Elargissement de la possibilité de régularisation par permis de construire modificatif
A la suite du rejet d’un recours gracieux initié en 2015 contre un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale, un recours contentieux avait été formé. Le requérant invoquait notamment la méconnaissance des dispositions du plan local d’urbanisme qui imposaient une servitude d’emplacement réservé pour la réalisation d’un parc de stationnement poids lourds sur le terrain d’assiette du projet.
Cet emplacement réservé ayant été supprimé dans le cadre d’une modification du plan local d’urbanisme postérieure à la délivrance du permis de construire, le pétitionnaire avait alors sollicité et obtenu, le 30 mars 2016, la délivrance d’un permis de construire modificatif. Ce permis de construire modificatif faisait également l’objet d’un recours contentieux.
Après le rejet en appel de la demande d’annulation du permis de construire modificatif, l’affaire avait été portée devant le Conseil d’Etat.
S’il casse la décision d’appel, le Conseil d’Etat vient surtout élargir le périmètre de la régularisation par permis de construire modificatif mais aussi susciter une interrogation quant à la possibilité d’agir à l’encontre d’un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale qui ne serait pas conforme à cette autorisation.
En premier lieu, le Conseil d’Etat, après avoir rappelé la possibilité de régularisation par permis de construire modificatif posée par l’arrêt du 2 février 2004 (CE, n°238315) décide que le permis de construire peut « être régularisé par un permis modificatif si la règle relative à l’utilisation du sol qui était méconnue par le permis initial a été entre-temps modifiée ».
En présence d’une modification favorable du document d’urbanisme (et sous réserve que cette modification ne résulte pas d’un détournement de pouvoir), la délivrance d’un permis de construire modificatif actant de cette évolution – sans forcément modifier le projet par ailleurs – permet ainsi de purger le vice du permis de construire initial.
Soulignons également, qu’en l’espèce, le permis de construire modificatif avait fait l’objet d’une demande à l’initiative du pétitionnaire, et ce, avant tout jugement quant à la validité ou non du permis de construire initial.
En second lieu, retient nécessairement l’attention le moyen avancé par le requérant portant sur la nécessité de former un nouvelle demande de permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale devant la Commission Départementale d’Aménagement Commercial, en raison de modifications substantielles qui auraient été, selon lui, apportées au projet.
Le Conseil d’Etat y répond défavorablement en considérant que :
Les dispositions du code de commerce et du code de l’urbanisme constituent des législations indépendantes, répondant à des finalités distinctes ; que, par suite, des moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du code de commerce ne peuvent être utilement invoquées à l’appui d’une requête dirigée contre un permis relevant de l’article L.425-4 du code de l’urbanisme en tant qu’il vaut autorisation de construire ; que la requérante ne peut, par suite, utilement soutenir que les modifications apportées au projet litigieux nécessitaient qu’une nouvelle demande soit formée par la SNC Lidl devant la commission départementale d’aménagement commercial afin que cette dernière procède à une nouvelle instruction du projet.
Le Conseil d’Etat vient donc rappeler le principe d’indépendance des législations, tel qu’il ressort de l’article L.600-1-4 du Code de l’urbanisme, en visant notamment expressément le deuxième alinéa de cet article, à savoir : « Lorsqu’il est saisi par une personne mentionnée à l’article L. 600-1-2 d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l’article L. 425-4, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l’annulation de ce permis qu’en tant qu’il vaut autorisation de construire. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu’il tient lieu d’autorisation d’exploitation commerciale sont irrecevables à l’appui de telles conclusions ».
Toutefois, cette décision soulève une interrogation. En effet, doit-on désormais considérer que le requérant agissant à l’encontre d’un permis de construire n’aura plus aucune possibilité d’invoquer la non-conformité du permis de construire à l’autorisation d’exploitation commerciale obtenue ou pourrait-on privilégier une lecture plus souple aux termes de laquelle le Conseil d’Etat aurait, en l’espèce, rejeté l’argument uniquement parce que celui-ci se fondait sur une méconnaissance des dispositions du Code de commerce et n’était pas abordé sous l’angle de l’irrégularité formelle résultant d’une violation des dispositions du Code de l’urbanisme ? La question reste ouverte.
Auteurs
Florence Cherel, avocat associé, droit immobilier et droit public
Christelle Labadie, Professional support lawyer, droit de la construction et droit de l’urbanisme