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Covid-19 : initiatives législatives en matière de don/monétisation de jours de repos ou de congés, qu’en est-il après la trêve estivale ?

Covid-19 : initiatives législatives en matière de don/monétisation de jours de repos ou de congés, qu’en est-il après la trêve estivale ?

En pleine crise sanitaire, nous avions présenté en juin dernier, voir notre article, (i) les initiatives spontanées nées au sein des entreprises en matière de solidarité entre salariés pour réduire les conséquences financières de l’activité partielle ou vis-à-vis des soignants ainsi que (ii) les frémissements législatifs initiés autour de ces thématiques. Trois mois se sont écoulés.

La rentrée est l’occasion de faire le point sur les dispositifs législatifs qui ont finalement vu le jour, leur applicabilité et leur succès éventuel.

Une solidarité intra-entreprise : l’article 6 de la loi du 17 juin 2020

La loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne a mis en place, dans son article 6, deux dispositifs susceptibles d’être instaurés par accord d’entreprise ou de branche.

Ceux-ci permettent, via un « abandon » (volontaire ou imposé) de jours de repos conventionnels dont la liste est définie par la loi ou d’une partie du congé annuel excédant vingt-quatre jours ouvrables, une compensation de tout ou partie de la diminution de rémunération subie par certains salariés placés en activité partielle.

Quelles sont les possibilités offertes par ces dispositifs ?

Pour mémoire, et en l’état des textes applicables, l’employeur verse au salarié en activité partielle une indemnité équivalente à 70 % de sa rémunération horaire brute (ce qui correspond en moyenne à 84 % de son salaire net). Ainsi, dans la plupart des cas, les salariés sont moins bien rémunérés en activité partielle que lorsqu’ils exercent leur activité.

Certaines stipulations conventionnelles de branche, comme par exemple la métallurgie, prévoient le maintien à 100 % de la rémunération des salariés en activité partielle mais au bénéfice de certaines catégories de salariés seulement.

Tentant de répondre à ces deux problématiques, et dérogeant aux dispositions sur la durée du travail (articles L.3121-1 et suivants) et aux dispositions sur les congés payés (article L.3141-1 et suivants) du Code du travail ainsi qu’aux stipulations conventionnelles applicables dans l’entreprise, l’établissement ou la branche, l’article 6 de la loi du 17 juin 2020 permet – par accord collectif – :

    • à l’employeur d’imposer aux salariés placés en activité partielle bénéficiant du maintien intégral de leur rémunération sur le fondement de stipulations conventionnelles – d’affecter des jours de repos ou de congés à un fonds de solidarité pour être monétisés en vue de compenser la perte de rémunération subie par d’autres salariés de l’entreprise en activité partielle ;
    • la monétisation de jours de repos ou de congés, sur demande d’un salarié en activité partielle, en vue de compenser tout ou partie de la diminution de rémunération qu’il a subie.

 

Au total, la monétisation ne peut excéder cinq jours par salarié.

L’URSSAF, dans une note du 13 juillet 2020 publiée sur son site Internet, précise que :

    • lorsque la monétisation est imposée, les cotisations et contributions sont versées lorsque les jours sont affectés au fonds de solidarité. En revanche, les sommes qui sont reversées aux salariés bénéficiaires seraient exonérées de cotisations et contributions ;
    • lorsque la monétisation est à l’initiative du salarié, la somme correspondante est soumise à cotisations et contributions sociales.

Un dispositif législatif destiné à « rétro-valider » des initiatives nées spontanément avant la parution de la loi, laquelle a suscité peu de nouvelles initiatives

Bien que la loi ait été publiée au Journal officiel le 18 juin 2020, les dispositifs susvisés s’appliquent rétroactivement depuis le 12 mars 2020 et jusqu’au 31 décembre 2020. Il s’agit donc de dispositifs :

    • temporaires ;
    • mis en place en s’inspirant de ce que les entreprises avaient ellesmêmes négociés pour tenter de corriger les déséquilibres créés en leur sein par l’activité partielle ;
    • destinés à « rétrovalider » les dispositifs « maison », bien souvent élaborés en dehors du cadre légal existant.

