Droit d’auteur en Europe: où en est la réforme en 2017 ?
Nous évoquions en mai 2015 (voir notre article sur LEXplicite) les divers rapports publiés évoquant les possibilités d’évolution du droit d’auteur dans les années à venir. Cette évolution est désormais lancée par plusieurs propositions de la Commission publiées le 14 septembre 2016.
On notera en particulier la proposition 2016/0284 (COD) de règlement « établissant des règles sur l’exercice du droit d’auteur et des droits voisins applicables à certaines diffusions en ligne d’organismes de radiodiffusion et retransmissions d’émissions de télévision et de radio ». Son objectif est de permettre la distribution transfrontière dans l’Union européenne d’émissions de radio et de télévision par le biais de services numériques en ligne (diffusion simultanée multi-support, podcasts, télévision de rattrapage, etc.). Pour ce faire, deux axes principaux sont envisagés :
- le principe du pays d’origine posé par la directive 93/83 du 27 septembre 1993 « satellite et câble » serait étendu aux services en ligne accessoires ; et
- l’acquisition de droits serait facilitée en imposant aux titulaires de droits d’auteur et de droits voisins l’intermédiation d’une société de gestion collective, s’inscrivant ainsi dans la logique posée par la directive 2014/26 du 26 février 2014, récemment transposée en France par l’ordonnance n° 2016-1823 du 22 décembre 2016.
Mais l’essentiel de la réforme est selon nous contenu dans la proposition 2016/0280 (COD) de directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique.
Ses objectifs sont multiples : moderniser le cadre des exceptions aux droits d’auteur afin de servir des objectifs d’intérêt public, faciliter l’accès transfrontière aux Å“uvres pour lesquelles l’obtention de droits est complexe, garantir une rémunération équitable pour les auteurs et titulaires de droit, etc. On remarquera que si ces objectifs répondent à certains points évoqués par le rapport de la Commission à la suite de la consultation publique ou par le rapport de l’eurodéputée Julia Reda, d’autres suggestions y figurant n’ont pas été reprises, telles celles relatives à un titre unique ou à la durée des droits, trop controversées.
Parmi les mesures phares de cette proposition de directive, signalons en particulier :
- la création d’une obligation imposée aux prestataires de services de la société de l’information de prendre des mesures destinées à empêcher la mise à disposition d’Å“uvres protégées identifiées par les titulaires de droits (article 13), fortement critiquée par certains médias comme imposant une obligation de filtrage très (trop) lourde à la charge des hébergeurs ;
- la création d’un droit accordé aux éditeurs de presse pour l’utilisation numérique de leurs publications de presse pour une durée de 20 ans à compter de ladite publication (article 11), faisant notamment écho aux plaintes relatives à l’affichage d’extraits par les moteurs de recherches en sus du lien hypertexte vers la publication ;
- l’affirmation claire de la possibilité pour ces mêmes éditeurs de presse cessionnaires ou concessionnaires des droits d’un auteur de revendiquer une part de la compensation versée au titre d’une exception (article 12). Une telle mesure vise notamment la compensation pour copie privée de l’article 5-2 b) de la directive 2001/29 du 22 mai 2001, sur laquelle la Cour de justice de l’Union européenne s’était prononcée dans l’arrêt C-572/13 du 12 novembre 2015 (elle précisait que la législation belge ne pouvait attribuer une partie de la compensation équitable aux éditeurs des Å“uvres créées par les auteurs, sans obligation pour ces éditeurs de faire bénéficier, même indirectement, les auteurs de la partie de la compensation dont ils se trouvaient privés) ;
- la possibilité d’étendre les licences données par les organismes de gestion collective aux bibliothèques, musées et archives aux Å“uvres indisponibles dans le commerce et présentes dans la collection de l’institution aux fins d’une utilisation transfrontière (articles 7 et 8) ;
- enfin, la création de trois nouvelles exceptions : la première à des fins de fouille de textes et de données en vue de recherche scientifique, non lucrative ou dans le cadre d’une mission d’intérêt public (article 3) ; la deuxième dans le cadre d’activités d’enseignement numériques et transfrontières (article 4) ; la troisième aux fins de préservation du patrimoine culturel (article 5).
De beaux débats parlementaires en perspective en 2017…
Auteurs
Anne-Laure Villedieu, avocat associée en droit de la propriété industrielle, droit de l’informatique, des communications électroniques et protection des données personnelles.
Julie Tamba, avocat en droit de la propriété intellectuelle et droit commercial