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Exonération d’IS et OSBL étrangers

Exonération d’IS et OSBL étrangers

Le Conseil d’Etat précise les conditions dans lesquelles les organismes sans but lucratif (OSBL) étrangers peuvent bénéficier de l’exonération d’impôt applicable aux OSBL français.

Par une décision du 7 juin 2017 (9ème et 10ème chambres réunies, n°389927, Fondation Jean et Lili Delaby), le Conseil d’Etat a jugé que des OSBL étrangers peuvent bénéficier d’une exonération d’impôt sur les sociétés (« IS ») lorsqu’ils se trouvent dans une situation objectivement comparable à celle d’une fondation reconnue d’utilité publique ou d’un fonds de dotation de droit français dont la gestion est désintéressée.

La fondation Jean et Lili Delaby (ci-après « la Fondation »), dont le siège se situe en Suisse, est une fondation reconnue d’utilité publique au sens de la législation helvétique applicable. En tant que telle, elle est exonérée d’impôt sur les bénéfices en Suisse. Son objet statutaire est de soutenir les activités de la Croix Rouge suisse, section vaudoise et de la fondation Pro Senectute. La Fondation est propriétaire d’un immeuble à Paris dont elle tire des revenus immobiliers à raison desquels elle a été assujettie en France à l’impôt sur les sociétés au titre des années 2007 à 2010, au taux réduit de 24% en application de l’article 219 bis du CGI.

La Fondation a demandé la décharge de ces impositions devant le tribunal administratif de Paris, qui a rejeté sa demande (jugement n°1206373 du 13 novembre 2013), puis devant la cour administrative d’appel de Paris, qui a également rejeté son appel (arrêt n°14PA00342 du 31 décembre 2014, RJF 10/15, n 769).

La Fondation soutenait qu’elle se trouvait dans une situation objectivement comparable à une fondation reconnue d’utilité publique, au titre de l’année 2007 (I), et à un fonds de dotation, au titre des années 2008 à 2010 (II) bénéficiant en droit français, en tant que tels, d’une exonération d’IS sur les revenus de la location des immeubles dont ils sont propriétaires (5 de l’article 206 et 219 bis du CGI dans leurs rédactions issues de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie). Elle en déduisait que son assujettissement à l’IS à raison de ses revenus immobiliers perçus en France était constitutif d’une différence de traitement incompatible tant avec la liberté de circulation des capitaux protégée par le droit de l’Union européenne qu’avec la convention fiscale franco-suisse qui stipule expressément que « les nationaux d’un Etat contractant ne sont soumis dans l’autre Etat contractant à aucune imposition (…) qui est autre ou plus lourde que celle à laquelle sont (…) assujettis les nationaux de cet autre Etat se trouvant dans la même situation ».

I. La Fondation n’est pas comparable à une fondation reconnue d’utilité publique

Le Conseil d’Etat estime que l’exonération d’IS des revenus immobiliers de source française perçus par une fondation établie en Suisse ne saurait lui être refusée si celle-ci rapporte la preuve qu’elle pourrait bénéficier, si elle était établie en France, de l’exonération d’IS reconnue aux fondations reconnue d’utilité publique. Dès lors, il appartient à cette fondation d’établir que sa gestion présente un caractère désintéressé, qu’elle affecte de manière irrévocable ses biens, droits ou ressources à la réalisation d’activités d’intérêt général et à but non lucratif, qu’elle est soumise au contrôle des autorités publiques de son Etat d’établissement et qu’elle est administrée par un organe collégial dont la composition reflète les particularités propres à la fondation et assure une présence suffisante de représentants qualifiés de l’intérêt général. En d’autres termes, la fondation doit démontrer que si elle était située en France, elle pourrait bénéficier de l’exonération d’IS. Le Conseil d’Etat avait déjà eu l’occasion de retenir une approche similaire en admettant qu’un trust caritatif britannique pouvait être assimilé à un OSBL français sur le fondement des dispositions pertinentes du système juridique étranger auquel ce trust était soumis. (CE, 22 mai 2015, n°369819 et n°369820, min. c/ Wellcome Trust, RJF 8-9/15, n°684). La Cour Administrative d’Appel de Versailles, saisie à nouveau par le même trust caritatif, mais sur un fondement différent, avait déjà appliqué la même grille d’analyse que celle retenue par le Conseil d’Etat pour juger du caractère objectivement comparable d’une fondation de droit étranger à une fondation reconnue d’utilité publique (voir CAA Versailles, 19 mai 2016, n°14VE01214, min. c/ Wellcome Trust, RJF 8-9/16, n°711).

