FEILT : une opportunité pour le financement des projets immobiliers
Le règlement (UE) 2015/760 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2015 (le Règlement») relatif aux fonds européens d’investissement à long terme (le «FEILT») est né d’une réflexion au sein de l’Union européenne sur les modalités de financement de l’économie en Europe. Chimère des années 2000, le FEILT deviendra véritablement opérationnel dans notre environnement juridique dès le mois de décembre 2015.
La Commission européenne, dans une consultation lancée en juillet 2012, interrogeait les acteurs européens des marchés financiers sur l’avenir de la gestion d’active avec notamment comme point d’orgue de cette consultation, une réflexion sur la possibilité de créer un véhicule d’investissement au sein duquel institutionnels et clients non professionnels pourraient investir sur le long terme avec des conditions de sécurité optimales au bénéfice de l’investisseur.
Dans son livre vert relatif au «financement à long terme de l’économie européenne» en date du 25 mars 2013, la Commission européenne rappelait que la crise financière avait réduit la capacité des banques à prêter à long terme. A ce titre, la Commission envisageait la possibilité de créer un fonds d’investissement européen facilitant la levée de capitaux afin de financer des projets d’infrastructures à long terme type infrastructures sociales (hôpitaux, logements), infrastructures de transport en conférant aux investisseurs un revenu stable sur le long terme.
Le FEILT répond à ces attentes en prenant la forme d’un fonds d’investissement alternatif («FIA») au sens de la directive 2011/61/UE (la «Directive AIFM») géré par un gérant de fonds d’investissement alternatif disposant d’un agrément complet au sens de la Directive AIFM («GFIA»).
Ainsi, dès le 9 décembre 2015, une société de gestion de portefeuille française agréée en qualité de GFIA pourra gérer et commercialiser en Europe, via les passeports «gestion» et «commercialisation», un FEILT structuré sous forme de FIA français ou européen. Conformément à la Directive AIFM, elle pourra également, via le passeport «gestion», commercialiser le FEILT en Europe.
Les FEILT ont ainsi vocation à investir dans des sociétés qui ne sont pas financières (sauf exception), ne sont pas cotées sur un marché réglementé ou système multilatéral de négociation («SMN»), ou cotées mais ayant une capitalisation boursière inférieure à 500 millions d’euros et qui sont établies dans un pays membre ou un pays tiers reconnu (une «entreprise éligible»).
L’intérêt du FEILT pour les sociétés de gestion de portefeuille françaises, spécialisées dans la gestion d’actifs immobiliers ou encore de projets infrastructures long terme, réside dans le fait que ces fonds peuvent également investir, directement ou indirectement dans des «actifs physiques particuliers» d’une valeur d’au moins 10 millions d’euros qui englobent les projets infrastructures (transports, énergie) ou encore «d’autres actifs qui produisent des avantages économiques ou sociaux [(établissements scolaires, hôpitaux, maisons de retraite)]». L’article 2.6 du Règlement précise également qu’un FEILT ne peut investir dans de «l’immobilier à usage commercial ou résidentiel que s’il fait partie intégrante ou est un élément accessoire d’un projet d’investissement à long terme qui contribue à l’objectif de l’Union d’une croissance intelligente, durable et inclusive».
Cette référence expresse à «l’immobilier à usage commercial ou résidentiel» n’avait pas initialement vocation à être visée dès lors que le FEILT a pour objectif de porter des projets d’intérêt général long terme trouvant difficilement des financements. Le texte définitif, fruit du compromis, lui a donc donné une «finalité» sociale. Nous pourrions ainsi envisager la création d’un OPCI qualifié de FEILT et investissant dans des actifs immobiliers comprenant une école, des bureaux et des logements sociaux. Les FEILT présentent également l’avantage de pouvoir prêter aux sociétés de leur portefeuille et bénéficieraient d’un traitement prioritaire pour toute demande de financement auprès de la Banque européenne d’investissement. Ainsi, un FEILT peut participer à des opérations de financements à long terme soit en acquérant des actions ou d’autres formes de participation dans le capital d’entreprises éligibles, soit en consentant un prêt dont la durée ne saurait être supérieure à celle du FEILT. Dans ce second cas, la faculté pour un FEILT de réaliser un emprunt ne doit pas être utilisée pour financer les prêts qu’il consent. La traduction en droit français de cette faculté fait actuellement l’objet d’une consultation puisqu’elle constitue une dérogation au monopole bancaire.
La vocation du FEILT à investir sur le long terme est également couverte au niveau du traitement de sa liquidité. Par principe, les investisseurs ne peuvent commencer à être remboursés que le lendemain de la date de fin de vie du FEILT. Par exception, le FEILT peut débuter ce remboursement à l’issue de sa période d’investissement sous réserve de considération visant à garantir l’égalité de traitement des porteurs, et une gestion cohérente de cette liquidité et à hauteur des actifs liquides (éligibles à l’actif d’un OPCVM) qu’il détient.
Au regard de sa stratégie long terme, non spéculative, guidée par la transparence et sa politique de distribution des recettes et du capital, le FEILT pourrait être un investissement non négligeable pour les municipalités et les collectivités souhaitant financer le coût de leurs projets infrastructures/ immobiliers (tramways, routes, hôpitaux, logements sociaux, écoles, etc.) ou encore pour les entreprises d’assurance souhaitant investir sur le long terme avec un rendement régulier. A cet égard, selon les conditions de transposition qui seront finalement adoptées, les véhicules tels que les fonds professionnels spécialisés, les organismes de placement immobiliers et, bien sûr, les SLP, pourront constituer une forme adaptée de FEILT.
Auteurs
Jérôme Sutour, avocat associé, responsable Services Financiers.
Damien Luqué, avocat spécialisé dans la structuration de véhicules immobiliers (OPCI, SCPI, FPS) au bénéfice de sociétés de gestion ou d’établissements financiers