Fin du bail : un congé délivré sans motif ou de manière injustifiée ne dispense pas de l’indemnité d’éviction
Le propriétaire d’un local à usage commercial fait délivrer au preneur un congé avec refus de renouvellement et sans offre d’une indemnité d’éviction. Le congé précise que l’immeuble abritant le local commercial avait été édifié de façon irrégulière sans permis de construire, de sorte que le bailleur doit procéder à sa démolition et à sa reconstruction. Il vise également l’article L.145-17, 1° du Code de commerce qui dispense du paiement d’une indemnité d’éviction pour motif grave et légitime.
Contestant la validité du congé délivré, le preneur assigne le bailleur aux fins de faire juger la nullité du congé et obtenir en outre la condamnation de l’intéressé au paiement d’une indemnité d’éviction.
La Cour d’appel accueille favorablement les demandes du preneur, qui ne pouvait selon la Cour se voir délivrer un congé invoquant deux motifs de résiliation.
Par ailleurs, la Cour d’appel considère que la nullité du congé ne prive pas le preneur de son droit à réclamer une indemnité d’éviction.
La Cour de cassation rejette le pourvoi (Cass. 3e civ., 28 juin 2018, n°17-18.756).
Elle approuve les juges du fond d’avoir retenu que le congé délivré sans motif ou pour motifs équivoques « produit néanmoins ses effets et met fin au bail commercial dès lors que le bailleur est en droit de refuser le renouvellement du bail à la condition de payer une indemnité d’éviction ».
L’arrêt s’inscrit sur ce point dans la ligne d’une jurisprudence bien établie : lorsque le congé est dépourvu de motif, ou est insuffisamment motivé ou si le motif est jugé injustifié, il a les effets d’un congé avec refus de renouvellement et oblige en conséquence le bailleur à verser au locataire une indemnité d’éviction, sauf à lui offrir le renouvellement dans le cadre d’un repentir (Cass. 3e civ, 28 octobre 2009, n°07-18.520).
La Cour de cassation indique toutefois que le preneur « peut soit renoncer à la nullité du congé en sollicitant une indemnité d’éviction », …, « soit s’en prévaloir en optant pour la poursuite du bail ».
Ce dernier point soulève de nombreuses interrogations sur la volonté de la haute juridiction de faire évoluer sa jurisprudence. Le preneur semble désormais bénéficier d’une option entre le paiement d’une indemnité d’éviction et la poursuite de son bail. Cet arrêt est à ce titre extrêmement novateur et ne manquera sans doute pas de susciter de nombreux débats et commentaires.
A propos d’indemnité d’éviction
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Auteurs
Jean-Marc Peyron, avocat counsel, droit immobilier
Neda Tassoubi, avocat, droit immobilier