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Diminution progressive du taux normal de l’IS : conséquences pratiques de la baisse inscrite dans la loi de finances pour 2017

Diminution progressive du taux normal de l’IS : conséquences pratiques de la baisse inscrite dans la loi de finances pour 2017

L’article 11 de la loi de finances pour 2017, adoptée définitivement par le Parlement le 20 décembre 2016, prévoit une baisse du taux de l’IS à 28 %, appliquée progressivement à l’ensemble des sociétés d’ici 2020.

La fiscalité française s’inscrit ainsi dans le sens de la baisse observée dans plusieurs pays européens, dans un contexte de renforcement de l’attractivité fiscale. Ainsi, en moyenne, les pays européens ont diminué de plus de 25 % leurs taux d’IS entre 2010 et 2016, et le taux moyen est passé de plus de 32 % à 23 % en 2016. A titre d’exemple, le taux de l’impôt sur les sociétés est de 12,5 % en Irlande, de 20% au Royaume-Uni, de 25 % aux Pays-Bas et en moyenne de 30 % en Allemagne.

Tour d’horizon du dispositif et de ses principales conséquences :

1. Calendrier d’application

L’abaissement du taux d’IS suivrait le calendrier suivant :

  • pour les PME, pour les exercices ouverts à compter de 2017, un taux de 28 % s’appliquerait jusqu’à 75 000 euros de bénéfices (il n’est pas prévu de mettre fin à la législation actuelle qui prévoit qu’un taux de 15 % s’applique dans la limite de 38 120 euros de bénéfices) ;
  • pour l’exercice 2018, le taux de 28 % s’appliquerait pour l’ensemble des entreprises dans la limite de 500 000 euros de bénéfices (la portion excédentaire étant imposée au taux de 33,33 %);
  • pour l’exercice 2019, les entreprises réalisant moins de 1 milliard d’euros de CA (consolidé dans les groupes intégrés) seraient soumises au taux de 28 % sur l’intégralité de leur bénéfice imposable ; les entreprises dont le CA est supérieur à ce seuil continueraient à bénéficier du taux de 28 % dans la limite de 500 000 euros de bénéfices (la portion excédentaire étant imposée au taux de 33,33 %) ;
  • à compter de l’exercice 2020, ce taux de 28 % deviendrait le taux normal de l’IS.

Notons enfin que le champ d’application du taux réduit de l’IS de 15 % serait étendu aux entreprises réalisant un chiffre d’affaires (CA) inférieur à 50 millions d’euros pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019.

2. Examen chiffré de l’économie d’IS

Pour l’exercice 2017, les PME seront les seules à bénéficier d’un allégement, et celui-ci restera tout à fait modique.

Deux catégories de PME pourront ainsi bénéficier du taux de 28 % dans la limite de 75 000 euros de bénéfices :

  • les PME bénéficiant du taux réduit de 15% prévu à l’article 219, I-b du CGI. Ces PME continueront à bénéficier du taux réduit de 15% sur la fraction de leur bénéfice ne dépassant pas 38 120 euros.
    En définitive, ces PME bénéficieront au maximum d’une économie représentant moins de 2 000 euros1 ;
  • les autres PME qui ne satisfont pas aux conditions exposées à l’article 219, I-b du CGI mais qui répondent aux critères européens des PME définis à l’annexe I du règlement UE n°651/2014.

    Ces PME bénéficieront au maximum d’une économie représentant moins de 4 000 euros2 .

Pour l’exercice 2018, l’économie maximale pour les entreprises concernées serait plafonnée à 26 650 euros3 .

Pour l’exercice 2019, l’effet du franchissement du seuil de 1 milliard d’euros de CA devrait être significatif pour certaines entreprises :

  • par exemple, pour une entreprise réalisant un CA de 1 milliard d’euros et un bénéfice imposable de 32 millions d’euros (ratio moyen entre bénéfice imposable et chiffre d’affaires HT de 3,2 %), l’impôt dû au taux de 28 % sera égal à 8 960 000 euros (au lieu de 10 666 667 euros avec un taux de 33,33 %) ;
  • mais pour une entreprise réalisant un CA de 1 milliard + 1 euros et un bénéfice imposable de 32 millions d’euros selon ce même ratio, l’économie (du fait de l’application du taux de 28 % aux 500 000 premiers euros de bénéfices) serait, comme pour l’exercice 2018, plafonné à 26.650 euros.

