Crédit d’impôt recherche (CIR) : Panorama des évolutions intervenues en 2018
L’efficacité et l’attractivité du crédit d’impôt recherche (CIR) sont régulièrement soulignées. Ce dispositif a connu des évolutions importantes en 2018. Nous nous attacherons, comme chaque année, à les synthétiser.
1. Guide du CIR 2018
L’édition 2018 du Guide du CIR a été publiée le 29 août sur le site du MESR. Quoique non opposable à l’administration fiscale, ce Guide est un indicateur important des attentes de cette dernière et de l’approche retenue dans le cadre des vérifications.
Le Guide 2018 illustre un effort de documentation plus important et d’explications plus précises attendues dans le dossier justificatif, lequel est refondu et devra :
- présenter sous forme de tableau une synthèse des principales caractéristiques de chacun des projets ;
- mieux identifier la chronologie des étapes de l’opération et indiquer les étapes déclarées au CIR et celles écartées ;
- indiquer le rôle et l’apport en compétence de chaque salarié, en particulier en justifiant de la contribution spécifique des salariés intervenant à hauteur d’un faible pourcentage de leur temps de travail et des raisons conduisant à retenir une personne à 100% de son temps de travail.
Le Guide contient par ailleurs des précisions nouvelles relatives à l’éligibilité au CIR de certains domaines spécifiques : essais cliniques, informatique, archéologie.
2. Obligations déclaratives
Depuis le 1er janvier 2011, les entreprises qui engagent plus de 100 millions d’euros de dépenses de recherche doivent, en sus de la déclaration 2069-A-SD (par laquelle elles optent pour le CIR), transmettre un état annexe 2069-A-1-SD décrivant la nature de leurs travaux de recherche en cours en N pour lesquels elles ont bénéficié du CIR en N-1, l’état d’avancement de leurs programmes, les moyens matériels et humains, directs ou indirects qui y sont consacrés et la localisation de ces moyens.
L’article 151 de la loi de finances pour 2019 (Loi 2018-1317 du 28 décembre 2018) a étendu cette obligation d’information aux entreprises engageant plus de 2 millions d’euros de dépenses de recherche. Les entreprises concernées devront en tenir compte dès le dépôt de la déclaration déposée au titre du CIR 2018 (pour les travaux de recherche en cours en 2019).
3. Sous-traitance et mise à disposition de personnel
Quatre arrêts ont retenu notre attention :
Le Conseil d’Etat a jugé (CE, 25 janvier 2017, n°390652, société Intuigo) que les dépenses de personnel ouvrant droit au CIR s’étendent « aux rémunérations et charges sociales prises en charge par l’entreprise au titre de la mise à disposition de personnels par un tiers afin d’y effectuer dans ses locaux et avec ses moyens des opérations de recherche ». La Cour administrative d’appel de Versailles, siégeant en cour de renvoi, a jugé (CAA Versailles, 25 juin 2018, n°17VE00404) que les conditions d’une telle mise à disposition n’étant pas réunies au cas particulier, les dépenses de personnel n’étaient pas éligibles au CIR.
Le Conseil d’Etat (CE, 5 mars 2018, n°416836, société Lunalogic) refuse de transmettre une QPC portant sur l’interprétation des dispositions de l’article 244 quater B, III du CGI, et confirme l’interprétation donnée par la doctrine administrative. Selon cette interprétation, les sommes reçues par les organismes de recherche privés agréés pour la réalisation d’opérations de recherche qui leur sont confiées par des entreprises entrant elles-mêmes dans le champ des bénéficiaires du CIR, et qui constituent pour ces entreprises des dépenses éligibles, ne peuvent être incluses dans la base de calcul du CIR propre de l’organisme sous-traitant, alors même qu’elles ne seraient pas prises en compte dans l’assiette du CIR de l’entreprise donneuse d’ordre, soit par l’effet des règles de plafonnement, soit du fait d’une renonciation volontaire au bénéfice du crédit d’impôt auquel cette dernière pourrait prétendre.
La cour administrative d’appel de Versailles juge en revanche (CAA Versailles, 22 janvier 2019, n°17VE01733, SA Capgemini et n°17VE91717, SA Altran Technologies) qu’un sous-traitant agréé chargé de réaliser en sous-traitance des prestations ne portant pas contractuellement sur la réalisation d’opérations de R&D, qui expose lui-même à cette occasion, pour son propre compte, des dépenses de recherche nettement individualisées des prestations faisant l’objet du contrat de sous-traitance, dont il assume la charge financière sans la répercuter intégralement au donneur d’ordre en cause, et dont il conserve la propriété et donc l’usage des résultats pour sa propre activité, peut inclure ces dépenses dans l’assiette de son propre CIR.
