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Dialogue social et environnement : la prise en compte des enjeux environnementaux à l’occasion des négociations collectives d’entreprise

Dialogue social et environnement : la prise en compte des enjeux environnementaux à l’occasion des négociations collectives d’entreprise

Les politiques RSE d’entreprise ou définies au niveau du groupe constituent désormais des outils incontournables d’attractivité et de développement social pour les sociétés.

 

En pratique, ces dispositifs de communication, tant internes à l’entreprise qu’externes, incluent des engagements, notamment en matière environnementale, afin de répondre aux attentes croissantes des candidats et des salariés dans ce domaine.

 

La signature de l’accord interprofessionnel du 11 avril 2023 relatif à la transition écologique et au dialogue social marque également la volonté des partenaires sociaux d’intégrer les enjeux environnementaux dans la politique sociale dans le cadre de la négociation collective.

 

Ainsi, la prise en compte de ces aspects ne devrait plus être perçue comme une contrainte, mais comme une opportunité de réduire l’impact environnemental des activités des sociétés en sensibilisant les salariés sur ces enjeux et en améliorant leur qualité de vie au travail.

 

Cette démarche conventionnelle s’inscrit dans le sens de l’évolution législative qui, peu à peu, impose ou favorise la prise en compte des enjeux environnementaux dans le cadre de la négociation collective obligatoire en entreprise.

 

Le point sur les sujets dont peuvent se saisir utilement les partenaires sociaux en la matière :

 

La mobilité durable, une des thématiques de la négociation obligatoire sur la Qualité de Vie au Travail et les Conditions de Travail (QVCT)

 

Dans les entreprises employant au moins cinquante salariés sur un même site, une négociation sur la mobilité durable doit être engagée dans le cadre de la négociation sur la QVCTV (1).

 

Les partenaires sociaux sont ainsi invités à négocier les mesures visant à améliorer la mobilité des salariés entre leur lieu de résidence habituelle et leur lieu de travail, notamment en réduisant le coût de la mobilité et en incitant à l’usage de modes de transport vertueux, en particulier par la prise en charge des frais (carburants et alimentation des véhicules électriques, hybrides, etc.).

 

Cette négociation a notamment pour objectif de développer les modes de transport respectueux de l’environnement tels que le covoiturage, le vélo et autres dispositifs de mobilité douce, les transports en commun, dans le but de réduire l’empreinte carbone des déplacements professionnels.

 

Pour ce faire, les entreprises peuvent par exemple mobiliser le « forfait mobilité durable » (FMD) qui permet de prendre en charge tout ou partie des frais de transport liés à l’utilisation d’un mode de transport défini par le législateur comme durable (vélo, covoiturage, véhicule personnel, etc.) et de bénéficier d’un traitement fiscal et social avantageux (2).

 

D’autres mesures peuvent être envisagées, par exemple la prise en charge totale de l’abonnement aux transports publics, la mise à disposition de vélos électriques, le « verdissement » de la flotte de véhicules, l’incitation au covoiturage, la mise en place de bornes de recharge de véhicules électriques, etc. afin de valoriser les engagements de la société en faveur de la transition écologique.

 

Ce plan de mobilité permet de compléter la politique de déplacement professionnel de l’entreprise et ainsi de constituer un projet d’entreprise en vue de réduire les émissions de carbone de la société.

 

A défaut d’accord collectif sur ce thème, les entreprises doivent élaborer un plan de mobilité sur leurs différents sites pour améliorer la mobilité de leur personnel (3).

 

La prise en compte de la transition écologique dans le cadre de la négociation obligatoire sur la gestion des emplois et des parcours professionnels

 

La loi de lutte contre le dérèglement climatique (4) a précisé que le dispositif de gestion prévisionnelle des emplois, des parcours professionnels et sur la mixité des métiers , sur lequel les entreprises d’au moins trois cents salariés (5) doivent obligatoirement engager une négociation tous trois ans, doit notamment avoir pour objectif de « répondre aux enjeux de la transition écologique » (6).

 

Cette obligation s’impose à défaut de stipulations conventionnelles contraires fixant la périodicité et les thèmes de négociation de l’accord de gestion prévisionnelle des emplois, des parcours professionnels et sur la mixité des métiers (7).

 

Plusieurs sociétés ont ainsi prévu dans leur accord de gestion prévisionnelle des emplois, des parcours professionnels et sur la mixité des métiers des mesures pour traiter de ces enjeux.

 

Ce domaine mérite d’être abordé entre les partenaire sociaux. En effet, ces accords permettent, dans le cadre de la stratégie de développement de la société, de fixer un consensus sur des leviers d’action en vue de mettre en œuvre la transition écologique et la protection de l’environnement.

 

La négociation peut ainsi porter sur l’adaptation des emplois aux enjeux de la transition écologique, avec une prise en compte de l’impact climat dans le déploiement des projets et des parcours de formation des salariés.

