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Covid-19 : de nouvelles adaptations en matière de droit du travail

Covid-19 : de nouvelles adaptations en matière de droit du travail

La loi relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, a été définitivement adoptée par le Parlement le 10 juin 2020. Ce nouveau texte, qui habilite le Gouvernement à prendre par ordonnances un certain nombre de mesures relevant du domaine de la loi, comporte également de nombreuses dispositions en droit du travail destinées à faire face aux conséquences de la crise sanitaire. Etat des lieux des principales mesures.

 

Maintien de rémunération pendant l’activité partielle

Afin de compenser les pertes de rémunération que peuvent subir les salariés placés en activité partielle, la loi prévoit la possibilité de mettre en œuvre, par accord collectif d’entreprise ou de branche, de façon rétroactive à compter du 12 mars 2020 et jusqu’au 31 décembre 2020, deux types de mécanismes :

    • le premier permet à l’employeur d’imposer aux salariés placés en activité partielle, dont la rémunération a été intégralement maintenue en vertu de stipulations conventionnelles, d’affecter des jours de repos conventionnels ou une partie de leur congé annuel au-delà de 24 jours ouvrables à un fonds de solidarité pour être monétisés en vue de compenser tout ou partie de la diminution de rémunération subie, le cas échéant, par d’autres salariés placés en activité partielle ;
    • le second permet aux salariés placés en activité partielle de demander la monétisation des jours de repos conventionnels ou d’une partie de leur congé annuel au delà de 24 jours ouvrables en vue de compenser tout ou partie de la diminution de rémunération qu’ils ont subie.

 

Le nombre total de jours de repos conventionnels et de congé annuel acquis et non pris susceptibles d’être monétisés ne peut excéder cinq jours par salarié.

 

Acquisition de droits à la retraite

Jusqu’à présent, les indemnités perçues au titre de l’activité partielle n’étant pas soumises à cotisations sociales, n’étaient prises en compte par l’Assurance vieillesse, ni pour le calcul des trimestres, ni pour le montant de la pension de retraite.

Cette situation risquait d’être pénalisante pour les salariés à temps partiel, intermittents ou à faible revenu dans les secteurs les plus durablement touchés par l’activité partielle, compte tenu de l’exigence d’avoir perçu une rémunération cotisée de 150 heures de SMIC pour valider un trimestre et de 600 heures de SMIC pour valider quatre trimestres (C. séc. soc., art. R.351-9).

Pour éviter cela, il est prévu que les périodes comprises entre le 1er mars et le 31 décembre 2020, pendant lesquelles l’assuré perçoit l’indemnité d’activité partielle, soient prises en considération en vue de l’ouverture du droit à pension, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Ces dispositions sont applicables aux périodes de perception de l’indemnité horaire d’activité partielle à compter du 1er mars 2020 pour les pensions de retraite prenant effet à compter de la publication de la loi.

 

Maintien des garanties de prévoyance

La majorité des régimes de protection sociale complémentaire (prévoyance, frais de santé, retraite, indemnité de fin de carrière) en vigueur dans les entreprises prévoit que les cotisations sont assises sur le salaire soumis à cotisations de sécurité sociale.

Or, l’indemnité d’activité partielle n’est pas un salaire et n’entre donc pas dans l’assiette des cotisations sociales. Il n’y a par conséquent pas lieu, en principe, de prélever de cotisations sur cette indemnité. L’inconvénient est, qu’en l’absence de cotisations, les prestations sont en principe suspendues, ce qui est préjudiciable aux salariés, surtout dans un contexte de pandémie.

Pour la période du 12 mars au 31 décembre 2020, la loi crée l’obligation pour les employeurs, les salariés et les assureurs de cotiser au moins sur l’indemnité d’activité partielle prévue par la loi (c’est-à-dire à hauteur de 70 % de la rémunération brute) au titre des régimes de prévoyance, frais de santé, risque chômage, inaptitude, indemnité de fin de carrière, nonobstant les stipulations des conventions, accords et décisions unilatérales prises par le chef d’entreprise, ainsi que les clauses des contrats d’assurance.

