Détachement, expatriation, pluriactivité : quelques nouveautés en matière de mobilité internationale
24 octobre 2023
Par une instruction interministérielle en date du 22 août 2023 (1) publiée au Bulletin Officiel Santé – Protection sociale – Solidarité n° 2023/17 du 15 septembre 2023, des précisions sont apportées sur la nouvelle organisation administrative issue du décret du 25 mars 2022 (2) en matière de détermination de la législation de sécurité sociale applicable aux situations de mobilité internationale (3).
Cette instruction apporte également un éclairage intéressant sur le cas de mobilités internationales post-Brexit.
1. La nouvelle organisation administrative issue du décret du 25 mars 2022
En matière de mobilité internationale et de détermination de la législation de sécurité sociale applicable, l’instruction rappelle, dans un premier temps, plusieurs points importants :
♦ La législation de sécurité sociale applicable aux personnes en situation de mobilité internationale est déterminée d’après les règlements de coordination n°883/2004 et 987/2009 ainsi qu’au regard des conventions bilatérales de sécurité sociale ;
♦ Les travailleurs en situation de pluriactivité, c’est-à-dire ceux qui exercent leur activité dans plusieurs Etats (UE, EEE, Suisse, Royaume-Uni), doivent faire une demande de détermination de la législation de sécurité sociale qui leur est applicable à l’institution de leur lieu de résidence ;
♦ En matière de détachement, dit de droit interne, les salariés peuvent rester soumis au droit français pendant une durée maximale de trois ans renouvelable une fois.
En poursuivant un objectif de simplification, une modification de l’organisation administrative a été initiée afin de centraliser la gestion de ces différentes situations.
C’est dans ce cadre que le décret n°2022-434 du 25 mars 2022 ainsi que trois arrêtés du 16 juin 2022 (4) ont modifié les textes applicables et ont désigné les URSSAF compétentes pour traiter des situations de mobilité internationale.
Il résulte de ce décret que :
⇒ La demande de maintien à la législation de sécurité sociale est adressée à l’URSSAF (et non plus à la CPAM) ;
⇒ Les demandes de dérogation sont également adressées à l’URSSAF (et non plus au centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale – CLEISS) ;
⇒ Les missions du CLEISS sont actualisées et il est désormais chargé d’instruire les demandes relatives au maintien exceptionnel ou à la prolongation du maintien dans les régimes français de sécurité sociale de catégories de personnes travaillant hors de France ou dans les collectivités territoriales ou territoires d’Outre-mer ainsi que les demandes relatives à l’exemption d’affiliation à ces régimes de catégories de personnes exerçant leur activité sur le territoire français.
2. Les précisions apportées par l’instruction interministérielle du 22 août 2023
L’instruction du 22 août 2023 apporte des précisions sur plusieurs éléments et notamment :
-
- Le traitement des demandes de maintien à la sécurité sociale française en matière de détachement et détermination de la législation applicable en matière de pluriactivité ;
-
- Le traitement et les orientations des demandes de dérogation ;
-
- La procédure à suivre pour les détachements de courte durée ;
-
- Les situations relevant du cas particulier du Brexit.
2.1 Le traitement des demandes de maintien à la sécurité sociale française en matière de détachement et la détermination de la législation applicable en cas de pluriactivité
Selon l’instruction, trois institutions sont susceptibles d’être compétentes pour traiter des demandes de maintien au régime français de sécurité sociale et de détermination de la législation applicable :
⇒ L’URSSAF Nord-Pas-de-Calais est compétente, notamment pour les travailleurs salariés et non-salariés relevant du régime général. La procédure est désormais dématérialisée ;
⇒ Les caisses de Mutualité Sociale Agricole (MSA) restent compétentes pour les travailleurs relevant du régime agricole. La procédure reste inchangée ;
⇒ Les caisses des autres régimes spéciaux demeurent compétentes pour ces travailleurs et la procédure est inchangée.
S’agissant de la demande de maintien, l’institution compétente délivre ensuite le formulaire attestant du maintien à la législation française de sécurité sociale
2.2 Le traitement et les orientations des demandes de dérogation
Selon l’instruction, les demandes de dérogation font l’objet :
-
- d’un échange entre les institutions compétentes des Etats concernés ;
-
- et d’un accord de l’institution de l’Etat dans lequel la mission ou l’activité sera effectuée.
