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Le financement participatif des énergies renouvelables

Le financement participatif des énergies renouvelables

Confronté à la problématique de l’acceptabilité citoyenne des installations de production d’électricité, même réputées « propres », le Gouvernement a décidé de favoriser la participation des citoyens au financement des sociétés de projet pour les énergies renouvelables (« EnR »). L’idée consiste à ériger les citoyens en acteurs de la transition énergétique, de façon à les impliquer psychologiquement et financièrement dans des projets réalisés dans leur voisinage immédiat. C’est notamment l’objet de l’article 111 de la loi pour la transition énergétique, aujourd’hui codifié à l’article L. 314-28 du Code de l’énergie1.

L’investissement des citoyens dans les projets EnR n’est toutefois pas chose entièrement nouvelle. En effet, depuis une dizaine d’années, la participation citoyenne directe au capital de sociétés portant des projets EnR (le plus souvent dans les filières photovoltaïques et à bois) est courante pour les projets de petite taille. Outre qu’elle contribue au financement de ces projets, elle permet effectivement d’associer les citoyens à leur gouvernance. Les véhicules d’investissement les plus variés ont été utilisés : de la société par actions simplifiée, comme c’est le cas de la Société d’Investissement Solidaire pour les Energies Renouvelables créée en 2009 qui regroupe aujourd’hui 99 sociétaires, aux clubs d’investissement, entités fiscales de mise en commun d’épargne aux fins de constitution et de gestion de portefeuilles de valeurs mobilières2.

Néanmoins, l’article L. 314-28 du Code de l’énergie procède à de véritables avancées en la matière. Cette disposition offre en effet la possibilité aux sociétés de projet EnR de proposer « aux personnes physiques, notamment aux habitants dont la résidence est à proximité du lieu d’implantation du projet, ainsi qu’aux collectivités territoriales et à leurs groupements sur le territoire desquels il se situe » de financer en capital ou par de la dette ledit projet.

Toutefois, cette faculté n’est pas offerte à toutes les formes de sociétés de projet. En effet, elle ne concerne que :

  • d’une part, les sociétés par actions et les sociétés d’économies mixtes locales qui présentent la caractéristique commune d’être des sociétés dont les associés encourent une responsabilité limitée à leurs apports. Vraisemblablement, le législateur fait montre ici d’un souci de protéger les investisseurs citoyens ;
  • d’autre part, les sociétés coopératives. Toutefois, à leur égard, l’article L. 314-28 précité n’est en fait pas une innovation.

Un progrès notable doit être souligné : outre les particuliers, les destinataires de ces propositions de financement peuvent être les collectivités territoriales et leurs groupements. Il s’agit donc d’une une dérogation supplémentaire au principe d’interdiction de participation de ces acteurs au capital de sociétés, destinée à faciliter le financement et l’acceptabilité des projets EnR.

La participation des citoyens et des collectivités territoriales au financement des projets EnR prévue par le Code de l’énergie peut être directe ou indirecte.

Par participation « indirecte », il faut comprendre :

  • soit le recours à un fonds d’entrepreneuriat social au sens de l’article L. 214-153-1 du Code monétaire et financier ou à une société agréée en qualité d’entreprise solidaire d’utilité sociale au sens de l’article L. 3332-17-1 du Code du travail ;
  • soit, pour ce qui concerne les sociétés par actions et les sociétés d’économies mixtes locales, par l’intermédiaire de plates-formes de souscription publique, méthode de collecte de fonds désormais qualifiée de crowdfunding.

Incontestablement, c’est en la matière que le législateur français est le plus novateur : il s’est inspiré tant d’expériences couronnées de succès à l’étranger3 que du constat du développement remarquable que connaît en France le financement participatif.

Les plates-formes de crowdfunding susceptibles d’intervenir en matière de projets EnR peuvent consister :

  • en des plates-formes ayant le statut de conseillers en investissement participatif au sens des articles L. 547-1 et suivants du Code monétaire et financier ou encore de prestataires de services d’investissement. De tels acteurs proposent la souscription d’actions, de titres de créances ou, depuis le 1er novembre 2016, de minibons régis par les articles L. 223 6 et suivants du Code monétaire et financier, dans chaque cas émis par des sociétés de projets EnR. A titre d’illustration, on peut citer la plate-forme Lumo, qui propose de participer à des projets solaires, la plate-forme Enerfip en matière de projets solaires ou éoliens, ou encore la plate-forme Greenchannel développée par le groupe Engie ;
  • en des plates-formes immatriculées auprès de l’ORIAS en tant qu’intermédiaires en financement participatif, qui proposent de concourir au financement de projets EnR sous forme de prêts. C’est, par exemple, le cas de la plate-forme Lendosphère.

Dans chaque cas, les conditions de recours au financement participatif prévues par le Code monétaire et financier ont vocation à s’appliquer. Celles-ci étant tendanciellement en voie de libéralisation,on peut y voir une bonne nouvelle pour le développement du crowdfunding en matière d’EnR. Cela devrait être d’autant plus vrai que, allant plus loin que le Code monétaire et financier, l’article R. 314-71 du Code de l’énergie, introduit par le décret n°2016 1272 du 29 septembre 2016, spécifie que ne constituent pas des offres au public de titres financiers les offres de financement en capital proposées par les porteurs de projets EnR dès lors que ces offres remplissent des conditions ayant trait, par exemple, à leur montant, au nominal des titres souscrits ou encore au nombre d’investisseurs. Les porteurs de projets EnR se trouvent ainsi assez largement épargnés par les contraintes liées à une offre au public de titres financiers (telle la publication d’un prospectus).

En définitive, on ne peut que se féliciter de cette initiative législative pragmatique et clairvoyante. A l’unisson des propositions récemment publiées par Paris Europlace en faveur d’une finance verte et durable, le financement citoyen des projets EnR devrait, espérons-le, contribuer grandement à la transition énergétique dans laquelle la France s’est engagée.

Notes

1 L’ordonnance n°2016-1059 du 3 août 2016 a renuméroté cette disposition, initialement positionnée à l’article L. 314-27.
2 Par exemple, les clubs CIGALES (Clubs d’Investisseurs pour une Gestion Alternative et Locale de l’Epargne Solidaire) ou les clubs CIERC (Clubs d’Investisseurs pour les Energies Renouvelables Citoyennes).
3 Ainsi, au Danemark, les promoteurs de certaines installations de production d’électricité à partir d’EnR ont l’obligation de proposer une partie de leur capital aux riverains.

Auteurs

Alexandre Bordenave, avocat au sein de l’équipe Titrisation et financements structurés

Aurore-Emmanuelle Rubio, avocat en droit de l’énergie et droit public.

Le financement participatif des énergies renouvelables – Article paru dans le Magazine Affaires Spécial Energie n°116 – Novembre-Décembre 2016