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Entretien d’évaluation : les règles essentielles à respecter

Entretien d’évaluation : les règles essentielles à respecter

L’employeur tient de son pouvoir de direction le droit d’évaluer le travail de ses salariés. Encadrés, les dispositifs d’évaluation doivent faire l’objet de procédures d’information et de consultation préalablement à leur mise en œuvre. Pour éviter les contentieux, certaines règles sont à respecter.


L’objectif de l’entretien : apprécier l’aptitude professionnelle du salarié

L’entretien d’évaluation sert à apprécier les performances des collaborateurs et, plus précisément, à évaluer le travail du salarié dans le cadre d’une rencontre, le plus souvent annuelle, avec son supérieur hiérarchique. C’est également un outil d’individualisation des rémunérations.

Il se distingue en principe de l’entretien professionnel, institué par la loi du 5 mars 2014 relative à la Formation, l’emploi et la démocratie sociale, lequel est destiné à favoriser les perspectives d’évolution des salariés1.

Les informations demandées au salarié ne peuvent avoir pour seule finalité que l’appréciation de ses aptitudes professionnelle et sont donc exclusives de toute question d’ordre personnel non directement en lien avec les fonctions exercées.

Les méthodes et critères d’évaluation

Les méthodes d’évaluation doivent être pertinentes au regard de la finalité poursuivie2. La Cour de cassation exige notamment que l’évaluation des salariés se fonde sur des critères objectifs et transparents3.

C’est ainsi qu’un dispositif d’auto-évaluation a récemment été jugé comme étant licite au motif « qu’aucune disposition régissant la matière ne proscrit l’implication du salarié dans son évaluation, par sa propre appréciation des résultats qu’il a atteint et des conditions dans lesquelles il est parvenu à ces résultats4« .

En outre, les méthodes d’évaluation doivent être compatibles avec la préservation de la santé des salariés. La pratique des entretiens d’évaluation étant susceptible d’avoir des répercussions sur la santé au travail, les juges veillent en effet à ce que la méthode retenue ne vienne pas accentuer les risques psychosociaux. C’est ainsi qu’un dispositif d’évaluation de la performance des commerciaux d’une banque, dénommé « benchmark » (que l’on peut traduire comme étant la mise en concurrence intensive) a pu être interdit au motif qu’il compromettait la santé des salariés5. La cour d’appel de Lyon est ensuite venue préciser que ce n’était pas l’outil de benchmark en lui-même qui « était créateur d’une souffrance collective au travail » mais l’application qui en a été faite et « qui a causé une souffrance collective réelle aux salariés de l’entreprise« 6.

Les méthodes d’évaluation ne doivent pas non plus être fondées sur des critères discriminatoires.
S’agissant de la pratique dite du « ranking« , système consistant à classer les salariés en différentes catégories en fonction de leurs performances professionnelles et à fixer l’augmentation de salaire en relation avec ce classement, cette dernière a été jugée illicite si elle était assortie de quotas mais licite dans la mesure où elle avait été portée à la connaissance des intéressés, qu’elle n’avait pas été fondée sur des éléments subjectifs ou discriminatoires et qu’elle ne s’était pas inscrite dans une logique disciplinaire7.

La tendance actuelle des employeurs peut aussi être de vouloir évaluer la manière dont le salarié effectue son travail par des critères dits comportementaux. Ces derniers sont admis par les juges du fond mais avec de sérieuses restrictions. Alors que le critère « agir avec courage » a été jugé comme étant trop subjectif8, « l’ouverture vers l’extérieur » « la clairvoyance« , « l’imagination » ou encore « la capacité à fédérer » ont été jugés légitimes9. L’essentiel demeurant d’établir un lien entre ces critères et les fonctions exercées, l’uniformité des outils d’évaluation ne s’impose donc pas lorsque l’on est en présence de catégories différentes de salariés.

