Covid-19 : Quelle responsabilité des entreprises vis-à -vis de leurs salariés ?
6 janvier 2021
Il ne fait guère de doute que la crise sanitaire majeure que traverse la France depuis le début de l’année 2020, dépasse largement les frontières de l’entreprise et que toute personne est susceptible d’être contaminée en tout lieu et à toute heure. Néanmoins, il ne peut être exclu que la responsabilité de l’employeur puisse être recherchée pour n’avoir pas mis en œuvre de mesures suffisantes pour protéger la santé et la sécurité de ses salariés.
A cet égard, le Gouvernement a multiplié les recommandations – sous formes de protocoles [1] – et les questions-réponses pour donner aux entreprises des indications sur les démarches et les mesures à mettre en Å“uvre pour protéger leurs salariés contre le risque de contamination à la Covid-19.
Plusieurs décisions de justice rendues depuis le début du mois d’avril apportent d’utiles précisions sur les diligences attendues de l’employeur.
1- L’obligation de prévention
Aux termes de l’article L.4121-1 du Code du travail, l’employeur est tenu à une obligation de sécurité et doit « prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L.4161-1 ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes », en respectant les neuf principes généraux de prévention édictés par le Code du travail (C. trav., art. L.4121-2).
La nature de cette obligation a récemment évolué.
Après avoir jugé qu’il s’agissait d’une obligation de résultat [2], ce qui impliquait que la seule réalisation du risque suffisait à établir le manquement à l’obligation, la Cour de cassation retient désormais, depuis l’arrêt Air France (Cass. Soc., 25 novembre 2015, n°14-24.444), que cette obligation de sécurité constitue une obligation de moyens renforcée. Dorénavant, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention nécessaires ne peut voir sa responsabilité engagée même en cas de réalisation du risque.
Ce principe a été repris par le ministère du Travail en matière de Covid-19 : « Il n’incombe pas à l’employeur de garantir l’absence de toute exposition des salariés à des risques mais de les éviter le plus possible et s’ils ne peuvent être évités, de les évaluer régulièrement en fonction notamment des recommandations du gouvernement, afin de prendre ensuite toutes les mesures pour protéger les travailleurs exposés [3] ».
Ainsi, bien qu’en principe l’obligation de l’employeur porte sur la prévention des risques professionnels inhérents à l’activité de l’entreprise, il lui appartient de décliner à son niveau les consignes données par l’Etat.
En effet, à l’heure actuelle, la plupart des règles applicables en entreprise en ce domaine sont concentrées dans le protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à l’épidémie de Covid-19 du 31 août 2020, à jour du 13 novembre 2020.
Or, ce protocole, qui ne repose sur aucune base légale, est un « document de référence [4] » prévoyant « un ensemble de recommandations pour la déclinaison matérielle de l’obligation de sécurité de l’employeur dans le cadre de l’épidémie de covid-19 en rappelant les obligations qui existent en vertu du Code du travail » (CE, 19 octobre 2020, n°444809)
Ainsi, les entreprises doivent, sur la base de ce protocole, procéder à leur propre évaluation des risques et mettre en œuvre les mesures de prévention adaptées à leur situation.
C’est ce que confirme la Direction générale du travail (DGT) dans une fiche du 14 septembre 2020 relative aux modalités d’intervention de l’inspection du travail en matière de contrôle de l’application du protocole sanitaire en entreprise.
Celle-ci rappelle que le « protocole ne dispose pas, en droit, de force contraignante et constitue un ensemble de recommandations à l’égard des employeurs » et qu’à ce titre, « sa méconnaissance ne peut pas, en tant que telle, être directement sanctionnée par les agents de contrôle ».
Ainsi, « le non-port du masque ne pourra cependant être apprécié seul et entraîner une action automatique de l’inspecteur du travail ». Néanmoins, le respect par l’employeur de ces préconisations «a une incidence sur l’appréciation du manquement ou de son obligation de sécurité ».
L’employeur, en tant que garant de la sécurité et de la santé des salariés, est responsable des risques qu’il crée mais également des risques présents dans l’entreprise. La jurisprudence rendue en matière de Covid-19 en a déduit plusieurs obligations pour l’employeur.
