Image Image Image Image Image Image Image Image Image Image
Scroll to top

Haut

DAC 7 : le renforcement de la coopération fiscale pour les plateformes numériques

DAC 7 : le renforcement de la coopération fiscale pour les plateformes numériques

Alors que la France soumet d’ores et déjà les plateformes numériques à des obligations déclaratives spécifiques depuis plusieurs années avec l’article 242 bis du code général des impôts, le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 22 mars 2021, la directive DAC7, visant notamment à harmoniser au sein de l’Union européenne les obligations déclaratives des plateformes numériques.

  1. Contexte et objectifs

L’OCDE a d’abord pavé le chemin avec un rapport publié le 3 juillet 2020[1], dans lequel elle a proposé un modèle de législation optionnel afin d’introduire de nouvelles obligations déclaratives à la charge des opérateurs de plateformes numériques. L’Union européenne (« UE ») n’a pas tardé à suivre, dès le 15 juillet, avec une proposition de directive dite DAC7 visant à étendre les règles applicables en matière de transparence fiscale aux plateformes numériques[2], dans le cadre de son nouveau « paquet fiscal ».

DAC 7 poursuit un double objectif : (i) lutter contre la sous-déclaration des revenus perçus par les utilisateurs de plateformes numériques et (ii) harmoniser les règles déclaratives applicables à ces plateformes à l’échelle internationale. Une harmonisation se révèle effectivement nécessaire face à l’adoption d’initiatives unilatérales de la part d’un certain nombre d’Etats membres (12[3] à la date de publication de l’étude d’impact de la Commission européenne)

  1. Champ d’application

Sont visés par ces nouvelles obligations déclaratives les opérateurs de plateforme numérique, c’est-à-dire toute entité concluant un contrat avec des « vendeurs » pour mettre à la disposition de ces derniers tout ou partie d’une plateforme. Pour les besoins de DAC 7, une plateforme est définie largement comme « tout logiciel (…) accessible(s) aux utilisateurs et qui permet[tent] aux « vendeurs » d’être connectés à d’autres utilisateurs, afin d’exercer, directement ou indirectement, une activité concernée à l’intention de ces autres utilisateurs ». Des exceptions sont toutefois prévues pour certains logiciels[4].

En ce qui concerne le champ d’application territorial, il est également large dès lors que tout lien territorial avec un Etat membre de l’UE permet de faire entrer les opérateurs dans le champ : résidence fiscale, lieu de constitution, siège de direction ou présence d’un établissement stable dans un Etat membre, facilitation de l’exercice d’une activité concernée dans l’UE ou location de biens immobiliers situés dans un État membre. Une exception est toutefois prévue au profit des opérateurs résidant dans un Etat appliquant des obligations similaires et échangeant automatiquement et obligatoirement les informations collectées avec l’UE.

Les obligations déclaratives s’appliquent aux activités visées exercées tant dans un contexte international que dans un contexte purement national.

Les activités visées sont :

  • la location de biens immobiliers, y compris à usage résidentiel et commercial, ainsi que de tout autre bien immeuble et emplacement de stationnement ;
  • les services personnels, définis comme les services correspondant à un travail à l’heure ou à la tâche qui est exécuté par une ou plusieurs personnes physiques agissant soit de manière indépendante soit pour le compte d’une personne morale, et qui est fourni à la demande d’un utilisateur, soit en ligne soit physiquement hors ligne, après avoir été facilité par l’intermédiaire d’une plateforme ;
  • la vente de biens corporels ;
  • et la location de tout mode de transport[5].

Bien que le terme « location » ne soit pas défini par la directive, il semble à tout le moins que la location de biens immobiliers soit entendue de manière très large, la directive visant comme « vendeurs qui louent des biens immobiliers » notamment les chaînes hôtelières et les voyagistes[6].

Les « vendeurs » faisant l’objet de la déclaration sont ceux qui utilisent les plateformes pour exercer l’une des activités précitées et qui sont enregistrés sur la plateforme à tout moment au cours de la période de déclaration, qu’il s’agisse de personnes physiques ou d’entités. Des exceptions sont prévues pour les entités publiques, les entités cotées ou les entités liées à des entités cotées, les entités exerçant une activité hôtelière à une certaine échelle (plus de 2000 locations par an au sein d’un même lot immobilier) et les vendeurs occasionnels (moins de 30 ventes de biens et un montant de recettes inférieur à 2 000 € par an).

  1. Etendue des obligations

Les obligations déclaratives des opérateurs se déclinent en quatre temps : (i) identification des vendeurs devant faire l’objet d’une déclaration, (ii) collecte des informations les concernant, (iii) vérification de ces informations au moyen de procédures de « diligence raisonnable » et (iv) déclaration de ces informations à l’administration fiscale.

Les informations à collecter, vérifier et déclarer par les opérateurs sont les suivantes :

  • nom/prénom ou dénomination sociale du vendeur ;
  • adresse principale ;
  • numéro d’identification fiscale ;
  • numéro d’identification TVA le cas échéant ;
  • date de naissance ou numéro d’immatriculation ;
  • le cas échéant, existence d’un établissement stable ;
  • coordonnées bancaires ;
  • l’Etat membre dont le vendeur est résident ;
  • montant total des recettes annuelles et nombre d’opérations annuelles ;
  • le cas échéant, montant des frais, commissions ou taxes retenus ou prélevés par la plateforme déclarante ;
  • en cas de location de biens immobiliers, notamment : adresse du bien loué, numéro d’enregistrement foncier correspondant ou son équivalent le cas échéant, nombre de jours de location pour chaque lot.