Procédures d’information-consultation préalables à la mise en œuvre de dispositifs d’évaluation

Dès lors que la mise en place d’un dispositif d’entretiens d’évaluation est envisagée, il doit être soumis à la consultation préalable du CHSCT en raison des conséquences qu’il peut entraîner sur la santé physique et mentale des salariés. Cette consultation doit précéder l’information-consultation du Comité d’entreprise sur la mise en œuvre, les moyens ou les techniques permettant un contrôle des salariés10. Le défaut de consultation de ces institutions constitue un délit d’entrave.

La CNIL a par ailleurs précisé dans une fiche pratique datée du 11 mai 2011 sur l’évaluation des salariés, les droits et obligations des employeurs.

La CNIL rappelle ainsi la nécessaire finalité des informations collectées. Elle indique également que chaque salarié a un droit d’accès à ses propres données et peut en obtenir une copie à sa demande. Enfin, les fichiers créés doivent faire l’objet d’une déclaration simplifiée, les données ne pouvant être conservées au-delà de la période d’emploi de la personne concernée, sauf cas spécifique.

A la suite de l’information-consultation des représentants du personnel, l’employeur doit informer les salariés des méthodes et techniques d’évaluation professionnelle qui les concernent préalablement à leur mise en œuvre11. L’information peut intervenir sous forme individuelle ou collective (par exemple par voie d‘affichage dans un lieu accessible à tous).

Organisation, mise en œuvre et suites de l’entretien

Dans le silence de la loi et de la jurisprudence, l’employeur définit les modalités pratiques de déroulement de l’entretien d‘évaluation, parmi lesquels la convocation et le document, support de l’entretien.

Une attention particulière doit être portée à l’évaluation professionnelle des représentants du personnel et des représentants syndicaux, notamment lorsque ceux-ci, en raison de leur mandat, n’exercent peu, voire plus aucune fonction professionnelle. Les risques de renseignements discriminatoires, fut-ce par maladresse, sont alors présents. Il ne doit à titre d’exemple pas exister de système spécifique pour ces catégories de salariés et il existe une interdiction d’évoquer durant cet entretien leurs fonctions représentatives ou syndicales. Toute référence ou même allusion au mandat est donc impérativement à proscrire.

Les résultats de l’évaluation peuvent constituer une justification objective des décisions de l’employeur, en termes notamment d’évolution de carrière ou de sanctions futures, dès lors que l’évaluation est fondée sur des motifs objectifs étrangers à toute discrimination prohibée.

Précisons enfin et pour conclure que cet outil sert non seulement donc à évaluer les salariés et donc potentiellement à améliorer leurs performances mais qu’il a aussi une vertu essentielle dans la prévention des risques juridiques. Ce dispositif est en effet très souvent consulté lorsqu’il s’agit d’apprécier le bien-fondé d’une insuffisance professionnelle, d’une différence de traitement, d’une discrimination ou encore d’un harcèlement moral…

Autant de raisons qui justifient d’utiliser pleinement cet outil et donc de faire preuve de courage managérial lorsque des propos puis des écrits désagréables s’imposent.

Notes

Loi n°2014-288 du 5 mars 2014 et c.trav.art. L.6315-1
C.trav.art.L.1222-3
Cass.soc. 10 juillet 2002, n°00-42.368
CA Versailles, 19 décembre 2014, n°13/03952
TGI de Lyon, 4 septembre 2012, n°12/06988
CA Lyon, 21 février 2014, n°12/06988
CA Grenoble, ch.soc., 13 novembre 2002, n°02/02794 Hewlett Packard
CA Toulouse, 21 septembre 2011, n°11/00604
CA Versailles, 2 octobre 2012, n°12/00276
10 C. trav. art. L.2323-32
11 C.trav. art. L.1222-3

 

Auteurs

Pierre Bonneau, avocat associé en droit du travail, droit pénal du travail et droit de la protection sociale

Marie-Laure Tredan, avocat en droit du travail, droit pénal du travail et droit de la protection sociale

 

*Entretien d’évaluation : les règles essentielles à respecter* – Article paru dans Les Echos Business le 4 février 2015