucial
Lorsque la délocalisation a lieu dans un Etat membre de l’UE, de l’EEE ou de la Suisse et dans la mesure où le contribuable bénéficie du régime de sécurité sociale de l’Etat en question, ses revenus du capital de source française ne devraient pas être soumis aux contributions sociales. En effet, sa situation est similaire à celle d’un résident fiscal de France non affilié à la sécurité sociale en France et doit donc être examinée sur les mêmes fondements (voir 1.)
En revanche, les contribuables ayant choisi de s’installer dans un pays tiers à l’UE, l’EEE ou la Suisse sont tenus de s’acquitter du paiement des contributions sociales sur leurs revenus du capital français.
En effet, le Conseil constitutionnel a jugé, le 9 mars 2017, que le Règlement ne fait pas obstacle à l’assujettissement de résidents d’Etats tiers aux contributions sociales sur leurs revenus du capital français dans la mesure où il n’est pas applicable aux Etat tiers à l’UE, l’EEE ou la Suisse.
Par ailleurs, dans une décision du 18 janvier 2018, la CJUE, en réponse à une question préjudicielle posée par le Conseil d’Etat début 2017, a retenu que les traités européens ne s’opposent pas à ce que la législation d’un Etat membre prévoit la soumission aux contributions sociales d’un de ses ressortissants affilié à la sécurité sociale dans un Etat tiers à l’UE, l’EEE ou la Suisse dans la mesure où ce dernier ne peut bénéficier du Règlement.
Au regard de l’application des contributions sociales, les contribuables français envisageant un départ de France et réalisant des revenus du capital français seront donc attentifs aux conséquences attachées au choix de leur destination.
Auteurs
Alain Herrmann, avocat associé, droit social
Dimitar Hadjiveltchev, avocat associé, fiscalité internationale
Cotisations et contributions sociales : le législateur sort ses griffes – Article paru dans Les Echos Exécutives le 15 mars 2018
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