1.1 La mise à jour du document unique d’évaluation des risques
Afin de répondre à son obligation générale de sécurité à l’égard des salariés, l’employeur doit évaluer les risques physiques et psychiques pour la santé et la sécurité des travailleurs et retranscrire le résultat dans un document unique d’évaluation des risques (DUER) (C. trav., art. L.4121-2 et R.4121-1) dont la mise à jour doit intervenir au moins annuellement et lorsqu’une information supplémentaire sur l’existence d’un nouveau risque est recueillie (C. trav., art. R.4121-2).
A ce titre, la DGT préconise de renouveler l’évaluation des risques « en raison de l’épidémie, pour réduire au maximum les risques de contagion sur le lieu de travail ou à l’occasion du travail » et précise que « cette nouvelle évaluation doit être retranscrite dans le document unique d’évaluation des risques, lequel doit être actualisé pour tenir compte des changements de circonstances [5] ».
Ce même raisonnement a été retenu par la jurisprudence rendue en matière de Covid-19 (v. notamment : CA Versailles, réf., 24 avril 2020, n° 20/01993 ; TJ Paris, réf., 9 avril 2020, n° 20/52223).
En outre, il est également recommandé à l’employeur de consulter (CA Versailles, réf., 24 avril 2020, précité) ou à tout le moins d’associer les représentants du personnel à la mise à jour du DUER (v. notamment : TJ Paris, réf., 9 avril 2020, précité ; TJ Lille, réf., 5 mai 2020, n°20/00399 ; TJ Le Havre, réf., 7 mai 2020, n°20/00143).
En effet, la jurisprudence se fondant sur la circulaire DRT n°6 du 18 avril 2002 relative au document unique préconise de mener « l’approche de la prévention de la santé et de la sécurité au travail […] en liaison avec les instances représentatives du personnel ».
Toutefois, certains tribunaux ont pris une position différente pour retenir qu’aucune disposition légale n’impose la consultation du CSE pour l’évaluation des risques professionnels et la mise à jour du DUER (v. notamment : TJ Lyon, réf., 22 juin 2020, n°20/00701).
1.2 La prise en compte de la Covid-19 au titre des risques biologiques
L’article R.4421-3 du Code du travail classe les agents biologiques en quatre groupes selon l’importance du risque d’infection qu’ils présentent. Seuls les agents biologiques du groupe II à IV sont considérés comme des agents pathogènes.
De ces classifications découle le niveau des mesures de prévention que l’employeur est tenu de mettre en œuvre conformément à son obligation de sécurité (C. trav., art. L.4121-1). En principe, les dispositions spécifiques au risque biologique sont uniquement applicables au sein des établissements dans lesquels la nature de l’activité peut conduire à exposer les travailleurs à des risques biologiques (C. trav., art. R..4421-1, al 2).
Toutefois, la plupart de ces dispositions n’est pas applicable lorsque l’activité des travailleurs n’implique pas l’utilisation délibérée d’un agent biologique pathogène et que l’évaluation des risques ne met pas en évidence de risque spécifique (C. trav., art. R. 4421-1, al 2).
Selon le questions-réponses publié par le ministère du Travail le 20 avril 2020, peuvent être considérés comme exposés aux risques biologiques :
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- les professionnels systématiquement exposés au risque de contamination du virus du fait de la nature de leur activité habituelle (personnel de soins, etc.) ;
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- les travailleurs dont les fonctions les exposent à un risque spécifique (notamment lorsqu’elles impliquent des contacts de moins d’un mètre avec des personnes potentiellement contaminées) quand bien même l’activité de leur entreprise n’impliquerait pas normalement l’utilisation délibérée d’un agent biologique.
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Durant la période de confinement, le juge des référés a eu à se prononcer sur le point de savoir si la Covid-19 constituait un risque biologique pathogène dans l’entreprise.
Une partie des décisions, considérant dans un premier temps que les activités concernées n’impliquaient pas l’utilisation délibéré d’un agent, se sont appuyées dans un second temps sur le fait que le document unique identifiait un risque biologique spécifique pour décider que la règlementation sur les risques biologiques était applicable (v. notamment ; TJ Lille, réf., 3 avril 2020, n° 20/00380 ; TJ Lille, réf., 24 avril 2020, n°20/00395 ; TJ Lille, réf., 5 mai 2020, n°20/00399 ; TJ Nanterre, réf. 6 mai 2020, n°20/00730). Pour autant, certaines décisions n’ont pas retenu l’existence d’un tel risque (v. notamment : TJ Aix-en-Provence, réf., 30 avril 2020, n°20/00365 ; TJ Chalon-sur-Saône, réf., 12 mai 2020, n°20/00076 ; TJ Le Havre, réf., 7 mai 2020, n°20/00143).
