Détachement transnational de salariés : la DGT publie une instruction pour clarifier les règles applicables
28 avril 2021
Le recours aux salariés détachés ne cesse d’augmenter depuis plusieurs années. Pour lutter contre le dumping social et assurer une protection efficace des droits des travailleurs détachés, la France a récemment transposé en droit interne la Directive 2018/957 du 28 juin 2018.
Quelques mois après l’entrée en vigueur de cette directive en France, la direction générale du travail (DGT) publie une instruction du 19 janvier 2021 (N° DGT/RT1/2021) d’application immédiate, qui remplace la circulaire DGT 2008/17 du 5 octobre 2008 en matière de détachement transnational de travailleurs en France dans le cadre d’une prestation de services.
La DGT a indiqué que cette instruction a pour objectif de « faciliter les contrôles de l’inspection du travail et rappeler leurs obligations et responsabilités aux sociétés détachant des salariés ainsi qu’à leurs donneurs d’ordre ».
Présentation de l’instruction
D’entrée de jeu, la DGT précise que l’instruction ne vise que le détachement transnational de travailleurs au sens du droit du travail, de sorte qu’en sont exclues (i) les règles relatives au détachement en matière de sécurité sociale et (ii) les dispositions particulières en matière de transport.
L’instruction de la DGT est divisée en cinq parties dans lesquelles sont successivement étudiés :
-
- la définition du détachement ;
- les dispositions applicables aux salariés détachés ;
- les obligations de l’employeur ;
- les obligations de vigilance et de diligence du maître d’ouvrage et du donneur d’ordre ;
- les recours et sanctions.
Si l’ensemble des règles relatives au détachement transnational de salariés sont abordées, l’instruction est l’occasion de rappeler, voire de clarifier, certaines règles applicables en la matière.
« Noyau dur » de droits applicables au salarié détaché en France
L’article L.1262-4 du Code du travail prévoit un noyau dur de règles qui s’appliquent aux salariés étrangers détachés sur le territoire national, afin de leur garantir une égalité de traitement avec les salariés employés par les entreprises de la même branche d’activité établies sur le territoire national.
Ainsi, la détermination des règles légales et conventionnelles applicables se fait en référence à l’activité du salarié dans le cadre de sa prestation en France, lui procurant la même protection que celle dont bénéficient les salariés français employés par une entreprise dont l’activité principale est identique.
Comme cela est indiqué dans l’instruction, l’activité de référence en France peut donc différer de celle admise pour rattacher l’employeur à une convention collective dans son pays d’origine.
Rémunération du salarié détaché en France
Parmi ce « noyau dur » de droits, l’article L.1262-4 du Code du travail indique que le respect des dispositions légales et des stipulations conventionnelles doit être garanti en matière de « rémunération au sens de l’article L.3221-3, paiement du salaire, y compris les majorations pour les heures supplémentaires ».
L’instruction explicite cette règle et fournit des exemples concrets quant à la détermination de la rémunération due au salarié pendant son détachement en France.
Ainsi, elle indique que, pour le calcul de la rémunération applicable, « une comparaison doit être opérée entre la rémunération versée au salarié détaché et la rémunération (salaire minimum et ensemble des accessoires de salaire prévus par la législation et la convention collective étendue applicable) due au titre du détachement en France ».
Elle indique également que « cette comparaison doit être établie sur des montants totaux bruts de rémunération, c’est-à -dire avant application des prélèvements (part salariale ou part patronale) applicables au titre de la législation de la protection sociale, plutôt que sur des éléments constitutifs individuels de la rémunération ». En tout état de cause, les éléments constitutifs de la rémunération du salarié détaché doivent pouvoir être identifiés de manière suffisamment précise.
L’impact pratique du calcul de la rémunération applicable est réel puisqu’il permettra de déterminer le montant de l’allocation de détachement à verser, le cas échéant, en complément de son salaire au salarié détaché pour la période de travail effectuée en France, dans l’hypothèse où la rémunération applicable en France au titre du détachement est plus élevée que celle due au titre de la loi applicable à son contrat de travail.
