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Droit de préemption urbain : contraintes juridiques et opportunités fiscales

Droit de préemption urbain : contraintes juridiques et opportunités fiscales

La déclaration d’intention d’aliéner (DIA) est la possibilité pour une collectivité publique ou un organisme délégataire d’acquérir en priorité, dans certaines zones définies, un bien dont la mutation est projetée et ce, en vue de réaliser des opérations d’intérêt général. Régulièrement mise en oeuvre par les communes, cette procédure reste strictement encadrée par la loi et n’est pas toujours sans conséquences fiscales.

Les conditions de préemption d’un bien immobilier

Le droit de préemption urbain peut être mis en oeuvre par une commune si certaines conditions sont simultanément remplies :

  • le territoire : le bien cédé (ou celui détenu par la société immobilière dont les parts sociales sont cédées) doit se situer dans le périmètre au sein duquel la commune a institué le droit de préemption urbain ;
  • le type de mutation : les cas sont limitativement visés par les articles L. 213-1 à L. 213-1-2 du Code de l’urbanisme : aliénations ou cessions à titre onéreux, donations entre vifs sauf exceptions1, apports en nature au sein d’une société civile immobilière (SCI)2 ;
  • la finalité du droit de préemption : il ne peut être exercé qu’en vue de la réalisation, dans l’intérêt général, d’actions ou d’opérations d’aménagement ou en vue de la constitution de réserves foncières dans l’attente de l’utilisation à terme du bien préempté pour la réalisation d’une opération d’aménagement. Si l’ensemble de ces conditions sont remplies, le propriétaire du bien immobilier, ou son mandataire, doit adresser à la commune une déclaration d’intention d’aliéner (DIA)3 qui comporte un certain nombre d’indications obligatoires :
  • le prix et les conditions de l’aliénation projetée ;
  • les informations dues au titre de l’article L. 514-20 du Code de l’environnement4. Le titulaire du droit de préemption dispose alors d’un délai de deux mois pour notifier sa décision. Ce délai peut être suspendu si le titulaire du droit de préemption demande au propriétaire de lui communiquer des documents, notamment ceux permettant d’apprécier la consistance et l’état de l’immeuble5, ou si le titulaire du droit de préemption demande à visiter le bien. Le délai de réponse du titulaire du droit de préemption reprend à compter de la réception des documents, du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien.

Trois hypothèses sont à distinguer à l’issue de ces délais selon la décision du titulaire du droit de préemption :

  • s’il décide, expressément ou tacitement, de ne pas préempter le bien immobilier, le propriétaire peut alors procéder à la mutation du bien dans les conditions précisées dans la DIA ;
  • s’il décide d’acquérir aux prix et conditions précisées par le propriétaire dans la DIA, la vente est parfaite et toute renonciation du vendeur ou rétractation de la collectivité est impossible. Un acte authentique doit alors être dressé dans un délai de trois mois à compter de cet accord ;
  • s’il décide de préempter, mais à un prix différent de celui mentionné dans la DIA, plusieurs cas sont envisageables : le propriétaire peut refuser le prix proposé et renoncer à la mutation ; le titulaire du droit de préemption peut finalement renoncer à exercer son droit de préemption ; le titulaire du droit de préemption peut saisir le juge de l’expropriation afin de fixer le prix. La saisine du juge n’interdit pas au titulaire du droit de préemption (et au propriétaire) de renoncer par la suite à exercer son droit.

Les enjeux fiscaux à prendre en considération par le vendeur avant toute prise de décision

Quand la vente est sujette à la préemption, il faut s’interroger sur le maintien ou non de l’intention d’aliéner suivant, notamment, le prix proposé par la commune ou l’organisme délégataire.

Si celui-ci est conforme à ce qui figurait initialement dans la promesse de vente aucun choix particulier n’est donc offert et cet événement joue alors le rôle d’accélérateur, rendant parfaite la vente à une date qui n’est pas nécessairement celle initialement prévue. Ce point peut avoir son importance quand on sait que nos règles d’imposition sont susceptibles de modification d’une année sur l’autre au gré des lois de finances.