Ainsi, l’employeur, lors de la mise à jour du DUER, doit se montrer particulièrement vigilant à ne pas identifier la Covid-19 comme un risque biologique dans l’entreprise.
Dans sa fiche, précitée datée du 14 septembre 2020, la DGT retient que « sous réserve de l’appréciation des juridictions, et au regard des caractéristiques de l’épidémie actuelle de Covid-19, l’activité professionnelle expose à des regroupements potentiellement dangereux et ainsi nécessairement les salariés au SARS-CoV-2 ».
A cet égard, la DGT identifie trois catégories d’entreprise :
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- les entreprises de catégorie 1 : celles dont l’activité implique l’utilisation délibérée d’agents biologiques (laboratoires de recherche) ;
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- les entreprises de catégorie 2 : celles dont l’activité n’implique pas l’utilisation délibérée d’un agent biologique mais dont l’évaluation des risques met en évidence un risque spécifique d’exposition au Sras-Cov-2 (activités qui conduisent nécessairement à des contacts étroits entre personnes à moins d’un mètre) ;
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- les entreprises de catégorie 3 : celles dont l’activité n’implique pas l’utilisation délibérée d’un agent biologique et dont l’évaluation des risques ne met pas en évidence un risque spécifique (activités pouvant conduire à exposer les salariés à la Covid-19 mais pour lesquels le respect des gestes barrière est possible).
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Selon la DGT, au sein des entreprises de catégorie 1 et 2, la méconnaissance du port du masque, constitue une infraction pénale autorisant l’inspecteur du travail à dresser un procès-verbal, voire à engager une action en référé, s’il constate un risque d’atteinte à l’intégrité physique du salarié.
Au sein des entreprises de catégorie 3, l’employeur doit tout de même respecter la réglementation sur les risques biologiques, la DGT renvoyant à l’article R.4422-1 du Code du travail selon lequel « l’employeur prend des mesures de prévention visant à supprimer ou à réduire le risque biologique, conformément aux principes de prévention énoncés à l’article L.4121-2 ».
2- La responsabilité civile de l’employeur
2.1 En cas de manquement à l’obligation de sécurité
Compte tenu de ce qui précède, en cas de manquement de l’employeur à son obligation de prévention des risques, sa responsabilité civile pourra être engagée et ouvrir droit pour la personne contaminée par la Covid-19 à des dommages-intérêts.
Il appartiendra alors au demandeur de démontrer l’existence d’un tel manquement. Cette responsabilité pourra néanmoins être atténuée s’il est établi que le salarié a manqué à l’obligation qui lui est faite par l’article L.4122-1 du Code du travail « de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées ses actes ou ses omissions au travail ».
2.2 Les conséquences d’une possible reconnaissance de maladie professionnelle
La Covid-19 fait l’objet de deux tableaux de maladie professionnelle permettant aux soignants et personnels administratifs de soin et assimilés ou d’entretien au sein d’établissement de santé ayant contracté une forme particulièrement grave du virus – c’est-à -dire dont l’état a nécessité une oxygénothérapie ou toute autre forme d’assistance ventilatoire – de voir leur maladie reconnue comme étant d’origine professionnelle [6].
Les non-soignants et les soignants ayant contracté une forme moins sévère de la Covid-19, devront, conformément au droit commun, démontrer que la Covid-19 a entraîné une incapacité permanente de travail d’au moins 25 % et qu’elle est directement imputable à leur activité professionnelle habituelle (C. séc. soc., art. L.461-1 et R.461-8).
En cas de reconnaissance de maladie professionnelle, une faute inexcusable de l’employeur pourrait être retenue s’il est établi que celui-ci « avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures pour l’en préserver » (Cass. soc., 28 février 2002, n° 00-10.051).
A cet égard, il n’est pas nécessaire que la faute de l’employeur constitue la cause essentielle et déterminante du dommage (Cass. ass. plén., 24 juin 2005, n°03-30.038). Dans ces conditions, elle ne pourrait être écartée en raison du comportement imprudent du salarié (non-respect des gestes barrières, non-respect du port du masque, etc.).