 

Il devient alors possible pour les partenaires sociaux d’articuler la politique RSE de la société avec la valorisation d’une démarche de travail plus écologique, en prévoyant le développement de formations en vue de la prise de conscience et la montée en compétences des salariés sur les enjeux environnementaux du secteur et plus spécifiquement de l’entreprise.

 

Des actions de valorisation des modes de déplacement durables, de l’usage plus responsable des moyens technologiques et outils informatiques peuvent également être prévues.

 

Parmi les critères permettant d’anticiper les évolution des métiers et des compétences, nous avons pu constater que les partenaires sociaux ont identifié des besoins d’adaptation en termes d’emploi et de compétences liés à la transition écologique, notamment au regard des évolutions réglementaires (taxe carbone, CSRD, déforestation importée, etc.), ainsi que les opportunités de développement liées à la transition.

 

La possibilité d’intégrer les contraintes environnementales à l’occasion des négociations à l’initiative de l’employeur

 

Les employeurs ont également la faculté d’inclure les enjeux environnementaux à l’occasion des autres négociations obligatoires, telles que :

 

⇒ les négociations annuelles sur les salaires (avec la valorisation des critères environnementaux dans la politique de rémunération) ;

 

⇒ ou encore la qualité de vie au travail.

 

De même, en dehors de toute obligation, les entreprises sont incitées à aborder ces enjeux et de plus en plus d’entreprises choisissent volontairement d’intégrer des engagements ou des critères en matière environnementale dans leurs accords d’entreprise.

 

Par exemple, dans le cadre de négociations sur la mise en place ou le développement du télétravail, des projets de changement des conditions de travail peuvent être présentés comme des mesures favorables à la transition écologique (réduction des déplacements, baisse de la consommation d’énergie, augmentation du nombre de jours en cas de pic de pollution).

 

D’autres modes d’organisation du travail tels que la semaine de 4 jours par exemple peuvent également être proposés pour répondre à cet objectif.

 

Les enjeux environnementaux peuvent, en outre, être pris en compte dans un accord relatif au dialogue social.

 

Sur ce point, dans l’accord national interprofessionnel (ANI) sur la transition écologique en date du 11 avril 2023 (8), les partenaires sociaux préconisent par exemple de :

 

♦ Créer une commission environnementale au sein du CSE dont les travaux ont vocation à « nourrir le CSE et le dialogue économique, social et environnemental dans l’entreprise », afin de préparer la consultation du CSE sur cet aspect (9) ;

 

♦ Mobiliser les heures de délégation des membres du CSE pour le dialogue social environnemental ;

 

♦ Organiser la formation des élus pour disposer de partenaires sociaux compétents sur les questions environnementales.

 

Enfin, la donnée environnementale peut être retenue dans le cadre des dispositifs d’épargne salariale, par exemple en retenant un critère d’intéressement valorisant la réduction de consommation d’énergie, de papier ou en valorisant le tri des déchets.

 

Les sociétés peuvent également, dans le cadre de leur plan d’épargne d’entreprise, favoriser les orientations des placements vers des fonds d’investissement qui concilient performances économiques et activités responsables sur le plan social et environnemental.

 

Ainsi, en fonction des orientations stratégiques de la société, la négociation collective constitue un des moyens de valoriser l’implication de l’employeur sur les enjeux environnementaux en y associant la collectivité des salariés et leurs représentants.

 

AUTEURS

Maïté OLLIVIER, Avocate associée, CMS Francis Lefebvre Avocats

Maud ROZENEK, Avocate, CMS Francis Lefebvre Avocats

 

(1) C. trav., art. L.2242-17

(2) Dans la limite de 700 euros par an par salarié (en 2023), appréciée en cumulant la prise en charge obligatoire (limite portée à 800 euros) ou, selon le cas, la prise en charge volontaire (dans la limite de 200 euros pour le carburant) et le FMD, sous réserve d’éventuelles

(3) C. des transports, art. L.1214-8-2

(4) Loi n°2021-1104, 22 août 2021, JO 24 août

(5) Ainsi que les groupes d’entreprises d’au moins trois cents salariés, et les entreprises et groupes d’entreprises de dimension communautaire au sens des articles L.2341-1 et L 2341-2 comportant au moins un établissement ou une entreprise d’au moins cent cinquante salariés

(6) C. trav., art. L.2242-20

(7) C. Trav., art. L.2242-11, 1°

(8) Sur ce thème, voir « Accord sur la transition écologique & le dialogue social en entreprise (cms.law) », D. Chatard et M. Rozenek, 25/05/2023

(9) Sur l’opportunité de négocier sur la BDESE en matière environnementale, voir : « Dialogue social et Environnement : la BDESE comme référentiel (cms.law) », D. Chatard, 04/10/2023