Enfants stars des réseaux sociaux : adoption d’une loi protectrice visant à encadrer l’exploitation commerciale de leur image
22 décembre 2020
YouTube, Instagram, Tik Tok, etc., les influenceurs ont aujourd’hui une place à part sur les réseaux sociaux grâce au contenu qu’ils publient permettant de promouvoir les produits et services de diverses entreprises.YouTube, Instagram, Tik Tok, etc., les influenceurs ont aujourd’hui une place à part sur les réseaux sociaux grâce au contenu qu’ils publient permettant de promouvoir les produits et services de diverses entreprises.
Ces contenus prennent généralement la forme de vidéos dans lesquelles les influenceurs se mettent en scène et s’adressent à leurs « followers ».
Si sur le plan juridique l’utilisation de ces plateformes en ligne pose diverses problématiques en matière de droit à l’image, les risques et déviances liées à la publication de contenus sont tout aussi importants, en particulier pour les jeunes utilisateurs.
En effet, les nouveaux influenceurs sont parfois très jeunes et leurs contenus génèrent des milliers de vues, voire un chiffre d’affaires élevé.
Conscient du vide juridique existant en droit du travail pour protéger ces jeunes influenceurs, le législateur a donc adopté la loi n°2020-1266 du 19 octobre 2020 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne.
S’inspirant largement du régime existant pour les enfants du spectacle, de la publicité et de la mode, ce texte semble mettre en avant deux objectifs principaux : protéger les jeunes influenceurs et sensibiliser à l’utilisation des réseaux sociaux.
Protéger les jeunes influenceurs
Obligations administratives
La loi du 19 octobre 2020 met en place des obligations administratives particulières dont la teneur dépend de l’existence d’une relation de travail préétablie ou non avec le jeune influenceur :
dans le cadre d’une relation de travail, c’est-à-dire lorsque les critères du contrat de travail sont réunis (prestation de travail, rémunération et lien de subordination) : une autorisation individuelle préalable délivrée par l’administration est nécessaire pour tout mineur de moins de seize ans étant le sujet principal d’un enregistrement audiovisuel réalisé en vue d’une diffusion à titre lucratif sur un service de plateforme de partage de vidéos (article L.7124-1 du Code du travail).
Par exception, cette autorisation n’est pas requise lorsque la plateforme dispose déjà d’un agrément préfectoral spécifique lui permettant d’engager des enfants de moins de seize ans (article L.7124-1-1 du Code du travail).
Une fois l’autorisation accordée, l’enfant bénéficie des règles protectrices applicables aux conditions de travail des enfants du spectacle, en particulier en matière de durée du travail (articles L.7124-6 et suivants du Code du travail) ;
En l’absence de contrat de travail , la diffusion de l’image d’un enfant de moins de seize ans sur un service de plateforme de partage de vidéos est soumise à une déclaration préalable de ses représentants légaux auprès de l’administration dans deux cas de figures (article 3 de la loi) :
-
- lorsque la durée cumulée ou le nombre de contenus excèdent un seuil fixé par décret en Conseil d’Etat sur une période de temps donnée ;
-
- lorsque la diffusion de ces contenus occasionne, au profit de la personne responsable de la réalisation, de la production ou de la diffusion de ceux-ci, des revenus directs ou indirects supérieurs à un seuil fixé par décret en Conseil d’Etat.
Lesdits décrets n’ont, à ce jour, pas encore été adoptés.
Protection des revenus
Comme pour les enfants du spectacle, les revenus perçus par les jeunes influenceurs dans le cadre d’une relation de travail établie ou non doivent être versés sur un compte spécifique à la Caisse des dépôts et consignations, et bloqués jusqu’à leur majorité ou émancipation (articles 3 de la loi et L.7124-9 du Code du travail).
Toutefois, une part des revenus, dont le montant est fixé par l’administration, est laissée à la disposition des représentants légaux. De même, des prélèvements peuvent être autorisés en cas d’urgence et à titre exceptionnel.
Nouvelles infractions
Afin de garantir le respect de ces obligations administratives, la loi du 19 octobre 2020 crée deux nouvelles infractions :
-
- le fait pour l’employeur de l’enfant, dont l’image a vocation à être diffusée sur une plateforme de partage de vidéos, de ne pas verser la part de rémunération qui lui revient sur son compte auprès de la Caisse des dépôts et consignations est puni de 3 750 euros d’amende, voire quatre mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende en cas de récidive (article L.7124-25 du Code du travail) ;
-
- de même, tout annonceur qui effectue un placement de produit avec un mineur non-salarié est tenu de vérifier si ce dernier est soumis ou non à l’obligation de déclaration préalable et, le cas échéant, de verser ses revenus auprès de la Caisse des dépôts et consignations. Autrement, l’annonceur encourt une amende de 3750 euros (article 3 de la loi).
Par ailleurs, la loi ouvre la possibilité à l’Administration de saisir le juge des référés pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite lorsqu’elle constate qu’un contenu audiovisuel est mis à la disposition du public sur une plateforme en méconnaissance des obligations d’autorisation ou de déclaration préalables (article 2 de la loi).
Droit à l’effacement des données
La loi renforce également le droit à l’effacement des données prévu par le règlement général de protection des données (RGPD). L’enfant mineur a le droit à l’effacement de ses données à caractère personnel présentes sur les plateformes de partage et ce sans que le consentement des titulaires de l’autorité parentale ne soit requis.
Sensibiliser à l’utilisation des réseaux sociaux
Information des parents
En cas d’autorisation ou de déclaration de l’activité du mineur, l’Administration est tenue d’informer les représentants légaux des règles en vigueur.
En présence d’une relation de travail établie, l’autorisation individuelle préalable est délivrée avec une information relative à la protection des droits de l’enfant et aux obligations financières incombant aux représentants légaux (article L.7124-1 du Code du travail).
En dehors de toute relation de travail, les représentants légaux de l’enfant reçoivent, au moment de la déclaration préalable, des recommandations relatives (article 3 de la loi) :
-
- aux horaires, à la durée, à l’hygiène et à la sécurité des conditions de réalisation des vidéos ;
- aux risques, notamment psychologiques, associés à la diffusion de celles-ci ;
- aux dispositions visant à permettre une fréquentation scolaire normale ;
- aux obligations financières leur incombant.
Mise en place de chartes
Enfin, la loi du 19 octobre 2020 prévoit que les services de plateformes de partages de vidéos adoptent des chartes pour lutter contre l’exploitation illégale de l’image de l’enfant de moins de seize ans.
Ces chartes ont notamment pour objet de favoriser l’information des utilisateurs sur les règles en vigueur, les conséquences de la diffusion de leur image sur une plateforme, mais aussi de favoriser les signalements et détections de situation à risques pour les mineurs.
La loi du 19 octobre 2020 entrera en vigueur six mois après sa publication, c’est-à-dire à compter du 20 avril
Article publié dans Les Echos EXECUTIVES le 22/12/2020
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