Déclaration des bénéficiaires effectifs : les enseignements tant attendus du décret du 18 avril 2018
Conformément aux dispositions (i) des articles L.561-46 à L.561-50 du Code monétaire et financier (CMF) issus de l’ordonnance n°2016-1635 du 1er décembre 2016 promulguée dans le cadre de la transposition de la directive européenne anti-blanchiment du 20 mai 2015 et (ii) du décret n°2017-1094 du 12 juin 2017, toutes les entités juridiques non cotées immatriculées au RCS sont désormais tenues de procéder au dépôt du formulaire relatif à l’identification de leur(s) bénéficiaire(s) effectif(s) (BE) auprès de leur greffe d’immatriculation.
Tant l’ordonnance que le décret précités comportaient un certain nombre de zones d’ombre, notamment pour ce qui concernait les critères à appliquer afin de permettre l’identification des BE ; et, un décret auquel renvoie l’article L. 561-2-2 du CMF était très attendu des praticiens afin de lever les nombreuses interrogations suscitées par ces textes.
Par un décret n°2018-284 en date du 18 avril 2018, entré en vigueur, pour ce qui concerne les BE, le 21 avril 2018, le gouvernement est venu apporter quelques précisions bienvenues.
Précisions concernant la définition de BE
Le décret du 18 avril 2018 apporte des éléments utiles permettant d’appréhender avec un peu plus de précision la définition même de BE. Si ce dernier est toujours une personne physique qui détient directement ou indirectement plus de 25% du capital et des droits de vote d’une société, le second volet de la définition qui fait toujours référence à la personne physique qui exerce, « par tout autre moyen, un pouvoir de contrôle sur la société » est précisé par la référence aux 3° et 4° du I de l’art. L.233-3 du C. Com (art. R561-1 du CMF). Ces précisions visent le BE qui, soit exerce un contrôle de fait (le fait de déterminer, par les droits de vote dont il dispose, les décisions dans les assemblées générales de la société concernée), soit dispose en sa qualité d’associé ou d’actionnaire d’un pouvoir de nomination ou de révocation des organes de direction, d’administration ou de surveillance de la société. Cette référence textuelle nouvelle réduit ainsi le périmètre du contrôle et par là le champ d’application de l’article définissant le BE.
Précisions concernant la personne à déclarer en cas d’impossibilité d’identifier les BE
L’article R. 561-1 du CMF dispose désormais que lorsqu’aucune personne physique n’a pu être identifiée, sont réputés avoir la qualité de BE et doivent être déclarés comme tels auprès du greffe concerné, les représentants légaux de la société suivants :
- gérant des SNC, SCS, SCA, SARL et sociétés civiles ;
- directeur général des SA à Conseil d’Administration (mais attention, pas le directeur général délégué, qui semble échapper à ce dispositif) ;
- directeur général unique ou président du directoire des SA à Directoire et Conseil de Surveillance ;
- président et, le cas échéant, directeur général des SAS (à l’exclusion, là encore, du directeur général délégué).
Les sociétés qui ont plusieurs représentants légaux (gérants, directeurs généraux, etc.) doivent les déclarer tous.
Lorsque le BE par défaut est une personne morale, il convient de déclarer « la ou les personnes physiques qui représentent légalement cette personne morale » (art. R.561-1 al 7 du CMF).
Concernant les sociétés étrangères, le BE par défaut est l’équivalent en droit étranger qui représente légalement la société (art. R.561-1 al 2 du CMF).
Simplification des formalités de dépôt de la déclaration
Il est désormais possible de procéder au dépôt du formulaire d’identification des BE par voie dématérialisée, dès lors que le document revêt une signature électronique (art. R.123-77 C. Com.).
S’il apporte quelques précisions utiles, ce décret ne répond malheureusement pas à toutes les questions et n’apporte aucune réponse concernant notamment :
- la méthode de calcul à appliquer en cas de détention indirecte (méthode du produit des participations ou méthode du contrôle majoritaire?) ;
- le cas où une société cotée s’interpose dans la chaine de détention de la société concernée ;
- l’approche à retenir en cas d’indivision ou de démembrement de propriété des titres.
En l’absence de précision concernant ces points, nous recommandons donc la plus grande prudence, l’absence de dépôt ou le dépôt d’informations inexactes ou incomplètes constituant un délit susceptible d’être sévèrement sanctionné (jusqu’à 6 mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende, auxquels peuvent s’ajouter des peines complémentaires d’interdiction de gérer et de privation partielle des droits civils et civiques).
Auteurs
Bruno Zabala, avocat counsel au sein du département de la doctrine juridique.
Emmanuelle Brunel, avocat counsel, droit des sociétés