Feuilleton de la réforme de l’assurance chômage : suite et (presque) fin
26 octobre 2021
Par une ordonnance du 22 octobre 2021 n°457300, le Conseil d’État statuant en référé a rejeté la demande de suspension du décret n°2021-1251 du 29 septembre 2021 qui a rendu applicable à compter du 1er octobre 2021 la réforme de l’assurance chômage relative à la détermination du salaire journalier de référence, qui avait été suspendue par une ordonnance en référé du 22 juin 2021.
L’ordonnance du 22 octobre 2021 repose sur deux fondements.
Le juge des référés a estimé, en premier lieu, que le décret du 29 septembre 2021 n’était pas intervenu en violation du caractère exécutoire de l’ordonnance de référé du 22 juin 2021 pour deux raisons :
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- d’une part, « cette ordonnance n’a pas eu pour objet de priver le gouvernement du pouvoir de fixer, le cas échéant avant même que le Conseil d’État, statuant au contentieux, se prononce sur la légalité du décret du 30 mars 2021, une nouvelle date d’entrée en vigueur des modalités de calcul du salaire journalier de référence »;
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- d’autre part, « le premier ministre a, par son décret du 29 juin 2021, abrogé la date du 1er juillet 2021 comme date d’entrée en vigueur du nouveau salaire journalier de référence ».
Le raisonnement s’opère donc en deux temps :
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- l’abrogation de la date du 1er juillet, qui a motivé la suspension du 22 juin, par le décret n°2021-483 du 29 juin 2021 dont l’article 2 prévoit que la réforme de l’assurance chômage est applicable « à une date fixée par décret » ; cette abrogation est sans incidence sur l’ordonnance de référé du 22 juin 2021 : en effet, si le décret du 29 juin a abrogé la date d’entrée en vigueur du 1er juillet, il n’a pas fixé de date ; en l’absence de toute date précise, les dispositions de la réforme étaient immédiatement applicables : elles sont restées suspendues par l’effet de l’ordonnance ;
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- l’ordonnance du 22 juin 2021 n’a pas eu pour effet de priver le gouvernement du pouvoir de fixer une nouvelle date d’entrée en vigueur de la réforme, même avant que le Conseil d’État se prononce au fond.
Ce raisonnement serait totalement convaincant si l’ordonnance du 22 juin était un jugement statuant au fond : l’annulation de la date prévue par le décret du 31 mars aurait effectivement permis au Gouvernement de fixer une nouvelle date d’entrée en vigueur, en se conformant à la décision du Conseil d’État.
Mais ici, on n’est pas en présence d’un jugement statut au fond mais d’une ordonnance de référé qui a suspendu l’entrée en vigueur de la réforme de l’assurance chômage en attendant que le Conseil d’État statue au fond.
Certes, l’époque où le gouvernement aurait dû attendre la décision du Conseil d’État statuant au fond pour fixer une nouvelle date d’entrée en vigueur de la réforme est aujourd’hui révolue. La jurisprudence admet qu’à la suite d’une ordonnance de référé, le gouvernement puisse, dans certains cas et dans le respect de l’ordonnance de référé, prendre de nouvelles mesures sans attendre le jugement au fond du Conseil d’Etat.
L’originalité de cette affaire tient au fait que tout le contentieux s’est lié autour de la date d’entrée en vigueur du 1er juillet 2021, date prévue par le décret du 31 mars 2021, date suspendue par l’ordonnance du 22 juin 2021, date abrogée par le décret du 29 juin 2021 et date finalement remplacée par la date du 1er octobre par le décret du 29 septembre 2021. C’est parce que toute l’affaire s’est nouée autour de la date d’application de la réforme, selon des modalités nouvelles qui traduisent d’ailleurs une certaine ingérence du Conseil d’Etat dans les pouvoirs du gouvernement, que le Conseil d’État a pu estimer qu’il n’y avait pas eu de violation de l’ordonnance du 22 juin.
Le juge des référés a estimé, en second lieu, qu’en fixant au 1er octobre la date d’entrée en vigueur de la réforme de l’assurance chômage, le gouvernement n’avait commis aucune erreur manifeste d’appréciation
L’ordonnance du 22 juin 2021, statuant en référé, avait suspendu les nouvelles règles de calcul du montant de l’allocation chômage qui devaient entrer en vigueur le 1er juillet dans la mesure où elle avait estimé que la situation de l’emploi ne permettait pas de mettre en place ces nouvelles règles d’indemnisation moins favorables aux salariés (Ordonnance du 22 juin 2021, n°452210).
Devant le Conseil d’État, le ministre du Travail a invoqué, pour justifier l’entrée en vigueur de la réforme au 1er octobre, « un dépassement du niveau d’avant crise en termes de créations nettes d’emplois dans le secteur privé, une stabilisation du taux de chômage à 8,0 % de la population active au deuxième trimestre 2021 à un niveau proche de celui de la fin de l’année 2019 (8,1 %), le maintien à un niveau élevé des embauches de plus d’un mois hors intérim et du niveau d’embauches en contrat à durée indéterminée, une dynamique à la baisse du nombre de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi sans activité (DEFMA) et une diminution du chômage partiel pour la période comprise entre mai et septembre 2021 ».
On notera que beaucoup de ces indicateurs étaient déjà applicables au mois de juin.
Le Conseil d’État en a déduit qu’en fixant au 1er octobre l’entrée en vigueur de la réforme du salaire journalier de référence, le gouvernement n’avait commis aucune erreur manifeste d’appréciation.
En conclusion, cette ordonnance, qui revient discrètement sur l’ordonnance du 22 juin 2021, est politiquement habile : elle permet au gouvernement de mettre en œuvre, comme il le souhaite, au 1er octobre 2021, sa réforme de l’assurance chômage sur « la permittence », qui est un vrai sujet en terme de précarité d’emploi.
Dans la mesure où l’ordonnance du 22 juin 2021 avait écarté de façon très argumentée tous les moyens soulevés au fond contre le décret du 30 mars 2021, on peut espérer que le Conseil d’État validera au fond cette réforme, ce qui mettrait définitivement un terme à ce feuilleton.
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