Directive ATAD et limitation de la déduction des intérêts: quel délai de transposition pour la France ?
Dans le prolongement des recommandations de l’OCDE ayant pour objet d’encadrer certains schémas d’optimisation fiscale (dites Recommandations anti-BEPS), le Conseil de l’Union européenne a adopté le 12 juillet dernier une directive destinée à lutter contre certaines pratiques d’«évasion fiscale» (dite Directive ATAD).
Parmi les dispositifs adoptés figure une limitation de la déduction des charges financières nettes encourues au titre de toute dette (liée ou non) au montant le plus élevé entre (i) 30% de l’EBITDA ajusté de l’emprunteur (hors revenus exonérés), et (ii) trois millions d’euros. Cette limitation comprend une clause dite «grand père», excluant de son champ d’application les emprunts contractés avant le 17 juin 2016, ainsi que des exceptions en fonction de l’endettement global du groupe auquel appartient l’emprunteur.
La date limite de transposition de cet article de la directive ATAD est fixée (i) au 31 décembre 2018, ou (ii) «à la fin du premier exercice fiscal complet suivant la date de publication […] de l’accord entre les membres de l’OCDE sur une norme minimale» anti-BEPS en matière de déduction des intérêts, sous réserve que les Etats membres de l’UE disposent de règles nationales aussi efficaces que celle prévue dans la Directive ATAD pour limiter la déduction des intérêts par les groupes, une date butoir étant fixée au 1er janvier 2024.
La France fera-t-elle application de la possibilité de retarder l’application de la règle sur la déduction des intérêts en retenant la seconde date limite de transposition, potentiellement plus longue que la première ? En effet, le droit interne français ne prévoit pas de plafonnement similaire de la déduction des charges financières nettes en fonction de l’EBITDA. Certes, le dispositif de lutte contre la sous-capitalisation comprend effectivement un ratio comparable, mais ce dernier ne s’applique qu’aux dettes liées, alors que la Directive ATAD vise l’ensemble des dettes (y compris auprès de tiers). A l’inverse, le «rabot», conduisant à réintégrer 25% des charges financières nettes de l’emprunteur, s’applique indépendamment de l’EBITDA réalisé (75 % des charges financières nettes restant, en tout état de cause, déductibles).
Il paraîtrait logique que la France, qui s’est déjà dotée d’un arsenal fourni de limitation de la déduction des intérêts, puisse se prévaloir de la prolongation du délai de transposition. Reste au Gouvernement à faire connaître sa position.
Auteur
Jean-Charles Benois, avocat en fiscalité.