En revanche, la faute inexcusable pourra être écartée s’il est démontré que l’employeur a mis en œuvre toutes les mesures de prévention nécessaires (Cass. soc., 22 septembre 2011, n° 10-24.116).
La reconnaissance de la faute inexcusable permettrait une meilleure prise en charge de la maladie (la victime ou ses ayants-droits bénéficiant d’une majoration de la rente ou du capital éventuellement perçu) et l’indemnisation de certains autres préjudices (C. séc. soc., art. L.452-3).
Enfin on peut s’interroger sur la possibilité pour les salariés d’invoquer l’existence d’un préjudice d’anxiété en raison de la crainte de développer à tout moment la Covid-19.
En effet, après avoir été longtemps cantonnée aux bénéficiaires de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA), l’action en réparation du préjudice d’anxiété a été ouverte plus largement à tout salarié « qui justifie d’une exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave » (Cass. soc., 11 septembre 2019, n° 17-24.879 à 17-25. 623).
Néanmoins, l’invocation d’un tel préjudice, s’agissant de la crainte de développer la Covid-19, paraît difficile dans la mesure où d’une part, il est difficile de soutenir que la Covid-19 se définit comme une « substance nocive ou toxique », d’autre part, le délai d’incubation évalué à 14 jours semble trop court pour permettre de caractériser le préjudice d’anxiété, et enfin, le déploiement des tests de dépistage au niveau national permet, dans un délai relativement restreint, de mettre fin à l’anxiété liée à la contamination.
3- Sur la responsabilité pénale de l’employeur
L’article L.3136-2 du Code de la santé publique instauré par la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses disposition prévoit que « l’article 121-3 du Code pénal [relatif à la responsabilité pénale pour manquement à une obligation de prudence ou de sécurité] est applicable en tenant compte des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l’auteur des faits dans la situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire, ainsi que de la nature de ses missions ou de ses fonctions, notamment en tant qu’autorité locale ou employeur ».
A l’origine, le projet de loi adopté par le Sénat allait plus loin dans la protection des maires et employeurs en les exonérant de leur responsabilité, à moins qu’une faute ait été commise intentionnellement, par imprudence, négligence, ou en violation manifestement délibérée d’une mesure de police administrative [7].
Dans sa rédaction définitive, cette disposition ne fait que « rappel[er] celles du droit commun et s’appliquent de la même manière à toute personne ayant commis un fait susceptible de constituer une faute pénale non intentionnelle dans la situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire [8] ».
En l’absence d’incriminations spécifiques, la responsabilité pénale de l’employeur pourrait être retenue sur différents fondements du droit commun.
3.1 Infractions involontaires
En premier lieu, les employeurs pourraient voir leur responsabilité pénale recherchée pour délit de mise en danger de la vie d’autrui lequel réprime « le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement » (C. pén., art. 223-1).
Cependant les éléments constitutifs de l’infraction semblent difficiles à réunir dans le cadre de la Covid-19. En effet, cette infraction impose de démontrer, d’une part, le caractère manifestement délibéré de la violation et, d’autre part, l’existence d’une obligation de sécurité imposée par la loi ou le règlement. Or, lors de la gestion de la crise sanitaire, les différents Ministères ont usé de canaux de communication novateurs mais dépourvus de valeur contraignante.
Plusieurs plaintes ont ainsi d’ores et déjà été déposées par des syndicats [9] pour mise en danger de la vie d’autrui. A ce jour, elles ont toutes été classées sans suite.
En second lieu, les employeurs pourraient voir leur responsabilité recherchée sur le fondement de l’atteinte involontaire à la vie et à l’intégrité physique, dans le cas où le salarié aura effectivement déclaré la Covid-19 (C. pén., art. 221-6 et 222-19).
La victime sera, alors, contrainte d’établir un lien de causalité certain entre l’absence de mesures de prévention et la survenance de la maladie. Comme en matière de maladie professionnelle, la contagiosité du virus rend la preuve particulièrement difficile à rapporter.
3.2 Omissions volontaires
L’employeur pourrait également voir sa responsabilité engagée sur le fondement de non-assistance à personne en danger (C. pén., art. 223-6). En effet, l’employeur doit, en cas de suspicion de contamination, impérativement réagir, notamment en renvoyant le salarié à son domicile ou en appelant le SAMU si ce dernier présente des symptômes graves. De plus, il lui appartient, d’informer les salariés ayant été en contact avec le travailleur contaminé et de désinfecter, le plus rapidement possible, l’espace de travail du salarié concerné.