Elle prévoit également que les demandes peuvent être individuelles ou collectives dans le cadre d’un accord collectif.
L’instruction précise que les Etats ont un pouvoir discrétionnaire s’agissant des demandes de dérogation. Des orientations guident l’instruction afin d’assurer une certaine homogénéité des décisions :
-
- La demande de dérogation doit être dans l’intérêt du travailleur ;
-
- La demande ne peut dépasser une durée maximale de trois ans, renouvelable une fois ;
-
- Les demandes sont examinées au cas par cas sur une base discrétionnaire, au regard de critères établis en annexe II de l’instruction ;
-
- Les demandes sont traitées au regard du principe de réciprocité.
2.3 La procédure à suivre pour les détachements de courte durée
Quatre éléments résultant de l’instruction sont à retenir :
⇒ L’institution compétente doit être informée du détachement avant le début de la mission ;
⇒ En cas d’urgence et lorsque le détachement doit être effectué sans délai, l’Institution peut être informée après le début de la mission.
⇒ La procédure spécifique pour les détachements de courte durée a été supprimée.
⇒ Une tolérance est néanmoins appliquée pour les voyages d’affaires définis comme : «une activité temporaire, effectuée par le travailleur salarié ou indépendant, liée à ses intérêts professionnels à l’exclusion des prestations de service ou de livraisons de marchandises». Des exemples sont donnés : manifestations culturelles et scientifiques, conférences etc.
2.4 Les situations relevant du cas particulier du Brexit
Concernant les mobilités intervenant avec le Royaume-Uni, l’instruction énonce que ces situations de mobilité sont régies par deux textes :
♦ L’accord de retrait : cet accord s’applique aux ressortissants ayant circulé avant le 31 décembre 2020. Le droit de l’UE en matière de sécurité sociale s’applique.
♦ L’accord de commerce et de coopération : il s’applique aux situations nées à compter du 1er janvier 2021. Plusieurs dispositions sont prévues, notamment en matière de détachement et de pluriactivité. Il n’est cependant pas possible de prévoir des accords dérogatoires.
La procédure d’information et d’instruction est similaire aux autres situations de mobilité.
Cette instruction, applicable aux demandes en cours et à venir, permet d’apporter des précisions sur la procédure à suivre en matière de détermination de la législation de sécurité sociale applicable et de maintien au régime de sécurité sociale français.
Il convient de rappeler que les situations de mobilité internationale suscitent de nombreuses questions en matière de sécurité sociale, mais également de droit du travail applicable, d’immigration et de fiscalité. Il est donc essentiel d’examiner l’ensemble de ces aspects avant d’envisager l’envoi d’un salarié à l’étranger.
AUTEURS
Caroline FROGER-MICHON, Avocate associée, CMS Francis Lefebvre Avocats
Elisa VIGNIER, Juriste, CMS Francis Lefebvre Avocats
(1) Instruction interministérielle N°DSS/DACI/2023/137 du 22 août 2023 relative à la nouvelle organisation administrative en matière de détermination de la législation de sécurité sociale applicable des situations de mobilité internationale.
(2) Décret n°2022-434 du 25 mars 2022 relatif à la réorganisation administrative de la gestion du traitement des situations de mobilité internationale.
(3) A noter qu’une instruction ministérielle DSS/DACI/2023/155 du 27 septembre 2023 apporte des précisions sur la détermination de la législation de sécurité sociale applicable aux situations de télétravail transfrontalier, et en particulier sur la mise en œuvre de l’accord-cadre en application de l’article 16, §1, du règlement (CE) n°883/2004 en cas de pratique habituelle du télétravail transfrontalier signé par les autorités françaises le 30 juin 2023.
(4) Arrêté du 16 juin 2022 précisant les informations figurant dans l’attestation de détachement prévue à l’article R.761-2 du Code de la sécurité sociale ; Arrêté du 16 juin 2022 modifiant l’arrêté du 1er juin 2014 fixant le modèle de formulaire « Questionnaire pour le maintien au régime français de sécurité sociale d’un travailleur salarié détaché hors du territoire français » ; Arrêté du 16 juin 2022 précisant les organismes compétents chargés de la gestion des demandes de détachement et de dérogation permettant le maintien ou la prolongation du maintien à la législation de sécurité sociale
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