L’action en démolition des constructions illégales après la loi Macron
L’article L.480-13 1° du Code de l’urbanisme, introduit par l’article 111 la loi n° 015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, a limité les hypothèses de démolition des constructions illégales.
Ainsi, lorsqu’une construction a été édifiée conformément à un permis de construire finalement annulé, le propriétaire peut désormais être condamné à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique uniquement si elle est située dans l’une des zones limitativement énumérées (notamment bande littorale, cœurs des parcs nationaux, réserves naturelles et périmètres de protection autour de celles-ci, sites inscrits ou classés, sites Natura 2000, etc.). L’action civile en démolition doit être engagée à l’encontre du propriétaire des constructions illégales dans le délai de deux ans suivant la décision devenue définitive de la juridiction administrative.
Cette règle vise à sécuriser les projets de construction en restreignant la démolition aux seuls cas dans lesquels elle serait indispensable. La Cour de cassation a affirmé que les dispositions modifiées sont applicables aux litiges en cours : « Une loi nouvelle s’applique immédiatement aux effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment où elle entre en vigueur, même lorsque semblable situation fait l’objet d’une instance judiciaire » (Cass. 3e civ., 23 mars 2017, n°16-11.081).
Ces mêmes dispositions ont donné lieu à une question prioritaire de constitutionnalité transmise récemment par la Cour de cassation au Conseil constitutionnel (Cass. 3e civ., QPC, 12 septembre 2017, n°17-40.046).
En l’espèce, deux associations ont obtenu, en 2010 et 2011, l’annulation par le juge administratif d’un permis de construire délivré pour la construction d’une maison d’habitation. Cette dernière ayant été édifiée entre-temps, les deux associations ont, une fois l’annulation prononcée, saisi le Tribunal de grande instance pour obtenir la démolition de la construction.
Avant la loi Macron, l’article L.480-13 du Code de l’urbanisme prévoyait que lorsqu’une construction avait été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire pouvait être condamné par un tribunal de l’ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme si, préalablement, le permis avait été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative.
Au cas particulier, le propriétaire de la maison d’habitation opposait cependant aux deux associations les nouvelles dispositions de l’article L.480-13 prévoyant désormais que la démolition est encourue à la double condition que le permis de construire ait été préalablement annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative, d’une part, et que la construction soit située dans l’une des 14 catégories de zones limitativement énumérées par le texte, d’autre part.
Les deux associations soutenaient quant à elles que cette condition supplémentaire posée par le texte introduisait une contrainte excessive, laquelle prive de portée le droit de voir prononcée la démolition d’une construction dont l’autorisation de construire a été annulée, et ont soulevé une question prioritaire de constitutionnalité.
Saisie sur renvoi du tribunal de grande instance d’Évreux, la Cour de cassation devait donc s’interroger sur le caractère sérieux de la question suivante : les dispositions issues de la loi Macron portent-elles atteinte au droit à réparation des victimes d’actes fautifs, à leur droit à un recours juridictionnel et au droit à la réparation des dommages causés à l’environnement ?
Dans l’arrêt du 12 septembre 2017, la Cour de cassation juge sérieuse la question de la constitutionnalité de ces dispositions.
En effet, une construction, réalisée conformément à un permis de construire annulé par la suite et dont la démolition est désormais interdite en dehors des zones énumérées, cause un dommage aux tiers ou à l’environnement en raison de la violation de la règle d’urbanisme sanctionnée. Ces dispositions seraient donc susceptibles :
- de porter une atteinte disproportionnée au droit à réparation des victimes d’actes fautifs et à leur droit à un recours juridictionnel effectif garantis par les articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ; et
- de méconnaître les droits et obligations qui résultent de l’article 4 de la Charte de l’environnement.
Le Conseil constitutionnel dispose désormais d’un délai de trois mois pour se prononcer.
A suivre…
Auteur
Charlotte Félizot, avocat, droit des contrats de l’entreprise et droit immobilier