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Dommages et intérêts pour pratiques anticoncurrentielles : la directive est publiée !

Dommages et intérêts pour pratiques anticoncurrentielles : la directive est publiée !

Abondamment auscultée au stade des travaux préparatoires, la directive 2014/104 du 26 novembre 2014 relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts pour les infractions au droit de la concurrence a donc été publiée le 5 décembre 2014.

Avec elle, le droit de la réparation pour infractions au droit de la concurrence devrait entrer dans une nouvelle ère, le législateur européen ayant entendu harmoniser, faciliter et doper la sphère privée du droit à réparation comme moyen complémentaire de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles.

Le calendrier de la directive prévoit son entrée en vigueur dans les 20 jours de la publication tout en laissant aux Etats membres un délai allant jusqu’au 27 décembre 2016 pour mettre leur droit national en conformité.

La directive reconnaît un droit à réparation intégrale, c’est-à-dire du dommage réel, du manque à gagner et du paiement d’intérêts résultant d’une infraction aux articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ou aux dispositions du droit national ayant le même objectif et appliquées parallèlement dans la même affaire. Ce droit est ouvert aux consommateurs, aux entreprises ou aux autorités publiques, mais la directive n’impose pas l’instauration de recours collectifs1 du type de l’action de groupe créée en France par la loi Hamon du 17 mars 2014 qui, pour sa part, est à ce stade, réservée aux seuls consommateurs.

La directive instaure une présomption irréfragable de l’infraction constatée par une décision définitive d’une autorité de concurrence devant les juridictions nationales de l’Etat membre de cette constatation. Si cette dernière intervient dans un autre Etat membre, elle sera considérée comme une preuve « prima facie« .

La directive fixe un délai de prescription minimale pour agir de cinq ans à compter de la cessation de l’infraction et de sa connaissance par le demandeur à l’action en réparation, ce délai pouvant être suspendu ou interrompu dans certaines conditions.

Sont organisées les modalités possibles de production de documents devant les juridictions nationales, en leur permettant de pouvoir enjoindre la communication de pièces en veillant à ce que cette production soit proportionnée. Des règles spécifiques sont prévues pour la production de pièces du dossier d’une autorité de concurrence. Privilégiées, les déclarations de clémence et les propositions de transaction2 échappent aux pièces dont la communication peut être enjointe par les juridictions nationales. Le principe de sanctions nationales pour non-respect des règles de communication de preuves ou de la confidentialité qui leur est attachée est aussi acté.

Avec le même souci de protection de l’efficacité de la procédure de clémence, la directive prévoit que la responsabilité solidaire de bénéficiaires de clémence profite d’un régime spécifique favorable. Dans des conditions particulières, un régime spécifique de responsabilité solidaire est aussi envisagé pour les PME.

La charge de la preuve de la répercussion d’un surprix lié à l’infraction pèse sur le défendeur à l’action en réparation et non sur l’acheteur direct. Elle est inversée pour un acheteur indirect (celui qui a acheté des produits ou services ou même leurs dérivés auprès d’une personne les ayant directement acquis auprès de l’auteur de l’infraction), mais ce dernier bénéficie à cet égard d’une présomption de répercussion du surcoût.

La directive encourage les procédures de règlement consensuel des litiges en prévoyant, par exemple, qu’un accord amiable puisse être une circonstance atténuante de la sanction prononcée par une autorité de la concurrence.

Enfin, en matière de quantification du préjudice , une présomption réfragable de préjudice est prévue en matière d’ententes.

En France, même si la jurisprudence fait évoluer le droit national de la réparation, une adaptation des textes français sera inévitable. Quoi qu’il en soit, les opérateurs concernés seront bien avisés de prendre en considération ce nouveau mouvement du droit de la concurrence.

 

 

Notes

On notera la recommandation de la Commission du 11 juin 2013 relative à ces mécanismes, en ligne sur son site
2 A ce propos, on notera le projet de loi dit Macron pour la croissance et l’activité visant à modifier la procédure française de non contestation des griefs pour la rapprocher de la procédure de transaction européenne; il ne comporte pas à ce stade, de mesures qui lui soient spécifiques pour la production de pièces.

 

Auteur

Denis Redon, avocat associé en droit de la concurrence.

 

Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 15 décembre 2014