3.3 Sanctions spécifiques prévues par le Code du travail
En matière de santé et sécurité au travail, certains comportements sont incriminés par le Code du travail (art. L.4741-1 et s.). Dans le cadre de la Covid-19, ces infractions peuvent permettre d’engager la responsabilité de l’employeur sans qu’il soit nécessaire de démontrer qu’il est responsable de la contamination d’un ou plusieurs salariés.
Pour que ces infractions soient constituées, encore faut-il qu’une faute personnelle de l’employeur ou de son délégataire soit établie. Il appartient au chef d’entreprise, selon une jurisprudence constante, de veiller personnellement à la stricte et constante exécution des dispositions édictées par le Code du travail et les règlements pris pour son application en vue d’assurer l’hygiène et la sécurité des travailleurs (v. notamment : Cass. Crim., 22 mai 1973, Bull. crim. n°230).
Concrètement, les employeurs pourraient ainsi avoir à répondre d’un défaut de mise à jour du document unique d’évaluation des risques ou de ne pas avoir adopté de mesures de protection collectives et/ou individuelles suffisantes.
Ces infractions sont punies d’une amende allant de 1 500 euros, pour défaut de mise à jour du DUER, à 10 000 euros – 30 000 euros en cas de récidive –  en cas de faute personnelle de l’employeur ou de son délégataire, appliquée autant de fois qu’il y a de salariés de l’entreprise concernés (C. trav., art. R.4741-1 et L.4741-1 et s.)
4- Le rôle de l’inspection du travail
Dans sa note du 3 novembre 2020, la DGT rappelle que l’inspection du travail a pour rôle de conseiller et d’accompagner les entreprises pour l’application du protocole.
En l’absence de risque spécifique ou de situation dangereuse pour les travailleurs, l’agent ne peut sanctionner l’entreprise, il pourra notamment recourir à une lettre d’observations pour rappeler à l’employeur les recommandations du protocole ainsi que son obligation de sécurité.
Néanmoins, comme le rappelle le Questions-Réponses du ministère du Travail relatif aux mesures de prévention dans l’entreprise contre la Covid-19 mis à jour le 2 novembre 2020, si l’employeur ne réagit pas suite aux recommandations de l’inspecteur du travail ou que les salariés se trouvent dans une situation dangereuse ou en présence d’un risque spécifique, des actions plus contraignantes peuvent être mobilisées :
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- la mise en demeure du Directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) après constat par l’inspecteur d’une situation dangereuse (C. Trav., art. L.4721-1, 1°) pouvant mener à un procès-verbal si l’entreprise ne donne pas suite ;
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- l’action en référé judiciaire en cas de risque sérieux d’atteinte à l’intégrité, la santé ou la sécurité des travailleurs (C. Trav., art. L.4732-1)  ;
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- l’établissement d’un procès-verbal adressé au procureur de la République (C. Trav., art. L.4741-1).
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Bien que les recommandations gouvernementales n’aient ni valeur légale ni valeur réglementaire, au vu des conséquences que pourrait entraîner une mauvaise gestion de la crise par les entreprises et au risque pour ces dernières de voir engager leur responsabilité civile ou pénale, il est recommandé aux employeurs de respecter les recommandations édictées par le Gouvernement, et de décliner les mesures de prévention prévues, dans le cadre de leur propre évaluation des risques.
(1) Protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à l’épidémie de Covid19 du 31 août 2020, actualisé
(2) Cass. Soc., 11 avril 2002, n°00-16.535
(3) Questions-réponses : Responsabilité de l’employeur – Droit de retrait, publié le 17 avril 2020.
(4) Questions-réponses pour accompagner et guider les entreprises dans la mise en œuvre du protocole publié sur le site du ministère du Travail, le 7 septembre 2020
(5) Questions-réponses pour les entreprises et salariés publié sur le site du ministère du Travail, le 28 février 2020
(6) Décret n° 2020-1131 du 14 septembre 2020 relatif à la reconnaissance en maladies professionnelles des pathologies liées à une infection au SARS-CoV2
(7) Projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions, art. 1er
(8) Cons. constit., décision n°2020-800, 11 mai 2020.
(9) Communiqué de presse de la CGT publié le 31 mars 2020
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