L’opérateur de plateforme doit vérifier les informations collectées au titre d’une période de déclaration, au plus tard pour le 31 décembre de cette période (N), au moyen de procédures de « diligence raisonnable », c’est-à-dire à l’aide des informations et documents dont il dispose dans ses registres et de toute interface électronique mise à disposition gratuitement par un État membre ou par l’UE. L’opérateur a également la possibilité de s’appuyer sur un prestataire de services tiers pour ce faire.

L’opérateur doit ensuite transmettre ces informations à l’administration fiscale de son État membre, accompagnées des éléments d’identification de la plateforme elle-même, au plus tard le 31 janvier N+1.

Les opérateurs de plateformes devront par ailleurs tenir des registres indiquant les démarches entreprises et toute information utilisée en vue d’assurer l’exécution des règles précitées. Ces registres devront rester disponibles pour une période minimale de 5 ans et maximale de 10 ans à l’issue de l’année civile sur laquelle ils portent.

  1. Echange automatique d’informations entre Etats membres

Les informations déclarées par les opérateurs concernant une période donnée seront ensuite échangées automatiquement entre les États membres concernés à la fin du mois de février de l’année suivante. Ce délai relativement bref (un mois) entre la réception des informations et leur transmission aux autres Etats membres doit leur permettre de tenir compte des informations échangées pour établir les avis d’imposition au titre de l’année écoulée.

  1. Mise en œuvre de DAC 7 et mise en conformité des obligations françaises

Les États membres sont tenus d’instaurer des règles et des procédures administratives pour assurer la mise en œuvre effective et le respect des procédures de diligence raisonnable ainsi que des obligations déclaratives exposées ci-dessus.

En particulier, il est prévu que lorsqu’un vendeur ne fournit pas les informations sollicitées par la plateforme après deux rappels, l’opérateur de plateforme doit :

  • soit fermer son compte et empêcher le vendeur de s’enregistrer à nouveau ;
  • soit retenir le paiement des recettes destinées au vendeur tant que celui-ci n’a pas fourni les informations.

DAC 7 devra faire l’objet d’une transposition en droit interne avant le 1er janvier 2023, ce qui signifie que la France devra mettre en conformité d’ici le 31 décembre 2022 les obligations prévues à l’article 242 bis du code général des impôts.

Les obligations françaises divergent en effet par rapport aux obligations européennes sur de nombreux points.

Les activités visées sont définies plus largement comme toutes ventes de biens, fournitures de services, échanges ou partage de biens ou services réalisés en France au sens des règles de territorialité de la TVA. A ce titre, sont notamment inclues la location de biens immobiliers et mobiliers, le transport de personnes, la co-consommation mais également le financement participatif de projets par des particuliers (activité initialement visée dans la proposition de la Commission européenne mais supprimée par le Conseil). Les modalités déclaratives françaises s’éloignent également de celles prévues par DAC 7 dès lors que (i) les opérateurs ne sont pas tenus de vérifier les informations collectées (à l’exception d’une procédure de fiabilisation pour les utilisateurs personnes physiques n’agissant pas à titre professionnel mais réalisant des transaction pour un montant supérieur à 1 000 € par l’intermédiaire d’une plateforme donnée) et (ii) qu’ils sont tenus d’adresser un récapitulatif annuel aussi bien à l’administration fiscale française qu’aux utilisateurs eux-mêmes, tout en les informant, à chaque transaction, de leurs obligations fiscales et sociales. Les informations contenues dans le récapitulatif annuel français diffèrent en partie de celles requises par DAC 7.

En revanche, le délai de déclaration est aligné, à savoir le 31 janvier N+1 pour la période N. En outre, il existe déjà en France un mécanisme permettant de rendre les opérateurs de plateformes solidaires du paiement de la TVA due par les utilisateurs lorsque les opérateurs n’ont pas incité les utilisateurs à régulariser leur situation, pris des mesures supplémentaires à la suite d’une mise en demeure ou exclu les utilisateurs récalcitrants (articles 283 et 293 A ter du code général des impôts).

Reste à voir comment le législateur fera évoluer les obligations françaises et notamment s’il maintiendra un champ d’application plus large que celui prévu par la directive…

[1]   OCDE (2020), Règles types de déclaration à l’intention des vendeurs relevant de l’économie du partage et de l’économie à la demande.

[2]   Proposition de directive COM (2020) 314 final (2020/0148 (CNS). Voir Option finance n°1571, 31 août 2021, « DAC 7 : les plateformes numériques, nouveaux acteurs dans la transparence fiscale européenne ? », Annabelle Bailleul-Mirabaud et Céline Pasquier.

[3]   Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Lituanie, Pologne, République Tchèque ; 4 autres Etats (Chypre, Estonie, Malte, Slovaquie) ont exprimé leur intention d’introduire de telles obligations.

[4]   Sont ainsi exclus les logiciels permettant exclusivement de traiter les paiements liés aux activités concernées, aux utilisateurs de répertorier une activité concernée ou d’en faire la publicité ou de rediriger ou de transférer les utilisateurs vers une plateforme.

[6]     Directive DAC 7, introduction, paragraphe 19.

Auteurs

Annabelle Bailleul-Mirabaud, avocat associé en droit fiscal

Amélie Retureau, avocat associé en droit fiscal

Delphine Groux, fiscaliste