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Crédit d’impôt recherche : panorama des évolutions intervenues en 2019

Crédit d’impôt recherche : panorama des évolutions intervenues en 2019

L’efficacité et l’attractivité du crédit d’impôt recherche (CIR) sont régulièrement soulignées. Ce dispositif a connu des évolutions importantes en 2019. Synthèse des principales nouveautés.

1. Sous-traitance

Comme l’an dernier, les dépenses de sous-traitance ont fait l’objet d’une attention particulière tant du législateur que de l’administration fiscale.

1.1 La sous-traitance en cascade a été encadrée par le législateur pour les dépenses exposées à compter du 1er janvier 2020, afin de mettre fin à certaines situations considérées comme abusives :

  • les dépenses liées à des opérations de recherche sous-traitées auprès d’un organisme agréé ne sont désormais prises en compte au niveau du donneur d’ordre que si elles sont réalisées directement par le sous-traitant, ou si les traitants recourent eux-mêmes à des prestataires agréés pour la réalisation des travaux ;
  • la prise en compte des dépenses sous-traitées auprès d’organismes publics et assimilés pour le double de leur montant, en l’absence de lien de dépendance, est désormais conditionnée à la réalisation directe des opérations de recherche par ces organismes.

1.2 Le Guide du CIR 2019[1] apporte également des précisions. Il faudrait désormais distinguer :

  • la sous-traitance dite « de spécialité », ayant pour objet de combler l’absence d’une compétence spécifique en interne pour réaliser l’opération et pour laquelle le sous-traitant assume la coordination scientifique de la prestation de recherche, éligible au CIR, et ;
  • la sous-traitance dite « de capacité », visant les cas dans lesquels le sous-traitant est un simple exécutant d’une opération définie par le donneur d’ordre qui assure lui-même la coordination scientifique de la prestation de recherche, non éligible au CIR.

Un résumé des travaux réalisés par le sous-traitant aura lieu d’être fourni pour chacune des opérations de recherche externalisées.

1.3 La sous-traitance demeure source de nombreux contentieux. Le juge administratif a ainsi pu confirmer qu’un sous-traitant agréé chargé de réaliser en sous-traitance des prestations ne portant pas contractuellement sur la réalisation d’opérations de R&D, qui expose lui-même à cette occasion, pour son propre compte, des dépenses de recherche nettement individualisées dont il assume la charge financière sans la répercuter intégralement au donneur d’ordre en cause, et dont il conserve la propriété et donc l’usage des résultats pour sa propre activité, peut inclure ces dépenses dans l’assiette de son propre CIR (CAA Versailles, 22 janvier 2019, n° 17VE01733, SA Capgemini et n° 17VE91717, SA Altran Technologies).

De même, selon les juges du fond, la seule circonstance que la copie des contrats de sous-traitance n’ait pas été produite par la requérante ne fait pas obstacle en soi à ce que les dépenses en cause soient prises en compte au titre du CIR. Compte tenu des cahiers de charge adressés aux sous-traitants exposant précisément l’objet et la nature des travaux ainsi que les conditions d’acceptation des livrables et des tableaux détaillés des livrables produits par la requérante, les dépenses de sous-traitance litigieuses doivent être considérées comme exposées en contrepartie d’opérations de recherche nettement individualisées (TA Toulouse, 15 octobre 2019 n° 1802322, Société Figeac Aéro).

2. CIR collection

2.1 Le CIR collection et le crédit d’impôt innovation sont appelés à disparaître : les dépenses éligibles à ces dispositifs ne seraient prises en compte que jusqu’au 31 décembre 2022[2].

2.2 La base Bofip (BOI-BIC-RICI-10-10-40-20190213, n° 20 et n° 25) a intégré les précisions nées des arrêts du Conseil d’Etat Sté Antik Batik (CE, 13 juin 2016, n° 380490) et Société Le Tanneur et Cie (CE, 26 juin 2017, n° 390619) :

  • sont seules éligibles au CIR les entreprises du secteur textile-habillement-cuir qui exercent une activité industrielle, soit les entreprises exerçant une activité qui concourt directement à la fabrication ou à la transformation de biens corporels mobiliers et pour laquelle le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre est prépondérant ;
  • les entreprises exerçant une activité industrielle, qui ont recours à la sous-traitance mais qui n’ont pas concédé leur droit de fabrication, peuvent bénéficier du crédit d’impôt dès lors qu’elles sont propriétaires de la matière première et qu’elles assurent tous les risques de la fabrication et de la commercialisation. Ne sont toutefois pas éligibles au crédit d’impôt les dépenses liées à l’élaboration de nouvelles collections commercialisées sous la propre marque de l’entreprise mais dont l’entière fabrication est confiée à des sous-traitants, y compris lorsque cette entreprise exerce par ailleurs une activité de fabrication en qualité de sous-traitant pour le compte d’entreprises tierces.

2.3 Le CIR collection demeure toutefois source de nombreux litiges liés tant (i) à la qualification d’activité industrielle, (ii) qu’à la nécessité que cette activité soit en lien avec la fabrication d’une nouvelle collection.

(i) De façon intéressante, il a été jugé que la part relative des matériels utilisés pour l’activité en cause en sein des immobilisations, l’importance de la masse salariale affectée à l’activité en cause, ou le chiffre d’affaires qui s’y rattache étaient sans incidence sur la qualification d’activité industrielle ; une société exerçant une activité de création de collection mais confiant l’intégralité de la production à sa filiale et n’exposant ainsi aucune dépense de fabrication ou de transformation ne peut en revanche être qualifiée d’entreprise industrielle (CAA de Versailles, 31 octobre 2019, n° 17VE00478, Société LVMH).

