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Distribution sélective et Internet : confirmation de l’approche nuancée de la cour d’appel de Paris

Distribution sélective et Internet : confirmation de l’approche nuancée de la cour d’appel de Paris

Si le droit de la concurrence est souvent invoqué par les plaideurs désireux de remettre en cause la validité des réseaux de distribution sélective mis en place par les fournisseurs, l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 13 janvier 2016 démontre que les juges reconnaissent, en fonction des cas d’espèce qui leur sont soumis, que la mise en place d’un tel réseau, ainsi que les restrictions qu’il induit éventuellement s’agissant de la vente en ligne, peuvent être légitimes (CA Paris, 13 janvier 2016, n°13/11588).

En l’espèce, le distributeur exclusif d’une grande marque d’électroménager en France a mis en place un réseau de distribution sélective portant sur les produits d’une gamme spécifique dénommée « Exclusive ». Il a par conséquent demandé à ses grossistes et détaillants de cesser de commercialiser les produits concernés dans l’attente de leurs agréments éventuels.

Un détaillant exerçant quasi exclusivement son activité par Internet a sollicité un tel agrément puis il a demandé plusieurs délais pour se mettre en conformité avec les exigences que cet agrément impliquait. Après que le distributeur exclusif des produits d’électroménager a cessé les livraisons, le détaillant l’a assigné en lui reprochant notamment d’opérer une sélection quantitative de ses revendeurs alors qu’il remplissait les conditions d’agrément.

Saisie de ce litige, la cour d’appel de Paris commence par rappeler qu’un réseau de distribution sélective « ne saurait être prohibé lorsque le fournisseur choisit les commerçants en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif, sans discrimination et sans limitation quantitative injustifiée, sous réserve que les critères retenus soient en rapport avec la nature du produit et ne dépassent pas ce qui est nécessaire ». Si les trois critères de validité d’un réseau de distribution sélective énoncés sont classiques (voir par exemple CA Paris, 27 mars 2014, n°10/19766), la formulation ici retenue par la cour d’appel de Paris ne met pas l’accent sur la condition relative à la nature du produit justifiant un tel système, ce qui est plus inhabituel. Les juges considèrent d’ailleurs que cette condition est remplie en l’espèce en énonçant succinctement que les produits en cause « combinent haute qualité et fiabilité », ce qui n’était visiblement pas contesté.

En revanche, l’arrêt est beaucoup plus disert s’agissant des exigences de qualité de services que les fournisseurs peuvent imposer à leurs revendeurs. En effet, la Cour d’appel constate que le fournisseur exige en l’espèce de ses revendeurs une enseigne haut de gamme, des vendeurs qualifiés, des stocks de produits suffisants ainsi que des services de livraison et d’assistance performants.

De surcroît, si la vente en ligne est autorisée, le contrat prévoit, outre des exigences spécifiques relatives au site Internet qui doit être agréé, que « la vente des produits doit avoir lieu prioritairement dans des magasins » agréés.

Or, sans véritablement discuter la proportionnalité de ces exigences, les juges parisiens constatent que le revendeur en cause ne les satisfaisait pas. Ils relèvent à ce titre que l’enseigne du revendeur comprend le mot « discount », que ses espaces de vente sont de simples entrepôts, que ses étiquettes insistent sur le prix « discount » et qu’un nouveau site Internet plus haut de gamme n’a jamais fonctionné.

A l’évidence, l’image « discount » du détaillant tranchait avec les produits de « haute qualité » du fournisseur et explique qu’il ait été débouté de son action.

S’il ne faut probablement pas interpréter cet arrêt comme un assouplissement des critères gouvernant la validité d’un réseau de distribution sélective et des restrictions posées à la vente en ligne, les juges parisiens indiquent ici clairement que, dès lors qu’un tel réseau est justifié par la nature des produits, un détaillant ne peut prétendre l’intégrer s’il ne remplit pas les critères objectifs d’agrément.

Auteur

Vincent Lorieul, avocat en droit de la concurrence et de la distribution