L’administration n’avait pas formé de pourvoi contre l’arrêt Wellcome Trust. Le Conseil d’Etat, tout en confirmant les critères retenus par la CAA de Versailles dans ce précédent, en fait ici une application négative puisqu’il relève que la cour d’appel a justement déduit des circonstances de fait que la Fondation n’était pas dans une situation objectivement comparable à celle d’une fondation reconnue d’utilité publique. En effet , ayant pour seul objet de soutenir financièrement les activités de la Croix Rouge suisse, section vaudoise, et de la fondation Pro Senectute, elle n’exerçait qu’un rôle d’intermédiaire auprès d’organismes dont il n’était au demeurant pas allégué que chacun d’entre eux serait lui-même dans une situation comparable à celle d’une fondation reconnue d’utilité publique. La qualification de fondation reconnue d’utilité publique dont bénéficie la Fondation en vertu du droit suisse est donc implicitement jugée insuffisante à la reconnaissance d’utilité publique en France ouvrant droit à l’exonération d’IS.

II. La Fondation n’est pas non plus comparable à un fonds de dotation

La Fondation soutenait par ailleurs qu’elle pouvait bénéficier de l’exonération d’IS au titre des années 2008 à 2010 par comparaison avec le régime des fonds de dotation introduit par la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie. Par analogie avec le raisonnement suivi précédemment pour la fondation reconnue d’utilité publique, le Conseil d’Etat estime que l’exonération d’IS des revenus immobiliers de source française perçus par la fondation ne saurait lui être refusée si elle rapporte la preuve qu’elle pourrait, si elle était établie en France, bénéficier de l’exonération d’impôt sur les sociétés reconnue aux fonds de dotation dont les statuts ne prévoient pas la possibilité de consommer la dotation en capital.

Pour rappel, un fonds de dotation est défini à l’article 140 de la loi du 4 août 2008 comme « une personne morale de droit privé à but non lucratif qui reçoit et gère, en les capitalisant, des biens et droits de toute nature qui lui sont apportés à titre gratuit et irrévocable et utilise les revenus de la capitalisation en vue de la réalisation d’une œuvre ou d’une mission d’intérêt général ou les redistribue pour assister une personne morale à but non lucratif dans l’accomplissement de ses œuvres et de ses missions d’intérêt général ». Dès lors, il appartenait à la Fondation d’établir qu’elle satisfaisait à cette définition et, notamment, qu’elle affectait ses ressources de façon irrévocable à une mission d’intérêt général, ce qui impliquait, en l’absence de réalisation directe d’une telle mission, de s’assurer que l’organisme qu’elle assistait pouvait bien lui-même être regardé comme étant sans but lucratif.

En l’espèce, la Fondation se bornait à soutenir que l’organisme à laquelle elle affectait une partie de ses ressources, avait pour objet de maintenir et d’améliorer le bien-être des personnes âgées, sans apporter aucune précision quant à la nature et aux conditions dans lesquelles les prestations étaient fournies par ce dernier. Elle n’établissait donc pas affecter de manière irrévocable ses ressources à des activités d’intérêt général.

Même si, en l’occurrence, la Fondation n’a pas obtenu gain de cause, sur le plan des principes, cette décision présente un grand intérêt pour tous les OSBL étrangers percevant des revenus en France et qui pourraient, sous réserve d’apporter une justification concrète à leur prétention, être assimilés à des fondations d’utilité publique ou à des fonds de dotation français.

 

Auteurs

Julien Saïac, avocat associé, fiscalité internationale

Rosemary Billard-Moalic, avocat, fiscalité internationale

 

Exonération d’IS et OSBL étrangers – Article paru dans le magazine Option Finance le 25 septembre 2017