Les délais de paiement contractuels interentreprises cristallisent toutes les attentions
Le rapport de l’Observatoire des délais de paiement, dont l’objet est de réaliser des analyses fondées sur des observations statistiques des comportements des entreprises en la matière, dresse un constat sur la situation en France pour la période 2014-2015, qui fait ressortir que de nombreuses entreprises ne respectent toujours pas les délais de paiement plafonds, en particulier les entreprises du secteur de la construction.
Pourtant, le contrôle du respect des délais de paiement est une priorité de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Elle a mené en 2015 quelques 2 000 contrôles qui ont donné lieu au prononcé de 35 amendes administratives pour un montant de plus de 4,3 millions d’euros, dont quatre amendes maximales de 375 000 euros (rapport d’activité DGCCRF 2015 présenté en mars 2016).
Par ailleurs, afin de renforcer l’effectivité de la sanction, l’Administration inclut dans son prononcé la publication de cette dernière. C’est ainsi que le nombre de publications du nom des entreprises fautives s’est accéléré, seize publications ayant été effectuées sur le site Internet de la DGCCRF depuis le 1 er janvier 2016, contre six publications en 2015.
Les autorités n’entendent pas s’arrêter là, puisque le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique en cours de discussion au Parlement (dit « Sapin II ») prévoit de porter le plafond des amendes de 375 000 euros pour une personne morale à 2 millions d’euros ainsi que d’imposer la publication systématique du nom de l’entreprise et du montant de la sanction administrative qui lui aura été infligée. Le projet de loi prévoit également que la DGCCRF aura la possibilité de prononcer et d’exécuter cumulativement plusieurs amendes contre les auteurs de multiples manquements.
A l’aube de l’adoption de ces mesures très dissuasives, l’Administration n’a toujours pas indiqué sa position sur l’application des règles de plafonnement des délais de paiement dans un contexte international. Pourtant, le sujet est au centre des préoccupations des entreprises françaises, qu’elles soient exportatrices ou importatrices, comme en témoignent les demandes d’avis sur ce thème adressées à la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC, avis n°15-08 du 17 avril 2015, avis n°16-1 du 10 février 2016 et avis n°16-12 du 24 juin 2016).
Dans son dernier avis n°16-12, la CPEC tente d’apporter une réponse qui laissera sans doute les experts perplexes, au terme de laquelle les entreprises qui concluent des contrats relevant de la convention de Vienne du 11 avril 1980 ne seraient pas soumises au plafond des délais de paiement. En effet, par application combinée de la convention, des principes généraux dont elle s’inspire et de la directive 2011/7 du 16 février 2011 concernant la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales, les délais de paiement convenus entre les parties ne devraient pas constituer un abus manifeste à l’égard du créancier, c’est-à-dire traduire un écart manifeste par rapport aux bonnes pratiques et usages commerciaux, contraire à la bonne foi et à son usage loyal, compte tenu de la nature du produit.
Auteur
Nathalie Pétrignet, avocat associée en droit douanier, droit de la concurrence, droit européen, droit de la consommation et de la distribution, CMS Bureau Francis Lefebvre Paris