Cumul des sanctions pénales et fiscales: une nouvelle décision peu favorable
Dans une décision du 15 novembre 2016 rendue en grande chambre (A et B c. Norvège, n°24130/11 et 29758/11), la Cour européenne des droits de l’homme infléchit sa jurisprudence en admettant plus largement qu’auparavant le cumul des sanctions pénales et fiscales.
On sait qu’en vertu de l’article 4 du Protocole n°7 à la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), « nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat ». La Cour EDH en a conclu qu’une personne ayant fait l’objet d’une condamnation pénale pour des faits de fraude fiscale ne pouvait faire l’objet de poursuites ultérieures pour les mêmes faits et conduisant à de nouvelles sanctions prenant la forme de pénalités fiscales susceptibles d’être regardées comme des sanctions pénales au regard de la CEDH (v. notamment 27 nov. 2014, n°7356/110, Lucky Dev c/ Suède et 27 janv. 2015, n°17039/13, Rinas c/ Finlande). Il semblait donc que dans l’hypothèse inverse, où un contribuable aurait fait l’objet de sanctions fiscales devenues définitives, une poursuite pénale était également impossible.
La Cour EDH a toutefois décidé, par l’arrêt du 15 novembre précité, que le Protocole n°7 « ne bannit pas les systèmes juridiques qui traitent de manière intégrée […] le méfait néfaste pour la société […] en réprimant celui-ci dans le cadre de phases parallèles menées par des autorités différentes à des fins différentes ». En présence d’un cumul de procédures pénale et fiscale unies par un « lien matériel et temporel suffisamment étroit », il n’y aurait donc pas, à proprement parler, de « répétition » de procès ou de peines, donc pas de violation du Protocole n°7. La Cour exige seulement que « la sanction imposée à l’issue de la procédure arrivée à son terme en premier soit prise en compte dans la procédure qui a pris fin en dernier, de manière à ne pas faire porter pour finir à l’intéressé un fardeau excessif » (§ 132).
Cette jurisprudence se rapproche de celle de notre Conseil constitutionnel, qui a réitéré dans deux décisions n°2014-545 QPC et n°2014-546 QPC du 24 juin 2016 le principe selon lequel le cumul des poursuites pénales et fiscales ne porte pas atteinte à la Constitution, à la condition que la procédure pénale pour fraude fiscale s’applique aux cas les plus graves de dissimulation frauduleuse de sommes soumises à l’impôt.
Elle semble moins protectrice des droits du contribuable que la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 26 févr. 2013, C-617/10, Akerberg Fransson) qui a affirmé que lorsque la sanction fiscale revêt un caractère pénal et qu’elle est devenue définitive, l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne s’oppose à ce que des poursuites pénales pour les mêmes faits aient lieu. Mais l’article 50 de la Charte ne s’applique que lorsqu’est en cause la mise en œuvre du droit de l’Union, ce qui en réduit le champ d’application.
Auteur
Daniel Gutmann, avocat associé responsable de la doctrine fiscale, professeur à l’Ecole de droit de la Sorbonne.