L’éligibilité des obligations structurées aux contrats d’assurance-vie en unités de compte
La Cour de cassation vient de confirmer que la qualification d’obligation n’est pas subordonnée à la garantie de remboursement du nominal (C. cass. du 23 novembre 2017, n°16-22.620). Un produit structuré prenant la forme d’une obligation dont le principal n’est pas garanti peut donc constituer une unité de compte éligible aux contrats d’assurance-vie, contrairement à ce qu’avait conclu la cour d’appel de Paris dans son arrêt « Generali » (C.A. Paris du 21 juin 2016, n°2016/230).
En l’espèce, le plaignant avait subi des pertes du fait de la mauvaise performance d’un produit obligataire indexé sur un panier d’actions dans lequel un contrat d’assurance-vie en unités de compte avait été investi par son assureur. Après avoir été débouté par un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 16 décembre 2014, il avait saisi la cour d’appel de Paris en soutenant que ce support n’était pas une obligation et ne constituait donc pas une unité de compte éligible aux contrats d’assurance-vie.
Se fondant sur la documentation commerciale du support qui le définissait comme un « produit financier de droit français à capital non garanti », la Cour d’appel avait considéré que le produit litigieux ne pouvait être qualifié d’obligation au motif que le détenteur n’avait pas droit au remboursement du nominal.
Au visa des articles L.213-5 du Code monétaire et financier, L.228-38 du Code de commerce et R.131-1 et R.332-2 du Code des assurances, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel en faisant une stricte application de ces textes.
1. Un rappel bienvenu de la définition d’une obligation
Si plusieurs des caractéristiques retenues par la Cour d’appel pour définir une obligation semblaient juridiquement infondées (assimilation nécessaire à un emprunt, existence impérative d’un intérêt, etc.), la Cour de cassation ne se prononce que sur la seule question du remboursement du principal à l’échéance. En confirmant que « la qualification d’obligation n’est pas subordonnée à la garantie de remboursement du nominal du titre », elle relève justement que la Cour d’appel a ajouté à la qualification d’obligation une condition que la loi ne comporte pas.
Cette conclusion est logique, les obligations étant définies par l’article L.213-5 du Code monétaire et financier et l’article L.228-38 du Code de commerce comme « des titres négociables qui, dans une même émission, confèrent les mêmes droits de créance pour une même valeur nominale« .
Ces articles ne faisant pas référence au critère d’un remboursement intégral à l’échéance, la Cour de cassation procède ici à leur stricte application largement attendue, mais qu’il convient néanmoins de saluer. Une obligation peut être remboursée pour un montant inférieur à sa valeur nominale, notamment par le jeu d’une indexation, sans que sa qualification juridique ne soit remise en cause.
2. Une consécration de l’éligibilité des produits structurés aux contrats d’assurance-vie en unités de compte ?
Après le trouble suscité par l’arrêt de la Cour d’appel, cet arrêt de cassation va rassurer les distributeurs de produits structurés. La prudence reste toutefois de mise, notamment quant au respect des autres critères d’éligibilité. La question de l’éligibilité de supports en unités de compte nécessite en effet une appréciation des faits et des caractéristiques propres des produits concernés, appréciation qui ne relève pas de la compétence des juges de cassation. Dès lors, il incombera à la cour d’appel de Paris de se prononcer au regard des autres critères d’éligibilité édictés par le Code des assurances, à savoir la négociabilité des titres sur un marché reconnu et une protection suffisante de l’épargne investie. Si le respect du premier critère ne fait pas de doute (le titre était admis aux négociations sur le marché réglementé de la Bourse de Luxembourg), la question de la protection suffisante de l’épargne est une question de fait sur laquelle l’arrêt de cassation ne se prononce pas.
En outre, si la qualification d’obligation est validée dans la documentation juridique pour un titre dont le principal n’est pas garanti, il peut être prudent d’éviter de l’utiliser dans la documentation commerciale, une « obligation » étant souvent perçue comme un produit non risqué par de nombreux particuliers.
Une dernière conséquence de cet arrêt réside dans la responsabilité encourue par le courtier. L’arrêt d’appel avait en effet considéré que dès lors que le produit litigieux n’était pas éligible au contrat d’assurance-vie, la société n’avait pas agi dans le cadre d’une activité de courtage en assurance mais dans celui d’une activité de gestion de patrimoine. Il reviendra également à la Cour d’appel saisie sur renvoi de se prononcer sur cette question.
Auteurs
Marc-Etienne Sébire, avocat associé, responsable marchés de capitaux
Jérôme Sutour, avocat associé, responsable Services Financiers
Yaël Fitoussi, avocat, marchés de capitaux