Dernier délai pour négocier sur l’augmentation exceptionnelle de bénéfices !
18 juin 2024
Le ministère du Travail vient de publier sur son site internet un questions-réponses sur les modalités d’application des dispositions de la loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023 transposant l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur du 10 février 2023.
Pour mémoire, l’article 8 de la loi impose à toutes les entreprises d’au moins 50 salariés, dotées d’au moins un délégué syndical, tenues de négocier sur la mise en place d’un dispositif d’intéressement ou de participation, de faire porter leur négociation sur la définition d’une augmentation exceptionnelle du bénéfice et sur les modalités de partage de la valeur qui en découlent.
Aux termes de ces nouvelles dispositions, certaines entreprises, pourtant couvertes par un accord de participation ou d’intéressement, doivent engager la négociation avant le 30 juin 2024.
Qui doit négocier avant le 30 juin 2024 ?
Les entreprises d’au moins 50 salariés dotées d’un délégué syndical qui, à la date de la promulgation de la loi, ont déjà mis en place un accord de participation ou d’intéressement ne comportant pas de clause spécifique prenant en compte les bénéfices exceptionnels ou ne retenant pas une base de calcul plus favorable que la formule légale, doivent engager une négociation sur la définition d’une augmentation exceptionnelle de leur bénéfice et sur les modalités de partage de la valeur, avant le 30 juin 2024.
Rappelons à cet égard que la loi fait seulement obligation à ces entreprises de négocier et en aucun cas de conclure un accord sur la définition de l’augmentation exceptionnelle de bénéfices.
Ainsi, une entreprise qui a engagé les négociations en convoquant les organisations syndicales à une réunion de négociation sur ce thème, avant le 30 juin 2024, aura bien rempli son obligation même si aucun accord n’est finalement signé.
Quelle périodicité pour la négociation après 2024 ?
Le questions-réponses apporte des précisions sur la périodicité de la négociation sur l’augmentation exceptionnelle de bénéfices après 2024.
Il précise en effet que « si les partenaires sociaux au sein de l’entreprise ont obtenu un accord sur la définition de l’augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal et les modalités de partage de la valeur au moment de la négociation d’un accord d’intéressement par exemple, l’obligation de négociation s’éteint sauf à ce qu’ils souhaitent en modifier les paramètres à l’occasion d’une nouvelle négociation relative au dispositif d’intéressement ou de la participation.
Ils n’ont pas l’obligation de renégocier ce partage de la valeur en cas de modification de l’accord d’intéressement.
En revanche en cas de dénonciation de cet accord d’intéressement ou à son échéance, l’entreprise aura à nouveau l’obligation de négocier sur le partage de la valeur dès lors qu’elle ouvrira une nouvelle négociation sur l’intéressement ou la participation si elle en remplit encore les conditions ».
Le questions-réponses ne précise pas la périodicité de la négociation lorsque l’entreprise dotée d’un accord relatif à la participation ou à l’intéressement a bien négocié sur la définition de l’augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal avant le 30 juin 2024 mais sans parvenir à un accord.
A notre sens, l’entreprise ne sera tenue de négocier à nouveau sur cette thématique qu’en cas de renégociation de l’accord de participation ou d’intéressement au cours de la période d’application de l’accord ou à l’échéance de celui-ci.
Quelle sanction en cas de défaut de négociation avant le 30 juin 2024 ?
Le fait de ne pas négocier avant le 30 juin 2024 constitue incontestablement un manquement à une obligation légale. Pour autant le manquement à cette obligation n’est assorti d’aucune sanction par la loi.
Néanmoins, les salariés qui s‘estimeraient lésés par le manquement de l’employeur pourraient demander en justice la condamnation de celui-ci au versement de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice.
A notre sens, un simple retard de l’employeur dans l’ouverture des négociations ne saurait, caractériser à lui seul l’existence d’un tel préjudice (1).
Ce n’est que dans le cas où l’employeur aurait refusé la demande des organisations syndicales d’engager une négociation sur la définition de l’augmentation exceptionnelle de bénéfices, que les salariés pourraient être fondés à agir en invoquant, par exemple, une perte de chance de bénéficier du versement de sommes en cas d’augmentation exceptionnelle du bénéfice.
En revanche, s’agissant d’une simple obligation de négocier, il ne pourrait être reproché à l’entreprise, si elle a effectivement engagé la négociation avant le 30 juin 2024, de ne pas être parvenue à conclure un accord.
Le questions-réponses publié par l’administration apporte plusieurs éléments de réponse sur les modalités d’application de la loi du 29 novembre 2023 et, notamment, en ce qui concerne la base à retenir pour définir l’augmentation exceptionnelle du bénéfice, la périodicité de la négociation, les modalités de conclusion de l’accord ou encore le niveau auquel la négociation doit se tenir.
(1) Depuis 2016, la Cour de cassation décide que le seul manquement de l’employeur à une obligation qui lui incombe ne suffit pas à caractériser l’existence d’un préjudice (Cass. soc., 13 avril 2016, n°14-28.293).
Auteurs
Vincent Delage, Avocat associé, CMS Francis Lefebvre Avocats
Béatrice Taillardat-Pietri, Responsable-adjointe de la Doctrine sociale, CMS Francis Lefebvre
A LIRE EGALEMENT
Zoom sur l’augmentation exceptionnelle du bénéfice : qui doit négocier, quand, comment et sur quoi ? (Vincent Delage, Avocat associé et Béatrice Taillardat-Pietri, Responsable-adjointe de la Doctrine sociale, CMS Francis Lefebvre)
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