Étendue de l’obligation du diagnostiqueur amiante
Dans le souci d’assurer la sécurité et l’information des parties, la loi est venue imposer la réalisation d’états et de diagnostics techniques à l’occasion de la vente et de la location de biens immobiliers.
Les vendeurs et les bailleurs ont notamment l’obligation de faire établir et de produire des rapports faisant état de la présence ou de l’absence d’amiante (cf. article L.271-4 du Code de la construction et de l’habitation).
Ces obligations ont donné naissance à une profession nouvelle, à savoir celle de diagnostiqueur immobilier.
Ce professionnel, soumis à un statut propre, engage notamment sa responsabilité pénale s’il ne satisfait pas aux obligations qui pèsent sur sa profession, tant en termes de compétences, d’organisation, de certification, d’assurance que d’impartialité et d’indépendance (cf. articles L.271-6 et R.271-1 à R.271-4 du Code de la construction et de l’habitation).
En cas de manquement à ses obligations, le diagnostiqueur engage aussi sa responsabilité contractuelle à l’égard de son donneur d’ordre (généralement le vendeur ou le bailleur) sur le fondement des articles 1103 et 1231-1 du Code civil, et sa responsabilité délictuelle à l’égard des tiers (généralement l’acquéreur) sur le fondement des articles 1240 et 1241 du Code civil.
Les techniques de mesurage et de repérage de l’amiante sont décrites dans des dispositions légales, réglementaires et normatives.
Ainsi, le diagnostiqueur missionné pour rechercher la présence d’amiante se doit de la repérer dès lors qu’elle est décelable à l’aide des techniques qui lui sont imposées, à savoir des constats visuels des parties accessibles de l’immeuble (norme NF X46-020 relative au repérage de matériaux et produits contenant de l’amiante dans les immeubles bâtis).
A cet égard, il a été jugé que le diagnostiqueur commet une faute s’il n’a pas repéré un revêtement de sol amianté sous un parquet flottant dès lors que celui-ci était visible dans les placards ou au niveau des découpes du parquet autour des huisseries (CA Grenoble, 4 septembre 2012, n°11-00444).
En effet, le diagnostiqueur qui a reçu une mission complète de diagnostic n’est « pas en droit de limiter son intervention à un simple contrôle visuel ni à certaines parties de l’immeuble », et doit donc « procéder à une recherche systématique » (Cass. 3e civ., 3 janvier 2006, n°05-14.380).
La Cour de cassation a, avec une extrême rigueur, ainsi considéré que :
- commet un manquement à ses obligations le diagnostiqueur qui se borne à effectuer un repérage sur les matériaux et produits accessibles sans « sondage sonore suffisant à lui faire suspecter la présence d’amiante » (Cass. 2e civ., 17 septembre 2009, n°08-17.130).
- même si le contrôle de la présence d’amiante n’implique pas de travaux destructifs (cf. art. R.1334-20 et R.1334-21 du CSP), « le contrôle auquel devait procéder le diagnostiqueur n’était pas purement visuel, mais qu’il lui appartenait d’effectuer les vérifications n’impliquant pas de travaux destructifs » (Cass. 3e civ., 21 mai 2014, n°13-14.891).
Dans un récent arrêt, en date du 14 septembre 2017, outre qu’il était reproché au diagnostiqueur de n’avoir émis aucune réserve relative aux zones non analysées en application de son obligation d’information et de conseil, la Cour de cassation confirme fermement sa jurisprudence antérieure en considérant que « l’opérateur ne pouvait pas limiter son intervention à un simple contrôle visuel mais devait mettre en Å“uvre les moyens nécessaires à la bonne exécution de sa mission », notamment par des « sondages non destructifs, notamment sonores ».
Cet arrêt important, favorable aux intérêts des acquéreurs et des preneurs, s’inscrit dans un courant jurisprudentiel, dorénavant bien établi, sur l’étendue de l’obligation du diagnostiqueur d’amiante et les moyens à mettre en œuvre pour procéder à la détection d’amiante. Il consacre le caractère insuffisant des simples contrôles visuels en affirmant que le diagnostiqueur doit réaliser de véritables sondages sur le bien, sans pour autant que ceux-ci soient destructifs.
En définitive, le diagnostiqueur est, au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation, tenu d’aller au-delà des méthodes prévues par l’actuelle norme NF X46-020.
En tout état de cause, il n’est pas inutile de préciser que cette norme datant de 2008 a été mise à jour et a remplacé l’ancienne version, depuis le 1er octobre 2017. Elle a pour objectif de définir le contenu, la méthodologie et les modalités de réalisation des différents repérages de l’amiante.
Cass. 3e civ., 14 septembre 2017, n°16-21.942
Auteurs
Jean-Luc Tixier, avocat associé, droit immobilier et droit public
Simon Estival, avocat, droit immobilier