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Factures transfrontières : emploi obligatoire d’une langue spécifique constitutif d’une entrave injustifiée à la libre circulation des marchandises

Factures transfrontières : emploi obligatoire d’une langue spécifique constitutif d’une entrave injustifiée à la libre circulation des marchandises

Le droit belge impose aux entreprises établies dans la région flamande de rédiger l’intégralité des mentions figurant sur l’ensemble de leurs factures en langue néerlandaise, sous peine de nullité.

Une société italienne s’était prévalue de cette réglementation pour justifier le non-paiement de factures rédigées en italien à l’encontre de son cocontractant établi dans la région néerlandophone de la Belgique. Sans contester la nullité des factures, la société belge soutenait qu’une telle réglementation enfreignait le principe de libre circulation des marchandises garanti par le droit de l’Union.

Saisie à titre préjudiciel, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) lui a donné raison, estimant qu’en privant les opérateurs concernés de la possibilité de choisir librement une langue qu’ils maîtrisent conjointement et en leur imposant une langue qui ne correspond pas nécessairement à celle utilisée dans leurs relations contractuelles, cette réglementation est de nature à accroître le risque de contestation et de non-paiement des factures. En raison de l’insécurité juridique ainsi engendrée, elle comporte donc des effets restrictifs sur les échanges commerciaux pouvant dissuader la conclusion ou la poursuite de relations contractuelles avec une entreprise établie dans la région flamande. Or, si une telle règlementation, applicable indistinctement à toute facture, peut affecter tant les échanges internes à l’Etat membre concerné que les échanges transfrontaliers, elle est davantage susceptible de porter atteinte à ces derniers, en raison de la moindre probabilité qu’un acheteur établi dans un autre Etat membre soit en mesure de comprendre le néerlandais qu’un acheteur établi en Belgique, où cette langue constitue l’une des langues officielles.

La CJUE a estimé que cette restriction n’était pas justifiée car allant au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis, pourtant légitimes, visant à préserver l’usage courant du néerlandais pour la rédaction des documents officiels et à faciliter les contrôles de ces documents par les autorités nationales compétentes. A cet égard, elle précise qu’une règlementation d’un Etat membre qui imposerait l’utilisation de sa langue officielle dans les factures transfrontalières, tout en permettant d’établir une version faisant foi de ces factures dans une langue connue des parties, serait moins attentatoire à la liberté de circulation des marchandises.

CJUE, 21 juin 2016, aff. C-15/15

Auteurs

Nathalie Pétrignet, avocat associée en droit douanier, droit de la concurrence, droit européen, droit de la consommation et de la distribution, CMS Bureau Francis Lefebvre Paris

Elisabeth Flaicher-Maneval, avocat Counsel au sein du département de doctrine juridique, CMS Bureau Francis Lefebvre Paris