Durée de la période d’essai, entre dispositions légales et normes conventionnelles : la boucle est bouclée
7 mars 2017
Depuis la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail, la détermination de la durée de la période d’essai est devenue une source de difficultés pour beaucoup d’employeurs.
La chambre sociale de la Cour de cassation a apporté, dans un arrêt du 31 mars 2016, un éclairage bienvenu en la matière.
Durée de la période d’essai et articulation des sources
La loi du 25 juin 2008 a encadré les durées maximales de la période d’essai en fonction de la catégorie professionnelle des salariés.
Les articles L.1221-19 et L.1221-21 du Code du travail prévoient aujourd’hui les durées maximales suivantes :
- ouvriers et employés : 2 mois pouvant être portés à 4 mois après renouvellement
- techniciens et agents de maîtrise : 3 mois pouvant être portés à 6 mois après renouvellement
- ingénieurs et cadres : 4 mois pouvant être portés à 8 mois après renouvellement.
Si ces durées maximales fixées par la loi se sont vues conférer un caractère impératif, des exceptions ont toutefois été instituées par le législateur dans les cas suivants :
- durées plus longues fixées par les accords de branche conclus avant la date de publication de la loi du 25 juin 2008
- durées plus courtes fixées par des accords collectifs conclus après la date de publication de la loi du 25 juin 2008
- durées plus courtes fixées dans la lettre d’engagement ou le contrat de travail.
En application de ces règles, les durées fixées par le Code du travail ont donc vocation à se substituer aux durées plus courtes prévues par les conventions et accords collectifs conclus avant 2008.
Ambiguïté autour de la durée du renouvellement
Les dispositions transitoires de la loi du 25 juin 2008 ont fait naître une ambiguïté autour de la durée applicable en cas de renouvellement lorsqu’une convention collective, antérieure à 2008, prévoit une durée plus courte que la durée légale.
L’article 2 de la loi du 25 juin 2008 indique en effet que les dispositions des accords de branche conclus avant la date de publication de la loi et fixant des durées d’essai plus courtes que celles fixées par l’article L. 1221-19 (durées initiales de la période d’essai) restent en vigueur jusqu’au 30 juin 2009.
Pour certains auteurs, l’absence de référence aux durées maximales renouvellement compris signifiait que les dispositions des conventions collectives conclues avant 2008 prévoyant la durée du renouvellement de la période d’essai restaient applicables, peu importe leur durée.
C’est la position qui a été retenue par l’Administration dans une circulaire DGT n°2009-5 du 17 mars 2009 qui précise que la disposition transitoire prévue à l’article 2 de la loi du 25 juin 2008 ne concerne que les durées initiales de la période d’essai et que les dispositions d’accords de branche étendus conclus avant 2008 prévoyant la possibilité de renouvellement de la période d’essai, tout en fixant les conditions et la durée, restent applicables.
La Cour de cassation, qui n’avait jamais encore eu l’occasion de se prononcer sur le sujet, a remis en cause la position de l’administration dans un arrêt du 31 mars 2016 (n°14-29.184).
Pour la Cour de cassation, les dispositions légales s’appliquent à la durée initiale et au renouvellement
Les faits ayant donné lieu à l’arrêt du 31 mars 2016 étaient les suivants : un directeur commercial avait été engagé sous contrat à durée indéterminée par une entreprise relevant de la convention collective des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 (dite « Syntec »).
Son contrat de travail prévoyait une période d’essai de 4 mois avec une possibilité de renouvellement. L’employeur avait informé le salarié de sa décision de renouveler la période d’essai pour une durée équivalente puis mis fin à la période d’essai renouvelée 3 jours avant son terme.
Le salarié conteste devant le Conseil de prud’hommes la rupture de sa période d’essai. Celui-ci soutient que la convention de branche Syntec, conclue avant 2008, prévoit pour les ingénieurs et les cadres une période d’essai de 3 mois, renouvelable une fois pour une même durée. Ainsi selon lui, en présence d’une convention collective antérieure à 2008 prévoyant une durée plus courte que la durée légale, la durée de renouvellement ne pouvait être que de 3 mois conformément à la position prise par l’administration. Ainsi, pour le salarié, la période d’essai avait été rompue de manière abusive car postérieurement à l’échéance du renouvellement.
La Cour de cassation n’est pas de cet avis. Elle précise, dans un attendu de principe, que depuis le 1er juillet 2009, les durées maximales des périodes d’essai prévues par le Code du travail se sont substituées aux durées plus courtes, renouvellement compris, résultant des conventions collectives de branches conclues antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 25 juin 2008.
Ainsi, la durée maximale de la période d’essai, renouvellement compris, applicable à un cadre relevant de la convention Syntec n’est pas de 6 mois comme le prévoit la convention collective, ni de 7 mois comme le préconisait l’Administration mais bien de 8 mois comme indiqué par le Code du travail.
Application pratique
En présence d’une convention collective de branche fixant une durée maximale d’essai plus courte que la durée légale (renouvellement inclus), il convient de vérifier la date de conclusion des dispositions conventionnelles et d’opérer la distinction suivante :
- si les dispositions conventionnelles sont antérieures au 26 juin 2008, elles doivent être écartées au profit des durées légales supérieures, pour la durée initiale comme pour la durée du renouvellement
- si les dispositions conventionnelles ont été conclues ou révisées après le 26 juin 2008, les durées conventionnelles s’appliquent.
Auteurs
Caroline Froger-Michon, avocat associée, droit social, CMS Bureau Francis Lefebvre
Aurélie Parchet, avocat en matière de droit social
Durée de la période d’essai, entre dispositions légales et normes conventionnelles : la boucle est bouclée – Article paru dans Les Echos Business le 6 mars 2017
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