Décryptage de la nouvelle obligation de recourir au télétravail
26 janvier 2022
Le Gouvernement a systématisé, depuis le 3 janvier 2022 et pour une durée de 5 semaines, le recours au télétravail tout en fixant un volume minimal de télétravail hebdomadaire.
La loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le Code de la santé publique prévoit des possibilités de sanctions administratives.
Ces nouvelles dispositions nécessitent un décryptage particulier, tant sur le périmètre des obligations de l’employeur que sur les sanctions pouvant en découler.
Quelles sont les obligations à la charge des employeurs ?
Depuis le début de la crise sanitaire, le télétravail connait un essor très important dans la plupart des entreprises sous l’impulsion des pouvoirs publics qui le considèrent comme un mode d’organisation de l’entreprise permettant de réduire les contacts physiques sur les lieux de travail et dans les transports en commun.
Il est régulièrement rappelé qu’il présente une utilité certaine dans le cadre des mesures de prévention à la main de l’employeur pour répondre à son obligation de prévention des risques dans l’entreprise.
Le dernier protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise (dans sa version du 25 janvier 2022) et le questions/réponses du ministère du Travail sur le télétravail en période de Covid-19 (mis à jour le 24 janvier 2022) reprennent cette logique.
En effet, le protocole national pose le principe selon lequel « les employeurs fixent jusqu’au 1er février inclus, un nombre minimal de trois jours de télétravail par semaine. A compter du 2 février 2022, le recours au télétravail est recommandé : les employeurs fixent, dans le cadre du dialogue social de proximité, les modalités de recours au télétravail. (…) »
Le questions/réponses sur le télétravail mis à jour le 24 janvier 2022 abonde dans le même sens puisqu’à la question « la mise en place du télétravail est-elle une obligation pour l’entreprise ? », la réponse donnée est « oui ».
Toutefois, et il ne pourrait bien entendu pas en aller autrement, cette obligation est réservée « aux postes qui le permettent ».
Le protocole national précise par ailleurs que « lorsque l’organisation du travail et la situation des salariés le permettent, ce nombre peut être porté à quatre jours par semaine. »
Il est donc de la responsabilité des employeurs de définir les postes télétravaillables. Il s’agit là d’une étape fondamentale qui ne doit surtout pas être négligée.
En effet, conclure trop rapidement à l’impossibilité de recourir au télétravail exposerait les entreprises à des sanctions que nous étudierons dans les développements qui suivront.
De plus, il est clairement indiqué dans le questions/réponses ministériel que « des salariés exerçant des métiers qui paraissent a priori non « télétravaillables » peuvent néanmoins travailler à distance pour réaliser une partie de leurs activités ».
Cette exigence de mise en place du télétravail peut s’expliquer par le caractère temporaire de la mesure de télétravail (5 semaines) et du contexte sanitaire particulier (forte circulation du virus et apparition du variant Omicron).
Pour déterminer les postes télétravaillables, l’administration propose une démarche en trois étapes que les employeurs auront tout intérêt à suivre scrupuleusement pour ne pas s’exposer aux éventuelles sanctions.
Il est important dans ce cadre de souligner que l’employeur doit lister les principales activités pour chaque fonction ou métier et qu’il ne doit « pas hésiter à identifier des activités qui ne sont pas jugées prioritaires habituellement mais qui pourraient avoir une valeur ajoutée pour préparer la sortie de crise : mise à jour de procédures et de supports de travail, veille, etc. ».
De même, après avoir évalué les freins ou les difficultés éventuelles du recours au télétravail, il doit « identifier si des moyens et conditions peuvent être réunis pour lever ces difficultés ».
Parmi ces moyens, il est notamment fait référence, à titre d’exemples, à l’installation de connexions sécurisées ou à l’ouverture de salles de visioconférence.
Nous le voyons, la détermination des postes télétravaillables ainsi que la quotité de télétravail (3 ou 4 jours par semaine) ne sauraient résulter d’une décision hâtive de l’employeur mais suppose une véritable analyse approfondie de chacun des postes.
Rappelons enfin que le comité social et économique doit être associé à la mise en place du télétravail dans le cadre de ses attributions consultatives.
A quelles sanctions s’exposent les employeurs en cas de manquement à leur obligation de prévention ?
La nouveauté prévue dans la loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique consiste dans l’instauration d’une amende administrative pour les employeurs qui ne respecteraient pas l’obligation qui leur est faite de mettre en place le télétravail pour les postes qui le permettent.
Il convient toutefois de préciser, sans contredire ce qui vient d’être énoncé, que cette sanction ne vise pas expressément la question du télétravail mais s’applique d’une manière plus générale au non-respect par l’employeur des mesures de prévention du risque d’exposition au Covid-19.
Les autres préconisations du protocole national en matière d’obligation de prévention pourraient donc également faire l’objet de cette nouvelle sanction.
Cette dernière correspond à une amende administrative d’un montant de 500 euros maximum par salarié, dans la limite de 50.000 euros par entreprise.
Les éventuelles sanctions seront prononcées par l’autorité administrative compétente (la DREETS) sur rapport de l’agent de contrôle de l’inspection du travail si ce dernier après avoir mis en demeure l’employeur de remédier à la situation dangereuse dans un délai qu’il fixe, constate que la situation dangereuse n’a pas cessé au terme du délai d’exécution de la mise en demeure. L’employeur dispose donc d’un délai pour se mettre en conformité.
Un recours suspensif à l’encontre de la décision administrative prononçant l’amende pourra être intentée dans les 15 jours à compter de sa notification.
Il est par ailleurs à souligner que les protocoles ministériels n’ont aucune valeur normative et constitue de la « soft law ».
Ainsi, les entreprises conservent le pouvoir d’évaluer les risques et de mettre en œuvre les mesures de prévention et d’organisation, qu’elles jugent les plus adaptées pour assurer la sécurité de leurs salariés.
Par conséquent, le prononcé de sanctions reposant sur le seul défaut de mise en œuvre du télétravail pourrait s’avérer juridiquement contestable en ce sens que l’obligation d’y recourir ne repose sur aucune disposition légale ou règlementaire.
Il serait également incomplet d’évoquer les sanctions sans envisager les éventuelles actions indemnitaires qui pourraient être intentées par les salariés qui estimeraient que leur employeur n’a pas respecté son obligation de sécurité à leur égard et que ce manquement leur a causé un préjudice.
Les éléments qui précèdent doivent donc conduire les employeurs à faire preuve de vigilance quant à la mise en œuvre du télétravail. Nul doute également que ce mode d’organisation du travail pouvant répondre à des attentes de salariés, notamment dans un souci d’équilibre entre leur activité professionnelle et leur vie privée, fera partie, en sortie de crise, de revendications fortes de la part des organisations syndicales.
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