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De l’esprit critique de l’huissier en matière de saisies-contrefaçon

De l’esprit critique de l’huissier en matière de saisies-contrefaçon

Dans le cadre d’une saisie-contrefaçon, le saisissant prévoit presque systématiquement la possibilité pour l’huissier de se faire assister d’un expert. En effet, la présence de ce dernier est souvent nécessaire en raison de la technicité des litiges, notamment en matière de brevets.

Toutefois, un arrêt récent de la Cour de cassation rappelle à quel point il est primordial que l’expert et l’huissier respectent rigoureusement le périmètre de leurs missions respectives, sous peine de nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon établi (Cass. Com., 29 septembre 2015, n°14-12.430).

En l’espèce, la société Digit, titulaire d’un brevet européen, avait fait pratiquer une saisie-contrefaçon dans les locaux de la société Sewosy et, sur le fondement du procès-verbal ainsi dressé, l’avait assignée en contrefaçon de brevet et concurrence déloyale.

Faisant grief à l’huissier d’avoir repris, dans sa description, les termes exacts employés par l’expert, la société Sewosy soulevait la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon dans sa totalité, la nullité de la partie descriptive viciant, selon elle, « nécessairement les opérations subséquentes« .

La cour d’appel de Colmar lui a donné en partie raison en prononçant la nullité de la partie descriptive du procès-verbal de saisie-contrefaçon, après avoir conclu sévèrement que « l’absence de tout esprit critique et de constatation personnelle de l’huissier est particulièrement évidente » (CA Colmar, 4 décembre 2013, n°11/06233).

Ayant formé un pourvoi en cassation, la société Digit soutenait que l’huissier n’avait pas méconnu l’étendue de ses pouvoirs, puisqu’il avait valablement distingué, dans son procès-verbal, les explications techniques fournies par l’expert de ses propres constatations.

La Cour de cassation rejette toutefois le pourvoi et approuve la Cour d’appel d’avoir considéré que la partie descriptive du procès-verbal concernée était entachée de nullité.

En effet, la juridiction suprême retient que l’huissier « a reproduit mot pour mot » la description faite par l’expert y compris lorsque ce dernier « s’était livré à une interprétation personnelle » d’une photographie, manifestant ainsi son absence de « tout esprit critique« . En s’appropriant les constatations dictées par l’homme de l’art, l’huissier leur avait conféré foi jusqu’à preuve du contraire alors même qu’elles n’avaient valeur que de simple témoignage.

Cette décision, qui a fait l’objet d’une publication au Bulletin, devrait servir d’avertissement aux huissiers tentés de s’appuyer trop intensément sur l’expert qui les accompagne. L’expert doit se limiter à assister l’huissier tandis que ce dernier ne doit pas exercer une simple fonction de scribe mais au contraire faire preuve de l’étendue de son esprit critique. A cet effet, l’usage des guillemets distinguant nettement les propos de l’expert des constatations de l’huissier semble requis. Saluons toutefois la mesure dont a fait preuve la Cour de cassation en prononçant la nullité de la seule partie descriptive du procès-verbal et non de celui-ci dans son intégralité.

 

Auteurs

Anne-Laure Villedieu, avocat associée en de la propriété industrielle, droit de l’informatique, des communications électroniques et protection des données personnelles.

Sabine Rigaud, avocat, droit de la propriété intellectuelle