Le non-respect de cette obligation prive les garanties de leur caractère collectif et obligatoire, ce qui expose l’entreprise à un redressement URSSAF.

En revanche, la détermination d’une assiette de calcul des cotisations et des prestations, supérieure à l’indemnité légale, doit faire l’objet d’une convention collective, d’un accord collectif ou d’une décision unilatérale du chef d’entreprise et d’un avenant au contrat collectif d’assurance souscrit par l’employeur.

Par ailleurs, le texte prévoit que jusqu’au 15 juillet 2020 :

    • les organismes assureurs accordent, sur demande des employeurs, des délais et reports de paiement des primes ou cotisations dues au titre du financement des garanties visées ci-dessus, sans frais ni pénalités ;
    • indépendamment des clauses du contrat d’assurance souscrit par l’employeur ou du règlement auquel il a adhéré, les organismes assureurs ne peuvent pas suspendre les garanties ou résilier le contrat en cas de non-paiement des cotisations.

 

Toutes les garanties de protection sociale complémentaire sont visées par cette mesure, à l’exception des garanties de retraite supplémentaire.

 

Mise en place d’un dispositif d’intéressement dans les TPE

Afin de favoriser le développement de l’intéressement, l’employeur d’une entreprise de moins de onze salariés, dépourvue de délégué syndical ou de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique (CSE), peut mettre en place, par décision unilatérale, un régime d’intéressement pour une durée comprise entre un et trois ans, à la condition qu’aucun accord d’intéressement ne soit applicable ni n’ait été conclu dans l’entreprise depuis au moins cinq ans avant la date d’effet de sa décision. Il en informe les salariés par tous moyens. Le régime d’intéressement ainsi mis en place vaut accord d’intéressement au sens des dispositions de l’article L.3312-5 du Code du travail.

Au terme de la période de validité de la décision, le régime d’intéressement peut être reconduit dans l’entreprise concernée selon les modalités de droit commun.

 

Aménagement des dispositions relatives aux contrats à durée déterminée (CDD) et aux contrats de travail temporaire (CTT)

S’agissant des CDD et des CTT et afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de l’épidémie de Covid-19, la loi prévoit que, jusqu’au 31 décembre 2020, un accord collectif d’entreprise peut :

    • fixer le nombre maximal de renouvellements possibles, sauf pour les CDD conclus en vue de favoriser le recrutement de certaines catégories de personnes sans emploi ou par lesquels l’employeur s’engage à assurer un complément de formation au salarié ;
    • fixer les modalités de calcul du délai de carence entre deux contrats ;
    • prévoir les cas dans lesquels ce délai n’est pas applicable ;
    • autoriser le recours à des salariés temporaires dans des cas non prévus par les dispositions légales.

 

Les stipulations de l’accord d’entreprise ainsi conclu sont applicables aux contrats de travail conclus jusqu’au 31 décembre 2020. Par dérogation à l’article L.2253-1 du Code du travail, ces stipulations prévalent sur celles de l’accord de branche ou de l’accord interprofessionnel.

Les délégations ainsi faites à l’accord collectif vont très loin, notamment en ce qui concerne la dispense du délai de carence et les cas de recours à l’intérim : lors des ordonnances Macron, le Gouvernement n’avait pas osé aller aussi loin de peur d’une censure constitutionnelle.

 

Allègement des règles de mise à disposition de salariés

Jusqu’au 31 décembre 2020, les conventions de mise à disposition peuvent porter sur plusieurs salariés et l’avenant au contrat de travail du salarié mis à disposition peut ne pas comporter les horaires de travail mais seulement le volume d’heures hebdomadaire. Les horaires sont alors fixés par l’entreprise utilisatrice avec l’accord du salarié.

L’information et la consultation préalables des CSE de l’entreprise prêteuse et de l’entreprise utilisatrice sur les différentes conventions signées, peuvent être remplacées par une consultation effectuée dans un délai maximal d’un mois à compter de la signature des conventions.

