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Dépréciation des titres de sociétés immobilières : le Conseil d’Etat sème le doute

Dépréciation des titres de sociétés immobilières : le Conseil d’Etat sème le doute

Par un arrêt en date du 14 octobre 2015, le Conseil d’Etat a annulé la doctrine administrative qui précisait que le caractère immobilier prépondérant d’une filiale dont les titres sont provisionnés doit nécessairement s’apprécier à la date de clôture de l’exercice de la société mère.

Une société constatant la dépréciation de sa participation dans une société à prépondérance immobilière (SPI) peut, à la clôture de son exercice, constituer une provision qui sera déductible dans la limite de l’excédent des moins-values latentes sur l’ensemble des plus-values latentes sur titres de SPI.

Les provisions pour dépréciation de titres ne sont en effet déductibles qu’à la condition qu’elles portent sur des titres de SPI au sens de l’article 219 I a sexies 0 bis du Code général des impôts (CGI).

Aux termes de ces dispositions, une société est à prépondérance immobilière lorsque son actif est constitué pour plus de 50% de sa valeur réelle par des immeubles, des droits immobiliers, des droits afférents à un crédit-bail ou des titres de SPI, étant précisé que sont exclus les actifs immobiliers affectés par l’entreprise à sa propre exploitation.

La société confrontée à la dépréciation de ses filiales devra donc s’interroger sur le caractère immobilier prépondérant de celles-ci, ce qui déterminera la déductibilité de la provision et corrélativement l’imposition de sa reprise.

Dans ces conditions, la date à laquelle doit s’apprécier la prépondérance immobilière n’est pas dépourvue d’enjeu, en particulier lorsque sociétés mère et filiale ne clôturent pas leurs exercices aux mêmes dates et que la filiale a procédé à des cessions ou des acquisitions de biens immobiliers au cours de l’exercice concerné. Le CGI précise que la prépondérance immobilière s’apprécie, en cas de cession des titres, à «la date de la cession de ces titres ou à la clôture du dernier exercice précédant cette cession», mais il reste muet sur la date d’appréciation de la prépondérance immobilière d’une société dont les titres sont provisionnés en dehors de toute cession.

Dans le silence de la loi et sans doute en cohérence avec les principes comptables selon lesquels le test de dépréciation des actifs doit être réalisé à la clôture de l’exercice, l’administration fiscale avait cru bon de préciser que «dans l’hypothèse où les titres n’ont pas été cédés […], le caractère immobilier prépondérant s’apprécie à la date de clôture de l’exercice de l’entreprise qui détient les titres» (BOIIS-BASE-20-20-10-30-20131231 n°70).

Cette précision qui, de l’aveu du Ministre était une «simple règle pratique», a été censurée par le Conseil d’Etat. La Haute juridiction a considéré que le Ministre ne s’était pas borné à expliciter la loi mais y avait ajouté des dispositions nouvelles qu’elle a en conséquence annulées sans toutefois prendre position sur la date à laquelle la prépondérance immobilière devrait s’apprécier.

Faute de clarification apportée par les lois de finances adoptées fin 2015, l’arrêt du Conseil d’Etat devrait permettre aux sociétés d’apprécier la prépondérance immobilière de leur filiale au choix à la date de la clôture de leur propre exercice ou à la clôture du dernier exercice de la filiale concernée, peu important dans cette dernière hypothèse qu’elle ait perdu ce caractère prépondérant à la date de constitution de la provision (i.e. date de clôture de la société détentrice des titres). Cette solution présenterait l’avantage de garantir une égalité de traitement entre les reprises de provision faisant suite à une cession et celles résultant d’une simple variation de valeur.

La balle est donc désormais dans le camp du législateur pour fixer la ou les dates auxquelles doit s’apprécier la prépondérance immobilière d’une société dont les titres sont provisionnés en l’absence de cession de ces titres et ainsi tarir une source probable de contentieux.

 

Auteurs

Charles de Crevoisier, avocat counsel, en fiscalité

Alexia Cayrel, avocat en fiscalité