Covid-19 : pensez à actualiser votre document unique d’évaluation des risques !
23 avril 2020
Le Code du travail impose à l’employeur de veiller à la santé et à la sécurité des salariés. D’abord conçue comme une obligation de résultat, l’obligation de sécurité à la charge de l’employeur est, depuis quelques années, une obligation de moyens renforcée. Sa mise en œuvre se traduit par diverses actions dont l’élaboration et la mise à jour du document unique d’évaluation des risques (le fameux DUER).
Rappel des règles
Tout employeur doit élaborer et tenir à jour un DUER qui recense l’ensemble des risques pour la santé et la sécurité du personnel identifiés dans l’entreprise ainsi que les facteurs de risques professionnels.
L’évaluation des risques, si elle est à la charge de l’employeur, doit être préparée en s’entourant de compétences diverses (techniques, médicales ou encore organisationnelles). A cette fin, peuvent être associés à cette démarche le médecin du travail, les membres du comité social et économique (CSE), les salariés ou encore les entreprises sous-traitantes.
Cette évaluation des risques doit être globale, exhaustive et fondée sur le travail réel des salariés.
Afin de supprimer ou de réduire les risques évalués, un programme d’actions est élaboré dans le but de déterminer les actions de lutte les plus appropriées. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation ainsi que la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés (article L.4121-1 du Code du travail).
L’employeur doit veiller à l’adaptation de ces mesures afin de tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes. Ainsi, l’évaluation des risques doit être faite tout au long de l’année pour s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue de la santé et de la sécurité des travailleurs.
Enfin, le document unique d’évaluation des risques doit être tenu à la disposition des salariés, du CSE, de la médecine du travail ainsi que de l’inspection du travail.
Le DUER face au Covid-19
Si le Covid-19 a obligé un certain nombre d’entreprises à suspendre temporairement leurs activités, nombreuses sont celles qui ont dû, soit réduire leur activité, soit assurer la continuité de leur activité malgré une réduction de leurs effectifs. En outre, toutes les entreprises doivent dès maintenant réfléchir à la reprise de leurs activités quand le confinement sera levé.
Face à l’épidémie, l’employeur doit donc réfléchir aux moyens permettant de réduire, si ce n’est éviter, les risques auxquels sont confrontés ses salariés.
C’est ce que rappelle le ministère du Travail dans son questions-réponses qui énonce que l’évaluation du risque professionnel doit être renouvelée en raison de l’épidémie pour réduire au maximum les risques de contagion sur le lieu de travail ou à l’occasion du travail par des mesures telles que des actions de prévention, des actions d’information et de formation ainsi que la mise en place de moyens adaptés, conformément aux instructions des pouvoirs publics.
Si l’évaluation des risques et l’actualisation du DUER est à la charge de l’employeur, le ministère du Travail rappelle dans son questions-réponses la nécessité de faire intervenir les instances représentatives du personnel et le service santé au travail dans cette procédure.
Elaboration de guides dans certains secteurs
Compte tenu de la situation sans précédent à laquelle font face les entreprises, des guides ont été élaborés par le ministère du Travail.
Ainsi, des guides comprenant des préconisations concrètes, par secteur ou par métier, ont été publiés afin de permettre de poursuivre l’activité tout en protégeant la santé des salariés, dans les secteurs suivants :
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- dans le domaine de l’agriculture, l’élevage et l’agroalimentaire, des fiches ont été établies pour les activités agricoles, les chantiers de travaux agricoles, le travail saisonnier, le travail dans l’élevage, le travail en abattoir ;
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- dans le domaine du commerce de détail, de la restauration et de l’hôtellerie, des fiches ont été établies pour le travail en caisse, le travail dans un commerce de détail, le travail en boulangerie, le travail dans la restauration collective ou la vente à emporter, le travail dans l’hôtellerie – femme et valet de chambre, réceptionniste ou veilleur de nuit ;
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- pour les « autres services », des fiches ont été établies pour les agents de maintenance, les opérateurs en centre d’appel, les chauffeurs livreurs, les agents de sécurité, le travail dans le dépannage – intervention à domicile, les plombiers –et dans les installateurs sanitaires, le travail dans la blanchisserie industrielle, le travail dans un garage, le travail dans la collecte des ordures ménagères, le travail en espaces verts, etc.
Le ministère du Travail a également élaboré un guide de bonnes pratiques à destination des employeurs et salariés des entreprises de transport de fonds ainsi qu’un guide de préconisations de sécurité sanitaire pour la continuité des activités de construction en période de pandémie de Covid-19 et, enfin, un guide dédié aux entreprises et à l’industrie de la filière bois.
Même si ces divers guides et fiches ont été élaborés pour des métiers ou filières spécifiques, ils n’en demeurent pas moins intéressants pour tout employeur afin d’identifier les risques et s’inspirer de préconisations pratiques pouvant être dupliquées dans d’autres secteurs.
DUER et suites judiciaires
Toute entreprise qui ne se soumettrait pas à cette obligation s’exposerait à des poursuites.
L’absence ou le défaut d’actualisation du DUER est sanctionné par une amende de 1 500 euros maximum et 3 000 euros maximum en cas de récidive dans un délai d’un an à compter de l’expiration ou de la prescription de la précédente peine (articles R.4741-1 du Code du travail), étant précisé que le taux maximum de l’amende applicable aux entreprises est égal au quintuple de ceux précédemment mentionnés (article 131-41 du Code pénal).
L’actualité judiciaire récente montre que le DUER est plus que jamais au cœur des préoccupations.
Ainsi, le tribunal judiciaire de Paris, saisi par SUD-PTT, a ordonné le 9 avril 2020 à La Poste d’établir un DUER liés au Covid-19.
De la même manière, Amazon s’est vu ordonner le 14 avril 2020 par le tribunal judiciaire de Nanterre de limiter, sous 24 heures et sous astreinte d’un million d’euros par infraction et par jour de retard, son activité aux marchandises essentielles (hygiène, médical, alimentaire), dans l’attente d’une évaluation, en y associant les représentants du personnel, des risques liés à l’épidémie de Covic-19 et des mesures prises pour en protéger les salariés.
Et après ?
Dans ce contexte, les employeurs sont fortement encouragés à se pencher sur l’actualisation du DUER afin d’identifier et de mettre en œuvre toutes les mesures concrètes et nécessaires à la protection de la santé des salariés. Avec un relâchement du confinement annoncé pour le 11 mai, c’est dès maintenant qu’il faut y réfléchir et se préparer à une reprise dans des conditions optimales.
Article publié dans Les Echos Executives du 23/04/2020
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