Evolution en matière de commercialisation de produits financiers
En modifiant ses positions 2012-08 et 2014-04 le 4 juillet 2016, l’AMF a fait sensiblement évolué sa doctrine en matière de commercialisation de produits financiers et, en particulier, en matière de fonds d’investissement alternatifs.
Tout d’abord, s’agissant du contenu du concept de commercialisation, l’AMF a reconnu, à travers l’évolution de la position 2014-04, qu’un certain nombre de situations ne sont pas constitutives d’une situation de commercialisation et ne nécessitent donc pas, de la part du FIA considéré, d’être « passeporté » en France, voire d’être autorisé à la commercialisation.
Ces évolutions étaient particulièrement attendues. Certaines valident la pratique du marché, comme, à titre d’exemple, l’exclusion du régime de la commercialisation en cas de présentation sans sollicitation lors de conférences ou de réunions à des investisseurs professionnels.
D’autres changements étaient également nécessaires pour l’application de certains textes réglementaires comme l’exclusion du régime de la commercialisation à l’occasion de la « distribution » de parts de FIA aux équipes de gestion, une situation rendue quasi-obligatoire en application de la directive AIFM.
Enfin, certaines évolutions seront particulièrement remarquées puisque l’AMF a créé une forme de pré-placement privé qui consiste, pour des sociétés de gestion, à se rapprocher de cinquante investisseurs au plus afin d’estimer leur appétence, préalablement au lancement d’un OPCVM ou d’un FIA, lorsqu’elle est réalisée auprès d’investisseurs professionnels ou d’investisseurs non professionnels dont la souscription initiale serait supérieure ou égale à 100 000 euros et qu’elle n’est pas accompagnée de la remise d’un bulletin de souscription ou d’une documentation présentant une information définitive sur les caractéristiques du fonds.
Si cette dernière exception est particulièrement intéressante, elle ne permet pas pour autant à un FIA non passeporté/autorisé d’être commercialisé de la sorte dès lors que l’AMF précise que l’éventuelle souscription, postérieurement, par les investisseurs approchés, ne pourra être considérée comme une souscription de parts ou actions d’OPCVM ou de FIA répondant à une demande d’un investisseur.
Par ailleurs, en reconnaissant que la position 2012-08 est applicable à l’ensemble des FIA, quelle que soit leur nature, l’AMF étend les possibilités de « commercialisation » des conseillers en investissements financiers (« CIF »). Pour rappel, la position 2012-08 a pour effet d’exclure l’application du service d’investissement de placement, une activité que ne peuvent pas conduire les CIF dès lors que le produit financier concerné est un produit d’épargne, que le « distributeur » n’a pas pris d’engagement de souscription minimale au bénéfice de l’émetteur et que le distributeur (CIF) fournisse un service à l’investisseur (conseil en investissement, réception transmission d’ordres – « RTO », etc.).
Désormais, cette position bénéficie à l’ensemble des FIA, sans distinction. Si elle n’a pas pour effet d’ajouter des exceptions permettant de commercialiser en France des FIA non autorisés/passeportés, elle offre cependant la possibilité aux CIF de commercialiser des FIA qui n’étaient pas auparavant couverts à savoir, les FIA étrangers et ceux dont les caractéristiques ne sont pas couvertes par le Code monétaire et financier (respectivement, le « CMF » et les « Autres FIA »). Il en résulte qu’un CIF peut désormais commercialiser des actions de SA ou de SAS (et être rémunéré par l’émetteur) dès lors que ce véhicule a la nature d’un FIA. Cette évolution crée donc une distorsion juridique entre les véhicules FIA relevant de la catégorie des produits d’épargne pour lesquels les CIF peuvent intervenir dans le processus de distribution alors que cette possibilité reste beaucoup plus fragile lorsque le véhicule concerné n’a pas la nature d’un FIA.
Cela étant, une limite demeure : les CIF ne pouvant pas fournir des services de RTO sur les Autres FIA, le processus de commercialisation les concernant reste limité.
Auteur
Jérôme Sutour, avocat associé, responsable Services Financiers.
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