Enfin, même lorsque l’opération de prêt de main d’œuvre ne donne pas lieu au remboursement par l’entreprise utilisatrice de la totalité des salaires versés, des charges sociales afférentes et des frais professionnels, ou que le remboursement est égal à zéro, elle est considérée comme n’ayant pas de but lucratif dès lors que :

  • l’intérêt de l’entreprise utilisatrice le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du Covid-19 ;
  • et l’entreprise relève de secteurs d’activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale déterminés.

 

Mise en place d’un dispositif d’activité réduite pour le maintien en emploi

Pour les entreprises confrontées à une réduction d’activité durable qui n’est pas de nature à compromettre leur pérennité, il est institué un dispositif spécifique d’activité partielle : « l’activité réduite pour le maintien en emploi » (ARME). Ce dispositif est mis en place par un accord d’entreprise, d’établissement ou de groupe ou par un accord de branche étendu qui définit sa durée d’application, les activités et les salariés concernés, les réductions de l’horaire de travail pouvant donner lieu à indemnisation et les engagements spécifiquement souscrits en contrepartie, notamment pour le maintien de l’emploi. Le contenu de l’accord est fixé par décret.

Lorsque le dispositif est mis en place en application d’un accord de branche, l’entreprise établit un document conforme aux stipulations de celui-ci et définit les engagements spécifiques en matière d’emploi.

L’accord ou le document est transmis à l’Administration pour validation ou homologation. Celle-ci vérifie :

    • lorsqu’il s’agit d’un accord collectif, les conditions de validité et la régularité de la procédure de négociation de l’accord et la présence dans celui-ci de l’ensemble des dispositions requises ;
    • lorsqu’il s’agit d’un document établi par l’employeur, la régularité de la procédure d’information et de consultation du CSE lorsqu’il existe, la présence de l’ensemble des dispositions requises, la conformité aux stipulations de l’accord de branche et enfin, la présence d’engagements spécifiques en matière d’emploi.

 

A compter de la réception de l’accord ou du document, la décision de validation est notifiée à l’employeur dans un délai de 15 jours s’agissant d’un accord, 21 jours s’agissant d’un document établi par l’employeur. Cette décision est également notifiée au CSE ainsi qu’aux organisations syndicales représentatives lorsqu’il s’agit d’un accord collectif. Le silence gardé par l’Administration vaut décision de validation ou d’homologation.

Le pourcentage de l’indemnité et le montant de l’allocation versés dans le cadre de ce dispositif peuvent être majorés dans des conditions et dans les cas déterminés par décret, notamment selon les caractéristiques de l’activité de l’entreprise.

Ce dispositif s’applique aux accords collectifs et aux documents transmis à l’autorité administrative pour validation ou homologation, au plus tard le 30 juin 2022, ce qui montre qu’il s’agit, dans l’esprit du Gouvernement, d’un instrument durable pour sortir de la crise économique.

Ce dispositif ne se substitue pas au dispositif d’activité partielle. La loi prévoit que ce dernier pourra faire l’objet d’une adaptation par ordonnance, à partir du 1er juin 2020 et pour une durée n’excédant pas six mois à compter du terme de l’état d’urgence sanitaire. Cette adaptation aura notamment pour objet de limiter les fins et les ruptures de contrats de travail, d’atténuer les effets de la baisse d’activité, de favoriser et d’accompagner la reprise d’activité :

    • en adaptant les règles, notamment par une modulation de la participation de l’Etat, aux caractéristiques des entreprises en fonction de l’impact économique de la crise sanitaire sur ces dernières, à leur secteur d’activité ou aux catégories de salariés concernés ;
    • en permettant aux salariés de démontrer leurs relations contractuelles par tous moyens écrits.

 

En dernier lieu, la loi comporte diverses dispositions relatives notamment, à la prolongation des allocations allouées aux demandeurs d’emploi lorsqu’elles ont pris fin à compter du 1er mars 2020, à la fixation des dates de scrutin pour la mesure de l’audience syndicale dans les TPE, ainsi qu’à la prorogation de certains mandats (conseillers prud’hommes, membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles, représentants des salariés au sein des organes collégiaux d’administration, de surveillance ou de direction, représentants des salariés actionnaires au sein des dits organes).