 

Toutefois, force est de constater que ces dispositifs « maison » ne respectent pas toujours le cadre législatif pourtant destiné à les recueillir (prélèvement obligatoire de l’ensemble des salariés de la société, alimentation du fonds de solidarité par prélèvement sur la paie, renonciation au bénéfice d’un salarié spécifiquement désigné, contribution volontaire de salariés non concernés par l’activité partielle, contribution volontaire sans limitation du nombre de jours, etc.).

Les entreprises semblent par ailleurs plus enclines à prolonger le dispositif existant qu’à en bâtir un nouveau, en conformité avec les nouvelles dispositions en vigueur.

 

Dans ces conditions, le risque de contentieux ne peut être écarté, même si le fait que la plupart des dispositifs aient été mis en place sous couvert du volontariat est de nature à amoindrir ce risque.

 

Mais il y a plus novateur que la mise en place par la loi d’une solidarité intra-entreprise.

Première tentative d’organisation d’une solidarité au bénéfice de tiers à l’entreprise : la loi du 30 juillet 2020

La loi n°2020-938 du 30 juillet 2020 permettant d’offrir des chèques-vacances aux personnels des secteurs sanitaire et médico-social en reconnaissance de leur action durant l’épidémie de covid-19, publiée au Journal officiel le 31 juillet 2020, met également en place un dispositif temporaire.

Quelles sont les possibilités offertes par ce dispositif ?

Dans ce cadre :

    • tout salarié peut renoncer à sa rémunération au titre d’une ou plusieurs journées de travail et l’employeur retient alors la fraction de la rémunération nette du salarié inhérente à cette ou ces journée(s) ;
    • tout salarié peut, à sa demande et en accord avec son employeur, renoncer sans contrepartie, à des jours de repos acquis et non pris, qu’ils aient été affectés ou non sur un compte épargne temps, ces jours de repos étant alors convertis en unités monétaires.

 

Les montants correspondants – le cas échéant augmentés d’un abondement de l’employeur si un accord d’entreprise le prévoit – sont ensuite versés par l’employeur à l’Agence nationale pour les chèques-vacances (ANCV) qui gère les sommes recueillies sur un compte ouvert à cet effet.

Il convient de noter que, contrairement au dispositif mis en place par l’article 6 de la loi du 17 juin 2020, les jours de repos visés par la loi du 30 juillet 2020 ne font l’objet d’aucune définition précise. Le rapport parlementaire n°3020 précise à cet égard que l’objectif est que « la plupart des salariés puissent être concernés par ce dispositif novateur ».

L’ANCV répartit ensuite les sommes ainsi récoltées sous la forme de chèques-vacances entre les établissements et services sanitaires, médico-sociaux et d’aide et d’accompagnement à domicile, en tenant compte de leurs effectifs. Ceux-ci sont alors chargés de la distribution des chèques-vacances entre leurs personnels ayant travaillé entre le 12 mars 2020 et le 10 mai 2020 et dont la rémunération brute n’excède pas 4 618,26 euros.

Une mise en œuvre subordonnée à un décret d’application

Ce dispositif doit toutefois être précisé par voie règlementaire, sur des aspects aussi importants que le nombre maximum de jours de repos auxquels le salarié peut renoncer, les modalités de la conversion des jours de repos en unités monétaires, les modalités du versement de l’employeur à l’ANCV, les modalités d’application du dispositif aux agents publics, etc.

Or :

    • alors que la procédure accélérée a été engagée par le Gouvernement le 19 mai 2020 sur cette proposition de loi en vue de son adoption avant la trêve estivale et que, afin de permettre une application de la loi au plus tôt, il a été décidé au cours des débats parlementaires de renvoyer ses modalités d’application à un décret simple plutôt qu’à un décret en Conseil d’État ;
    • et alors que le dispositif n’est applicable que jusqu’au 31 octobre 2020, l’ANCV ayant jusqu’à la fin de l’année pour distribuer les sommes récoltées sous forme de chèquesvacances avant qu’elles ne tombent dans l’escarcelle du Trésor Public ;

 

Aucun décret d’application n’est encore paru à ce jour laissant ces dispositions sans possibilité d’application.

Cette situation incompréhensible tend à donner raison à ceux qui, dès la discussion de la proposition de loi, ont émis des doutes sur l’opportunité comme sur la portée du dispositif.

Article publié dans Les Echos Executives le 16/09/2020