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Distribution sélective : l’interdiction de principe de revendre sur les places de marché en ligne dans le collimateur des autorités de la concurrence

Distribution sélective : l’interdiction de principe de revendre sur les places de marché en ligne dans le collimateur des autorités de la concurrence

Alors que la question de l’interdiction faite aux distributeurs agréés d’un réseau de distribution sélective de revendre les produits sur Internet a été tranchée par la Cour de justice de l’Union européenne dans le cadre de l’affaire Pierre Fabre (CJUE, 13 octobre 2011, C-439/09), celle de l’interdiction de revendre sur les places de marché en ligne ou « marketplaces » (telles qu’eBay, Price Minister, Fnac.com, Amazon ou RueDuCommerce) était encore en suspens.

Les lignes directrices de la Commission européenne du 10 mai 2010 sur les restrictions verticales indiquent depuis 2010 qu’un « fournisseur peut exiger que ses distributeurs ne recourent à des plateformes tierces pour distribuer les produits contractuels que dans le respect des normes et conditions qu’il a convenues avec eux pour l’utilisation d’Internet par les distributeurs » (§ 54).

Si certains pays, tels que l’Allemagne, s’étaient déjà prononcés, sur cette base, en faveur de la revente sur les places de marché en ligne, la France n’avait pas encore pris de position claire sur ce mode de distribution.

L’Autorité de la concurrence avait seulement donné jusqu’ici quelques indices sur sa position. Si elle avait estimé en 2007, dans le cadre de l’affaire des produits dermo-cosmétiques, que « les craintes des fabricants de produits dermo-cosmétiques, suscitées par certaines pratiques illégales, peuvent légitimer l’interdiction de ce canal de vente, tant que les plates-formes n’apportent pas de garanties supplémentaires sur la qualité et l’identité des vendeurs » (décision 07-D-07 du 8 mars 2007, § 104), elle n’hésitait plus, depuis 2012, à présenter ces opérateurs comme des « acteurs capables de renforcer la concurrence » (avis n°12-A-20 du 18 septembre 2012).

L’Autorité de la concurrence a clarifié sa position en publiant sur son site Internet, le 18 novembre 2015, un communiqué indiquant que, à la suite de l’enquête ouverte à l’encontre d’Adidas, elle avait obtenu de ce fabricant qu’il supprime de ses contrats de distribution l’interdiction absolue faite à ses revendeurs agréés d’être présents sur les places de marché en ligne.

La capacité à renforcer la concurrence reconnue aux places de marché l’a donc emporté sur les arguments habituels des fournisseurs relatifs à la protection du réseau et de l’image de leur marque.

Dans le droit fil des lignes directrices de la Commission, précitées, l’Autorité précise néanmoins que cette autorisation est soumise au respect, par les places de marché, de certains critères qualitatifs nécessaires à leur agrément par le fournisseur.

Il est à noter que, dans le cadre de son enquête sur les pratiques d’Adidas, l’Autorité de la concurrence a officiellement collaboré avec l’Autorité de concurrence allemande (Bundeskartellamt), qui avait déjà obtenu du fabricant, en juillet 2014, qu’il autorise ses revendeurs agréés à revendre ses produits sur les places de marché en ligne.

Les conséquences de cette nouvelle position de l’Autorité de la concurrence sont très claires pour les fournisseurs : il leur est fortement recommandé, dans le cadre d’un contrat de distribution, de ne pas interdire par principe la vente des produits contractuels sur des places de marché tierces.

C’est notamment à la lumière de ce communiqué de l’Autorité de la concurrence et de la position prise par le Bundeskartellamt, que la cour d’appel de Paris vient d’infirmer l’ordonnance de référé qui avait fait injonction à la société SAS eNOVA, à la tête du site internet 1001pharmacies, de cesser la commercialisation des produits Caudalie sur ce site. En effet, elle a estimé que ces prises de position contribuaient à créer un faisceau d’indices sérieux et concordants tendant à établir que l’interdiction de principe, faite à ses distributeurs, de recourir à une plateforme en ligne est susceptible de constituer une restriction de concurrence caractérisée à défaut de justification objective. Cela a permis à la Cour d’appel de conclure que le trouble allégué par Caudalie pour obtenir l’ordonnance de référé n’avait pas un caractère manifestement illicite (CA Paris, 2 février 2016, n°15/01542).

 

Auteurs

Virginie Coursière-Pluntz, avocat en droit de la concurrence et en droit européen tant en conseil qu’en contentieux.

Marine Bonnier, avocat en droit de la concurrence et droit de la distribution.