De même, certains régimes favorables en matière d’impôt sur les plus-values immobilières sont d’application provisoire et la préemption au prix, avant l’échéance d’un de ces dispositifs, pourra présenter, le cas échéant, un avantage pour le cédant si cela lui offre la possibilité de réaliser l’opération avant le terme légal dudit régime. Rappelons, par exemple, que les plus-values réalisées lors de la cession de terrains à bâtir sont réduites d’un abattement exceptionnel de 30% en matière d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, mais à la double condition que la cession soit précédée d’une promesse ayant acquis date certaine entre le 01/09/2014 et le 31/12/2015 et qu’elle soit réalisée au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la promesse (soit au plus tard le 31/12/2017).

Quand la DIA n’est pas conforme au prix et pour arbitrer selon son estimation du bien, le contribuable doit s’intéresser aux raisons motivant la préemption.

S’il s’agit de disposer de foncier à destination du logement social, le vendeur particulier peut, dans certaines conditions, se trouver dans un cas d’exonération totale de sa plus-value. L’idée est alors de savoir si la décote de prix proposée pourrait être en tout ou partie compensée par l’avantage fiscal. Deux dispositifs sont ici concernés.

Cas de la cession directe aux bailleurs sociaux (Code général des impôts, art. 150 U II 7°)

Il faut que la cession soit réalisée au profit d’un organisme de logement social ou assimilé s’engageant à construire des logements sociaux : organismes HLM ; sociétés d’économie mixte gérant des logements sociaux ; l’association Foncière Logement ; organismes concourant aux objectifs de la politique d’aide au logement ou bénéficiant de l’agrément relatif à la maîtrise d’ouvrage. Précisons que certains opérateurs concernés peuvent parfois se trouver eux-mêmes délégataires du droit de préemption urbain.

Les bénéficiaires de cette exonération sont les personnes physiques et les sociétés non soumises à l’impôt sur les sociétés (IS), elles-mêmes directement ou indirectement détenues par des personnes physiques dans un cadre patrimonial.

Cas de la cession aux collectivités territoriales en vue d’une rétrocession aux bailleurs sociaux (Code général des impôts, art. 150 U II 8°)

L’exonération bénéficie au même type de contribuable et la cession doit être réalisée au profit d’une commune ou d’un organisme en charge du logement social tel que visé ci-avant. Si l’acquéreur intermédiaire est une collectivité territoriale ou un établissement public de coopération intercommunale, la revente doit intervenir dans un délai d’un an. Si l’acquéreur intermédiaire est un établissement public foncier, ce délai est porté à trois ans.

Ce délai s’apprécie de date à date, soit depuis la date d’acquisition du bien par l’acquéreur intermédiaire jusqu’à la date de revente. Le non-respect de cet engagement entraîne l’obligation pour l’acquéreur (et non pas le vendeur) de reverser l’impôt dû au titre de la plus-value immobilière initialement exonérée.

Pour l’un comme l’autre de ces dispositifs, la cession doit en principe intervenir avant le 31 décembre 2016. Relevons toutefois que si la promesse de vente a acquis date certaine au plus tard le 31 décembre 2016, la vente correspondante pourra bénéficier de l’exonération si la vente est réalisée au plus tard le 31 décembre 2018.

Notes

1 Article L. 213-1-1 du Code de l’urbanisme.

2 Article L. 213-1-2 du Code de l’urbanisme.

3 Le modèle de DIA est annexé à l’article A 213-1 du Code de l’urbanisme. Il est disponible dans les mairies, les directions départementales des territoires ou directions départementales des territoires et de la mer (DDT ou DDTM) et sur Internet. L’utilisation du formulaire Cerfa n°10072 n’est ainsi pas obligatoire.

4 Informations relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

5 Article R. 213-7 du Code de l’urbanisme.

 

Auteurs

Christophe Frionnet, avocat associé, spécialisé en fiscalité directe.

Céline Cloché-Dubois, avocat Counsel en droit de l’énergie, environnement, droit public, droit immobilier & construction.