A compter de cette date, les PME bénéficieraient aussi à plein du taux de 15 %. Ce dispositif serait réservé aux PME dont le capital est entièrement libéré à la clôture de l’exercice (ou de la période d’imposition), et qui sont détenues de manière continue, pour 75 % au moins (droits de vote et droits à dividendes) directement ou indirectement par des personnes physiques ou par des sociétés dont le CA est lui-même inférieur à 50 millions d’euros et dont le capital, entièrement libéré, est directement détenu de manière continue pour 75 % au moins par des personnes physiques.

A compter de l’exercice 2020, la baisse du taux de l’IS de 33,33 % à 28 % pour toutes les entreprises représenterait une diminution de taux de 16 %, donc en principe une diminution équivalente de la charge fiscale des entreprises.

3. Revue des autres principales conséquences

La baisse du taux de l’IS devrait entraîner un accroissement mécanique de la participation des salariés.

En outre, cette baisse devrait mécaniquement impacter l’appréciation faite de certains dispositifs prévus par le Code général des impôts, au nombre desquels notamment l’article 209 B I, 1° du CGI (par référence à l’article 238 A), et l’article 212 I b du CGI.

Au-delà, la baisse progressive du taux de l’IS devrait avoir des conséquences au regard du régime de l’intégration fiscale et du point de vue des impôts différés.

Du point de vue de l’intégration fiscale

La baisse envisagée devrait avoir des conséquences du point de vue de l’intégration fiscale. Pour l’exercice 2018, le taux d’IS de 28 % s’appliquerait en effet pour l’ensemble des entreprises dans la limite d’un résultat fiscal de 500 000 euros (résultat fiscal d’ensemble dans les groupes intégrés). En 2019, le dispositif distingue les entreprises en fonction de leur CA, fixant pour ce dernier un seuil de 1 milliard d’euros (CA consolidé dans les groupes intégrés).

Dans ce contexte, il conviendra d’être attentif, en 2018 et en 2019, à l’opportunité de la présence ou non (à l’entrée ou à la sortie) de certaines sociétés dans l’intégration, afin de ne pas franchir le seuil de 500 000 euros de résultat fiscal en 2018, ou de 1 milliard d’euros de CA en 2019.

Par ailleurs, et bien que le principe de liberté en matière de répartition d’impôt dans l’intégration fiscale ait été récemment réaffirmé par le Conseil d’Etat (CE, 13 octobre 2016, n° 388410, SA SAFRAN), il n’en demeure pas moins que cette répartition ne doit pas conduire à porter atteinte à l’intérêt social propre de chaque société ni aux droits des associés ou actionnaires minoritaires (CE, 12 mars 2010, n°328424, Wolseley Centers France). Partant, les filiales intégrées qui auraient été soumises individuellement à un IS au taux de 28 % ne devront pas, selon nous, dans le contexte où le groupe serait quant à lui soumis à un IS au taux de 33,33 %, supporter une charge d’impôt supérieure à celle qu’elles auraient supportée en l’absence d’intégration fiscale (en l’absence de tolérance administrative énoncée à ce stade, à l’instar de la tolérance énoncée par la doctrine administrative BOI-IS-GPE-30-30-10 n°290 en ce qui concerne les contributions additionnelles à l’impôt sur les sociétés).

Du point de vue des impôts différés

Tant en normes françaises (CRC 99-02) qu’en normes IFRS (IAS 12), les actifs et passifs d’impôts différés doivent être évalués selon la méthode du report variable, c’est-à-dire en utilisant le taux d’impôt et les règles fiscales en vigueur à la clôture de l’exercice et qui seront applicables lorsque la différence future – l’économie ou la charge future d’impôt – se réalisera (règlement CRC n°99-02).

L’impact d’un changement de taux d’imposition ou de législation fiscale est pris en compte dans les états financiers, dès lors que le nouveau taux est voté à la date de clôture (à défaut, dans l’annexe, lorsque le vote intervient entre la date de clôture et celle de l’arrêté des comptes).

L’entrée en vigueur de la loi sur la baisse du taux de l’IS devant intervenir avant le 31 décembre 2016, les entreprises clôturant leur exercice à compter de cette date devront tenir compte de cette mesure dans l’évaluation de leurs impôts différés. Ainsi, les impôts différés devront être calculés en tenant compte du taux d’imposition applicable à l’exercice de réalisation de l’imposition future.

Notes
  1. = (75.000 – 38.120) x (33,33 % – 28 %)
  2. = 75.000 x (33,33 % – 28 %)
  3. = 500.000 € x (33,33 % – 28 %)
Auteurs

Christophe Leclère, avocat en fiscalité directe

Guillaume Duchene, avocat, droit fiscal