Du nouveau pour les délais de paiement
Secteurs dérogatoires (décret n°2015-1484 du 16 novembre 2015)
Depuis la loi « Macron » du 6 août 2015 (voir notre Flash info Concurrence), l’article L.441-6, I du Code de commerce pose pour principe que le délai de paiement convenu entre les parties ne peut pas dépasser 60 jours à compter de la date d’émission de la facture. Par dérogation, il est toutefois prévu :
- d’une part, la possibilité de convenir d’un délai maximal de « 45 jours fin de mois à compter de la date d’émission de la facture, à la condition que ce délai soit expressément stipulé par contrat et qu’il ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier » ;
- d’autre part, la possibilité dans les secteurs d’activité présentant un caractère saisonnier marqué qui bénéficiaient d’accords dérogatoires interprofessionnels jusqu’en 2015, de convenir d’un délai de paiement ne dépassant pas le délai maximal applicable en 2013 en vertu de ces accords, sous réserve toutefois que ce délai soit expressément stipulé par contrat et ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier.
Le décret n°2015-1484 du 16 novembre 2015 fixe la liste des cinq secteurs concernés par cette dérogation et pour chacun d’entre eux les délais plafonds susceptibles d’y être appliqués (article D.441-5-1 nouveau C. com.) :
Secteur | Champ d'application | Délai applicable |
---|---|---|
Agroéquipement | Relations entre, d'une part, les industriels de l'agroéquipement, constructeurs et importateurs et, d'autre part, les entreprises de distribution spécialisées et de réparation | Délai maximal de 55 jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture pour les ventes de matériels d'entretien d'espaces verts et de 110 jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture pour les ventes de matériels agricoles (autres que tracteurs et matériels de transport et d’élevage) |
Articles de sport | Ventes d’articles de glisse exclusivement, pour les ventes entre fournisseurs et entreprises dont l'activité est exclusivement ou quasi exclusivement saisonnière | Délai supplémentaire de 30 jours pour le règlement du solde des factures relatives à des livraisons effectuées avant l'ouverture de la saison d'activité |
Filière du cuir | Ventes entre fournisseurs et distributeurs spécialisés | Délai de paiement maximal de 54 jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture |
Horlogerie, bijouterie, joaillerie et orfèvrerie | Ventes entre, d’une part, les fournisseurs, fabricants, importateurs ou grossistes et d'autre part les distributeurs spécialisés, y compris dans le cadre d’activités de vente à distance, ou les centrales d'achat dont l'activité principale est de revendre les produits concernés à des distributeurs spécialisés | Délai de paiement maximal de 59 jours fin de mois ou de 74 jours nets date de facture |
Commerce du jouet | Ventes entre fabricants et distributeurs spécialisés | Délai de paiement maximal de 95 jours nets date de facture, pour la période "du permanent" (de janvier à septembre inclus) et de 75 jours nets date de facture, pour la période de fin d'année (d'octobre à décembre inclus) |
Ce régime dérogatoire est désormais pérennisé sans limitation de durée contrairement aux dispositifs antérieurs.
Comptes certifiés (décret n°2015-1553 du 27 novembre 2015)
Pour mémoire, les sociétés dont les comptes annuels sont certifiés par un commissaire aux comptes doivent communiquer des informations sur les délais de paiement de leurs fournisseurs et de leurs clients et ces informations font l’objet d’une attestation du commissaire aux comptes (article L.441-6-1 du Code de commerce).
Aujourd’hui l’article D.441-4 du Code de commerce impose uniquement aux entreprises d’indiquer dans le rapport de gestion la décomposition à la clôture des deux derniers exercices du solde des dettes à l’égard des fournisseurs par date d’échéance.
Le décret n°2015-1553 du 27 novembre 2015 modifie la teneur des informations qui devront impérativement figurer dans les rapports de gestion relatifs aux exercices sociaux ouverts à compter du 1er juillet 2016.
Ainsi, à compter du second semestre 2017, les rapports de gestion devront présenter, sous la forme de tableaux établis selon un modèle fixé par un prochain arrêté ministériel, l’ensemble des retards de paiement à la clôture des comptes, tant du côté des fournisseurs que des clients, à savoir :
- pour les fournisseurs, le nombre et le montant total hors taxes des factures reçues non réglées à la date de clôture de l’exercice dont le terme est échu
- pour les clients, le nombre et le montant total hors taxes des factures émises non réglées à la date de clôture de l’exercice dont le terme est échu.
Ces montants devront être ventilés par tranches de retard et rapportés en pourcentage au chiffre d’affaires hors taxes de l’exercice.
Par dérogation, la société pourra choisir de présenter le nombre et le montant hors taxes cumulés des factures reçues et émises ayant connu un retard de paiement au cours de l’exercice et la ventilation de ce montant par tranche de retard. Elle les rapportera ensuite aux nombre et montant total hors taxes des factures, respectivement reçues et émises dans l’année.
Les retards seront déterminés à partir des délais de paiement contractuels, ou en l’absence de délais contractuels spécifiques, des délais légaux applicables.
Les entreprises pourront exclure les factures relatives à des dettes et créances litigieuses ou non comptabilisées, mais elles devront alors l’indiquer en commentaire en mentionnant le nombre et le montant total des factures concernées.
De leur côté, les commissaires aux comptes devront attester, dans le rapport annuel, de la sincérité des informations relatives aux délais de paiement et de leur concordance avec les comptes annuels ; ils présenteront leurs observations, le cas échéant.
Rappelons que lorsque la société concernée est une grande entreprise ou une entreprise de taille intermédiaire, le commissaire aux comptes est tenu d’adresser son attestation au ministre chargé de l’Economie si celle-ci démontre, de façon répétée, des manquements significatifs de la société en matière de respect des délais de paiement.
Auteurs
Nathalie Pétrignet, avocat associée en droit douanier, droit de la concurrence, droit européen, droit de la consommation et de la distribution
Elisabeth Flaicher-Maneval, avocat Counsel au sein du département de doctrine juridique