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CVAE : attention aux risques de reclassification en immobilisation des contrats de longue durée

CVAE : attention aux risques de reclassification en immobilisation des contrats de longue durée

On sait que l’article 1586 sexies du CGI fixe une liste limitative de produits et charges comptables à retenir pour apprécier la valeur ajoutée retenue pour l’assiette de la CVAE et le plafonnement de la CET. La décision du 29 novembre 2021 (n°451521) applique cet article dans le cadre d’une sous-concession de brevets.

Une société sous-concède un brevet dont elle détient la licence et a recours, pour gérer cette activité, à diverses prestations de services réalisées par d’autres entités de son groupe et par des avocats. L’activité de sous concession de brevets est assujettie à la CVAE. Dont acte.

C’est sur la détermination de l’assiette de la CVAE que cette décision doit être surtout examinée.

Ainsi, le Conseil d’Etat juge qu’il résulte de l’article 1586 sexies du CGI que :

  • une « donation » au concédant dans le cadre d’un accord transactionnel pour mettre fin à un litige concernant le non-paiement de redevances ne constitue pas un remboursement de redevances et ne présente pas de caractère récurrent : il s’agit d’une charge de gestion exceptionnelle non admise en minoration de la valeur ajoutée, et non une charge de gestion courante. Ainsi, si l’entreprise acquitte normalement les redevances, c’est une charge déductible, si elle tarde cela devient exceptionnel.
  • mais surtout, les redevances dues annuellement pour les brevets pouvaient être comptabilisées dans le compte 65  » Autres charges de gestion courante  » ou au titre des immobilisations incorporelles de l’entreprise. Le Conseil d’Etat juge que les redevances doivent être regardées comme rémunérant l’acquisition d’éléments incorporels de l’actif immobilisé car elles permettent d’obtenir des droits constituant une source régulière de profits, dotés d’une pérennité suffisante et susceptibles de faire l’objet d’une cession (conformément à la jurisprudence SIFE du 21 août 1996, n° 154448). Au cas particulier, il n’est pas contesté que le contrat en cause a été conclu sans durée déterminée et qu’il permettait à la société de sous-concéder ces brevets à des tiers. Il est donc jugé que les redevances versées n’entraient pas dans la liste limitative d’éléments comptables devant être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée servant de base à la CVAE.

La sanction est rude car les redevances perçues par le sous-concédant majorent la valeur ajoutée tandis que les redevances versées par lui devraient être « immobilisées » (donc non déductibles).

La transposition de l’analyse applicable en matière d’impôt sur les sociétés a ses limites dès lors que l’immobilisation en actif incorporel se traduit par un amortissement, lequel ne minore pas la valeur ajoutée. En pratique, il en résulte dans ce cas que l’assiette de la CVAE devient égale au chiffre d’affaires, et non plus à la valeur ajoutée.

Article paru dans Option Finance le 24/01/2022

Laurent Chatel, avocat associé en droit fiscal

Adrien Merchadier, avocat en droit fiscal