Pour comparer les rémunérations, l’instruction propose la méthode suivante, qui n’est néanmoins citée qu’ « à titre d’exemple » :
-
- établir un tableau permettant de calculer le montant total de la rémunération due au titre de la législation du pays d’origine pour les périodes de travail effectuées en France pendant le détachement ;
-
- dupliquer ce tableau avec les taux français pour calculer le salaire et les accessoires légalement et conventionnellement qui seraient dus à un salarié employé par une entreprise établie en France dans la même situation.
L’instruction indique que « le montant total brut de rémunération le plus élevé doit être versé au salarié détaché, en application du principe de faveur ».
Remboursement des frais professionnels
Depuis le 30 juillet 2020, le remboursement effectué au titre des frais professionnels fait partie intégrante du « noyau » dur de droits listés à l’article L.1262-4 du Code du travail. Pour être susceptibles de remboursement, les frais engagés doivent correspondre à des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi du salarié, lors de l’accomplissement de sa mission, en matière de transport, de repas et d’hébergement. Le remboursement des frais professionnels est obligatoire lorsque les conditions cumulatives posées par l’article R.1262-8 du Code du travail sont remplies.
On rappellera à toutes fins utiles que le remboursement des frais professionnels s’ajoute au versement de la rémunération susmentionnée au salarié détaché en France.
Organisation du suivi médical par le donneur d’ordres
Pour le donneur d’ordres, outre le rappel du devoir de vigilance, la nouveauté est dans l’organisation du suivi médical qui est assuré par l’entreprise en France en cas de prestation de service, de mobilité intragroupe ou de mise à disposition, et qui doit transmettre les informations à son service de santé.
Avec un marché de l’emploi qui risque d’être fortement impacté par la crise sanitaire actuelle, il est fort probable que les contrôles en matière de détachement vont se multiplier afin de lutter contre toute forme de dumping social et préserver les droits des salariés détachés.
Article paru dans Les Echos le 28/04/2021
A LIRE EGALEMENT
Détachement transnational de salariés : un cadre juridique à s’approprier
A lire également
Les employeurs ont-ils le droit de contrôler la température de leurs salaries ... 25 mai 2020 | CMS FL Social
Engagements et garanties de l’acquéreur dans les opérations de fusion-acquis... 29 mars 2021 | CMS FL Social
Clause de non-concurrence : le renouvellement doit être exprès... 13 décembre 2022 | Pascaline Neymond
Impacts du « Brexit » en droit du travail et en droit de la sécurité sociale... 28 janvier 2021 | CMS FL Social
Peut-on librement critiquer son employeur sur Facebook ?... 3 juin 2013 | CMS FL
Un salarié licencié pour harcèlement sexuel ne peut se prévaloir du phénomÃ... 4 novembre 2024 | Pascaline Neymond
Liberté d’expression des salariés sur Internet : tout n’est pas permis... 28 mai 2018 | CMS FL
Les « Clicwalkers » ne sont pas des salariés... 27 juillet 2022 | Pascaline Neymond
Articles récents
- Rapport de durabilité (CSRD) : la nouvelle obligation de consultation du CSE entre en vigueur le 1er janvier 2025
- Statut de lanceur d’alerte : le Défenseur des droits et la jurisprudence précisent ses contours
- Enquêtes internes : des règles en constante évolution
- Pas de co-emploi sans immixtion dans la gestion économique et sociale de la société : illustration en présence d’une société d’exploitation
- Fixation du plafond de la sécurité sociale pour 2025
- Un salarié licencié pour harcèlement sexuel ne peut se prévaloir du phénomène «#Metoo»
- Régimes de retraite des dirigeants : prestations définies versus actions gratuites
- SMIC : Relèvement du salaire minimum de croissance au 1er novembre 2024
- Inaptitude et reclassement : c’est au salarié qu’il appartient de rapporter la preuve d’une déloyauté de l’employeur
- Conférence – Gestion des fins de carrière : que font les entreprises et quelles solutions à dispositions ?
Commentaires