Fin de la réduction systématique d’amende pour mise en place d’un programme de conformité aux règles de concurrence
Deux ans après l’institution de la nouvelle procédure de transaction en lieu et place de l’ancienne procédure de non-contestation des griefs (loi Macron du 6 août 2015), l’Autorité de la concurrence (ADLC) vient d’annoncer la fin de la prise en compte systématique des futurs programmes de conformité au titre des engagements présentés dans le cadre de cette procédure par les entreprises mises en cause pour pratiques anticoncurrentielles (Communiqué ADLC du 19 octobre 2017).
La procédure de transaction permet, rappelons-le, au rapporteur général de l’ADLC de soumettre à une entreprise qui ne conteste pas les griefs qui lui ont été notifiés une proposition de transaction fixant le montant maximal et le montant minimal de la sanction pécuniaire envisagée. Cette proposition peut tenir compte des engagements pris par l’entreprise en vue de modifier son comportement (cf. art. L. 464-2, III C. com.).
Parmi les engagements fréquemment proposés jusqu’ici figuraient la mise en place d’un programme de conformité aux règles de concurrence ou l’amélioration d’un programme existant. Ces programmes destinés à prévenir et réduire les risques de pratiques anticoncurrentielles par une sensibilisation du personnel au respect des règles de concurrence et par l’adoption de mécanismes internes d’alerte, de conseil, d’audit et de responsabilisation ont toujours eu la faveur et le soutien de l’ADLC. Celle-ci s’était ainsi engagée, dans un document-cadre du 10 février 2012, à accorder une réduction d’amende, pouvant aller jusqu’à 10% de la sanction pécuniaire encourue, aux entreprises qui ne contestaient pas les griefs notifiés et qui proposaient de mettre en place ou d’améliorer un programme de conformité existant, pour peu que cet engagement soit pertinent, crédible et vérifiable.
L’ADLC vient de décider le retrait de ce communiqué qui lui était opposable. Tout en réaffirmant son attachement à la compliance, elle estime en effet aujourd’hui que l’élaboration et la mise en œuvre des programmes de conformité « ont vocation à s’insérer dans la gestion courante des entreprises, tout particulièrement lorsque celles-ci sont de taille conséquente ». Par suite, les engagements pris en ce sens n’ont, selon elle, « pas vocation, de façon générale, à justifier une atténuation des sanctions encourues au titre des infractions au droit de la concurrence, tout spécialement s’agissant d’infractions d’une particulière gravité telles que les ententes et échanges d’informations sur les prix futurs et la politique commerciale ».
Si l’Autorité indique, dans son nouveau communiqué, qu’elle continuera à encourager les entreprises à recourir aux programmes de conformité et à leur proposer des ressources documentaires ou pédagogiques à cet effet, fondées sur sa pratique décisionnelle, il est désormais très clair que l’heure n’est plus à la récompense automatique des programmes de conformité.
En témoigne la condamnation, la veille de cette prise de position, des trois principaux fabricants de revêtements pour sols résilients à une amende de 302 millions d’euros pour entente sur les prix. Dans cette affaire où l’ensemble des entreprises mises en cause avaient transigé, l’Autorité a d’ores et déjà refusé de prendre en compte l’engagement de ces entreprises de mettre en place ou d’améliorer des programmes de conformité (Décision 17-D-10 du 18 octobre 2017).
Reste maintenant à savoir si l’ADLC se montrera plus conciliante avec les entreprises de moindre envergure et à l’égard de pratiques de moindre gravité.
Auteur
Elisabeth Flaicher-Maneval, avocat Counsel au sein du département de doctrine juridique, CMS Bureau Francis Lefebvre Paris