Délit d’entrave : la loi Macron modifie partiellement les sanctions encourues
14 septembre 2015
La loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques supprime les peines d’emprisonnement en cas d’entrave au fonctionnement des instances représentatives du personnel. Les amendes maximales correspondantes ainsi que celles sanctionnant les entraves à la constitution des institutions représentatives du personnel sont en revanche doublées.
Considérant les peines antérieures sanctionnant le délit d’entrave disproportionnées et susceptibles d’être jugées dissuasives par les investisseurs étrangers, le Gouvernement a présenté une réforme de ces sanctions.
Cette réforme, souhaitée par le président de la République, ne satisfait que partiellement l’objectif fixé : d’une part la qualification de l’infraction est maintenue, le délit d’entrave relève toujours de la compétence du Tribunal correctionnel ; d’autre part, la peine d’emprisonnement d’un an reste encourue dans certains cas d’entrave.
Rappel de la définition et des caractéristiques du délit d’entrave
Lorsque l’employeur porte atteinte aux institutions représentatives du personnel (s’agissant de la mise en place, de leurs prérogatives ou de leurs fonctionnements), ou lorsqu’il ne respecte pas les dispositions protégeant les représentants du personnel contre les atteintes qui pourraient être portées à leur mandat, par action, par omission ou inertie, il est susceptible d’être pénalement poursuivi pour délit d’entrave.
Plusieurs articles du Code de travail sanctionnent le délit d’entrave, qui concerne toutes les instances représentatives du personnel (délégués syndicaux, délégués du personnel, comité d’entreprise et comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, etc.).
Parmi cette pluralité d’incrimination, trois catégories d’entraves sont susceptibles d’être distinguées :
- l’entrave à la constitution ou la « libre désignation » des représentants du personnel : par exemple, le refus de procéder aux élections ou aux désignations des représentants du personnel, le retard dans le processus électoral, l’exercice de pressions visant à décourager des candidatures, l’obstacle à la constitution d’une section syndicale, etc. ;
- l’entrave au fonctionnement des institutions représentatives du personnel qui est constituée notamment en cas d’absence d’organisation régulière des réunions, de défaut de consultation, de manquement aux obligations d’information, non-respect du versement de subvention de fonctionnement, etc. ;
- l’entrave au statut des représentants du personnel en cas de rupture ou transfert du contrat de travail d’un représentant du personnel en méconnaissance de son statut protecteur.
Comme toute infraction pénale, le délit d’entrave suppose la réunion de trois éléments : l’élément légal (développé précédemment), l’élément matériel (un acte ou une omission répréhensible) et l’élément moral (caractère intentionnel ou volontaire). Toutefois, les juges considèrent très souvent que l’intention de commettre le délit d’entrave se déduit du caractère volontaire du comportement de l’auteur qui ne peut ignorer la règlementation.
Avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, les sanctions étaient identiques pour ces trois catégories d’entraves
Etaient ainsi encourus, un an d’emprisonnement maximum et 3.750 euros d’amende lorsqu’une personne physique (notamment le chef d’entreprise ou le cas échéant son délégataire) était condamnée pour délit d’entrave en cas de première infraction. En pratique, les sanctions pécuniaires étaient principalement appliquées. Par exemple en 2009, sur 276 procédures engagées seules deux peines d’emprisonnement ont été prononcées.
Relevons que ces condamnations sont doublées en cas de récidive et qu’une personne morale est également susceptible d’être condamnée au titre du délit d’entrave. Dans ce dernier cas, l’amende encourue est égale au quintuple de celle prévue pour les personnes physiques (soit une amende maximale de 18.750 € pour une première infraction et 180.750 € en cas de récidive).
Le délit d’entrave est désormais sanctionné différemment selon la typologie de l’entrave
Le législateur a supprimé la peine d’emprisonnement pour les entraves au fonctionnement régulier des institutions représentatives du personnel.
Corrélativement, les amendes maximales sont portées de 3.750 € à 7.500 € (et par conséquent 18.750 € à 37.500 € pour les personnes morales) s’agissant d’une première infraction d’entrave à la constitution et à l’exercice régulier des fonctions de représentants du personnel.
Il convient de relever que la peine d’un an d’emprisonnement reste encourue en cas d’entrave à la constitution des institutions représentative du personnel.
Par ailleurs, les sanctions applicables en cas d’entrave au statut des représentants du personnel sont maintenues (à savoir une peine maximale d’un an d’emprisonnement et une amende maximale de 3.750 € – soit par conséquent 18.750 € pour les personnes morales).
Les dispositions relatives à la récidive n’ont pas été modifiées.
Le tableau ci-après présente plusieurs exemples des sanctions encourues dans le cadre des infractions d’entrave postérieurement à la loi du n°2015-990 du 6 août 2015.
Catégorie d’infraction | Exemples | Sanctions maximales encourues (hors cas de récidive) |
---|---|---|
Entrave à la constitution d’une IRP | Absence d’organisation des élections des représentants du personnel | 7.500€ (soit 37.500€ pour une personne morale) et un maximum d’un an de prison |
Entrave au fonctionnement d’une IRP | Défaut de consultation des représentants du personnel, non remise des informations obligatoires, non convocation, refus de mettre à disposition un local syndical | 7.500€ (soit 37.500€ pour une personne morale) |
L’entrave au statut des représentants du personnel | Le fait de porter atteinte à l’organisation des syndicats (affichage des communications, diffusion des tracts, réunions, etc.); licenciement ou modification du contrat de travail d’un salarié protégé en violation de son statut protecteur. | 3.750€ (soit 18.750€ pour une personne morale) et un maximum d’un an de prison |
Application des dispositions dans le temps
La loi ne prévoit pas de date d’entrée en vigueur spécifique pour ces dispositions. En droit pénal, la loi la plus douce s’applique. Dès lors, la suppression de la peine d’emprisonnement est immédiatement applicable. En revanche, s’agissant des actes ou omissions qui ont eu lieu et qui ont été poursuivis avant l’entrée en vigueur de la loi, c’est-à-dire le 8 août 2015, les anciennes peines d’amende continueront à s’appliquer en cas de condamnation pour délit d’entrave.
Auteur
Maïté Ollivier, avocat, en droit social
*Délit d’entrave : la loi Macron modifie partiellement les sanctions encourues* – Article paru dans Les Echos Business le 14 septembre 2015
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