(ii) Il a été jugé que les dépenses de personnel afférentes aux ingénieurs et techniciens de production chargés de la réalisation d’échantillons non vendus, exposées par une société dans le cadre son activité industrielle en vue de la création de nouvelles gammes de tissus répondant aux demandes de ses clients, sont éligibles au CIR alors même que la société n’élabore pas elle-même de nouvelles collections (CE, 23 janvier 2020, n° 430846, Société France Teinture).

3. Dépenses de personnel et dépenses de fonctionnement

3.1 La loi de finances pour 2020 réduit, à compter de cette année, le montant forfaitaire de prise en compte des dépenses de fonctionnement éligibles au CIR, qui passe ainsi de 50% à 43% des dépenses de personnel.

3.2 Au plan jurisprudentiel, le Conseil d’Etat juge que les versements effectués au profit du FNAL, la taxe sur les contributions des employeurs au bénéfice des salariés pour le financement de prestations complémentaires de prévoyance et la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie sont des impositions de toutes natures et ne comptent donc pas parmi les cotisations sociales obligatoires intégrées à l’assiette du CIR (CE, 19 juin 2019, n° 413000 et 413001, SA ST Microelectronics).

3.3 Précision intéressante, alors que le Conseil d’Etat avait jugé en 2018 que la notion de premier recrutement d’un jeune docteur s’apprécie au niveau du jeune docteur, et non au niveau de l’entreprise qui le recrute (CE, 14 décembre 2018, n° 418828, Sté ITK), les juges du fond précisent que la notion de premier recrutement d’un jeune docteur doit s’entendre comme « celui correspondant au premier exercice de fonctions en lien avec une formation au niveau d’un doctorat ». L’emploi de professeur des écoles exercé postérieurement à l’obtention d’un doctorat ne peut donc être regardé comme un premier recrutement (CAA Versailles, 31 janvier 2019, n° 16VE02296, SAS Corso Magenta ; décision devenue définitive en l’absence de pourvoi).

4. Obligations déclaratives

A compter de 2020 :

  • La procédure déclarative est entièrement dématérialisée ;
  • le seuil de 100 millions d’euros de dépenses de recherche à partir duquel les entreprises doivent transmettre un état annexe à leur déclaration, décrivant la nature de leurs travaux de recherche en cours en N pour lesquels elles ont bénéficié du CIR en N-1, l’état d’avancement de leurs programmes, les moyens matériels et humains, directs ou indirects qui y sont consacrés et la localisation de ces moyens, est réinstauré ;
  • les entreprises qui engagent entre 10 et 100 millions d’euros de dépenses de recherche, devront joindre à leur déclaration un état précisant les parts de titulaires d’un doctorat financé par ces dépenses ou recrutés sur leur base, les effectifs de titulaires de doctorat et leur rémunération moyenne.

5. Procédure

Au plan de la procédure, le Conseil d’Etat juge qu’une proposition de rectification en matière de CIR qui se fonde sur une décision antérieure de rejet de remboursement afférente au même exercice sans joindre cette dernière est insuffisamment motivée (CE, 4 décembre 2019, n° 424178, Sté Rellumix).

Par ailleurs, selon les juges du fond, une société ayant fait l’objet d’une rectification assortie d’intérêts de retard ne peut obtenir la décharge desdits intérêts au motif qu’elle disposait d’une créance de CIR qui aurait dû être imputée sur l’imposition redressée et ainsi valoir paiement (CAA Versailles, 5 novembre 2019, n° 18VE01190, SA Schlumberger).

6. Remboursement du CIR

Une demande de remboursement de CIR ayant le caractère d’une réclamation contentieuse, la décision de rejet de cette réclamation par l’administration n’a pas le caractère d’une procédure de reprise. L’administration peut donc remettre en cause le montant de la créance dont le remboursement est demandé sans qu’aucune règle de prescription ne lui soit opposable. Le Conseil d’Etat refuse la transmission d’une QPC en jugeant que le contribuable sollicitant la restitution d’une créance fiscale ne se trouve pas dans la même situation que celui qui fait l’objet d’une procédure de reprise décidée par l’administration (CE, 6 novembre 2019, n° 433682, Société Sodico).

Toujours concernant le remboursement du CIR, selon les juges du fond, l’exécution d’une décision de justice par laquelle l’Etat est condamné à restituer un CIR à un contribuable implique que l’administration fiscale s’exécute en augmentant la restitution due des intérêts moratoires, même si le juge de l’impôt n’en a pas fait mention dans sa décision. Dans cette hypothèse, les intérêts moratoires courent à compter de la date de la réclamation (CAA Paris, 11 février 2020, n° 19PA02181 et n° 19PA02184).

Article paru dans le magazine Option Finance du 18/05/2020

[1] Bien que dépourvu de valeur légale ou règlementaire, le Guide du CIR (paru le 13 décembre dernier) n’en reste pas moins un indicateur important de l’approche pratique de l’administration fiscale.

[2] Loi de finances pour 2020. Ces dispositifs pourraient néanmoins être prolongés sous réserve d’une évaluation de leur efficacité.

Auteurs

Christophe Leclère, avocat associé, droit fiscal

Adrien Sanvelian, avocat en droit fiscal

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