La cour administrative d’appel de Bordeaux (CAA de Bordeaux, 16 mars 2018, n°16BX00922, société RH Solutions) juge quant à elle qu’une société de portage salarial qui a pour seul objet de mettre des chercheurs à la disposition de ses clients ne peut prétendre au CIR pour des recherches dont elle n’a pas défini le contenu ni supporté le coût et les risques. Seules les sociétés clientes peuvent, dans cette hypothèse, être considérées comme ayant exposé des dépenses de recherche en recourant, pour des besoins temporaires de main-d’œuvre experte, non au recrutement de chercheurs sur la base d’un contrat de travail, mais aux prestations des ingénieurs de la société de portage, et en acquittant les prestations auprès de cette dernière.
4. Dépenses éligibles
Trois nouveautés retiennent l’attention :
Rappelons que les dépenses de personnel éligibles au CIR liées à la première embauche de personnes titulaires d’un doctorat sont retenues pour le double de leur montant pendant les 24 premiers mois suivants leur premier recrutement à la double condition qu’elles soient titulaires d’un CDI et que l’effectif du personnel de recherche salarié de l’entreprise ne soit pas inférieur à celui de l’année précédente (CGI, article 244 quater B, II, c). Confirmant la doctrine administrative (BOI-BIC-RICI-10-10-20-20 § 210), la cour administrative d’appel de Marseille (8 janvier 2018, n°16MA03157, SAS ITK) juge que la notion de « premier recrutement » s’apprécie non pas au niveau de l’entreprise mais au niveau du jeune docteur.
L’administration a admis (BOI-BIC-RICI-10-10-20-20 § 235, mis à jour au 05/12/2018) que dans l’hypothèse où le jeune docteur serait licencié pendant la période d’essai de son premier CDI, ou durant la période qui aurait pu correspondre à une telle période d’essai (dans certaines circonstances particulières), ce premier CDI ne serait pas décompté comme un premier recrutement.
En matière de CIR textile, le Conseil d’Etat a jugé (CE, 18 juillet 2018, n°413314, SCA France Teinture) que les dépenses de personnel afférentes aux stylistes et techniciens des bureau de style directement et exclusivement chargés de la conception de nouveau produits, d’une part, et les dépenses de personnel afférentes aux ingénieurs et techniciens de production chargés de la réalisation de prototypes ou d’échantillons non vendus, d’autre part, constituaient deux catégories de dépenses de personnel ouvrant droit au CIR indépendamment l’une de l’autre.
5. Recevabilité de réclamations relatives au CIR
Le tribunal administratif de Paris a jugé (TA Paris, 26 juin 2018, n°1705035, société Murex) que le courrier par lequel une société a sollicité, suite aux rectifications opérées par l’administration, le rétablissement de certains dépenses dans l’assiette de son CIR n’est pas constitutif d’une réclamation contentieuse au sens de l’article L 190 du LPF dès lors que les rectifications contestées ne se sont traduites par aucun rehaussement d’IS et que la société n’a pas non plus sollicité le remboursement de son crédit d’impôt. Le contribuable ne pouvant contester qu’une imposition mise en recouvrement, la requête est jugée irrecevable.
Le Conseil d’Etat a jugé (CE, 22 octobre 2018, n°405420 – 405462, société Financière Lucia) qu’au cas particulier des dépenses éligibles au CIR engagées en 2009, année au titre de laquelle le dépôt de la déclaration spéciale du CIR valait demande de remboursement immédiat du crédit d’impôt, le délai de réclamation du CIR courait à compter de la date limite de dépôt du relevé de solde d’IS auquel devait être joint la déclaration spéciale (et expirait par conséquent au 31 décembre de la deuxième année suivant cet événement).
6. Contrôle du CIR
Les agents mandatés par le MESR sont soumis à un principe d’impartialité lorsqu’ils vérifient, sur demande de l’administration fiscale, la réalité de l’affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour le calcul du CIR. Le Conseil d’Etat a jugé (CE, 25 mai 2018, n°407544, SAS Asten) qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne prescrit à l’administration de communiquer au contribuable les éventuelles déclarations d’absence de conflits d’intérêts des agents.
Auteurs
Christophe Leclère, avocat associé, droit fiscal
Adrien Sanvelian, avocat en droit fiscal
Crédit d’impôt recherche (CIR) : Panorama des évolutions intervenues en 2018 – Article paru dans le magazine Option Finance le 1er avril 2019
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