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Fiscalité allemande : les nouveaux développements

Fiscalité allemande : les nouveaux développements

Un certain nombre de modifications récentes de la législation fiscale allemande sont susceptibles d’intéresser les groupes français présents en Allemagne. Le but de cet article est de faire un tour d’horizon de cette actualité.


1. Principe de perte des déficits fiscaux en cas de changement de contrôle d’une société allemande

Les groupes français détenant des filiales en Allemagne peuvent être confrontés, en cas de restructurations intra-groupe ou de modification substantielle dans le contrôle de leurs filiales allemandes, à l’application de l’article. 8c de la loi sur l’impôt sur les sociétés dite « Körperschaftsteuergesetz » (KStG), dont les effets s’étendent à la taxe professionnelle allemande, qui est assise sur les bénéfices d’exploitation.

En application de cet article 8c, les déficits de l’exercice et les déficits en report d’une société tombent en non-valeur si, dans un délai de 5 ans, plus de 50% du capital ou des droits de vote sont transférés directement ou indirectement à une autre personne (seule ou avec des personnes qui lui sont liées). Une perte seulement partielle (proportionnelle) des déficits est prévue en cas de modification du capital ou des droits de vote comprise entre 25% et 50%.

Un certain nombre d’exceptions à cette règle défavorable sont prévues. Ainsi, les pertes restent utilisables à hauteur des plus-values latentes dont dispose la société ayant généré les déficits. En application d’une autre exception, dite « clause de groupe », les déficits conservent leur validité dans l’une des trois situations suivantes :

  • Soit l’acquéreur de la participation détient directement ou indirectement 100% de la société qui lui a transféré la participation (il doit avoir la personnalité morale)
  • Soit le cédant de la participation détient directement ou indirectement 100% du capital de l’acquéreur de la participation cédée (il doit avoir la personnalité morale)
  • Soit une même personne morale détient directement ou indirectement à la fois 100% du cédant et 100% de l’acquéreur

Depuis un vote intervenu au Bundestag le 20 décembre 2016, une nouvelle exception est à présent prévue dans la loi, à l’article 8d KStG. Dorénavant, en cas maintien de l’activité industrielle ou commerciale ayant généré les pertes, trois ans avant le transfert de la participation (ou depuis la date de création de la société si elle existe depuis moins de trois ans), et sans limite de temps par la suite jusqu’à complète utilisation des déficits, l’article 8c précité sera écarté.

L’objectif premier poursuivi par le législateur était de soutenir les jeunes entreprises, à la recherche de nouveaux partenaires capitalistiques, mais la nouvelle règle est d’application générale.

La loi précise que le maintien de l’activité devra être apprécié selon des critères qualitatifs : type de services rendus par l’entreprise, de produits commercialisés, clientèle visée, fournisseurs utilisés, les marchés desservis, qualification des salariés requis pour l’activité exercée. La liste fixée n’est pas exhaustive et il est probable que la jurisprudence précisera progressivement les contours du nouveau texte.

A l’inverse la loi contient un catalogue de circonstances dans lesquelles le maintien de l’activité ne pourra être reconnu ; en cas de :

  • suspension de l’activité
  • changement de finalité de l’activité exercée
  • adjonction d’une nouvelle activité
  • prise de participation dans une société de personnes
  • lorsque la société devient tête de groupe d’une intégration fiscale (Organschaft)
  • lorsque la société reçoit de nouveaux actifs, qu’elle peut comptabiliser pour leur valeur comptable ou pour une valeur inférieure à leur valeur vénale.

Une question pratique importante sera celle des modalités de preuve qu’exigeront l’administration ou les juridictions pour justifier du maintien de l’activité.

Afin de bénéficier de l’exception de l’article 8d KStG, une demande doit être formulée dans la déclaration de l’exercice au cours de laquelle la prise de participation intervient, lorsque cette prise de participation est susceptible d’entrainer la perte des déficits en application de l’article 8c KStG.

Il appartiendra désormais aux sociétés concernées d’arbitrer, en fonctions des circonstances, entre l’application des dispositions applicables. Selon les cas, une des exceptions visées à l’article 8c pourra s’avérer plus favorable au contribuable que celles de l’article 8d : il se peut même qu’une perte partielle des déficits (changement de capital compris entre 25% et 50%) apparaisse préférable que l’invocation de l’article 8d, dans le cas par exemple où la démonstration du maintien de l’activité s’avérerait délicate.

2. Correction fiscale spontanée

Le droit allemand connaît essentiellement deux types de procédures de rectification spontanée d’erreurs dans les déclarations fiscales. La première, d’application générale, est l’article 371 du code fiscal allemand, Abgabenordnung (AO). Cet article vise les cas de régularisations en général, et a notamment une large application en matière de déclarations de comptes détenus à l’étranger par des personnes physiques. Ce texte présente l’avantage d’être exclusif de conséquences pénales. Son champ d’application est en revanche restreint car il ne peut être invoqué qu’une seule fois par un contribuable et suppose une régularisation totale de la situation fiscale sur une période de 10 ans.

L’autre dispositif légal pour les entreprises est l’article 153 AO qui prévoit une obligation de corriger les déclarations à chaque fois que le contribuable détecte une erreur. L’avantage relatif d’invoquer l’article 153 AO pour les entreprises est de limiter la période de rectification à, en général, 4 ans.

Les dirigeants d’entreprises, susceptibles d’être prioritairement inquiétés en cas de procédure fiscale, avaient demandé à l’administration de clarifier les champs d’application respectifs des articles 371 et 153 AO. La circulaire du 26 mai 2016 n’a pas apporté l’assouplissement espéré de la position administrative. Il apparaît notamment que la répétition d’erreurs est considérée par l’administration comme exclusif de l’article 153 AO. Si l’utilisation de comptabilités informatisées et de systèmes de contrôle interne performants est a priori un élément permettant de présumer de la bonne foi du contribuable. À cet égard l’Institut des Experts-Comptables (Institut der Wirtschaftsprüfer) suggère la création d’un certificat de « tax compliance » qui permettrait d’accroître la protection des entreprises et de leurs dirigeants. La circulaire précise quand même que le montant des impôts rectifiés n’est pas en lui seul un motif suffisant pour que l’administration refuse l’application de l’article 153 AO, l’administration doit pour ce faire justifier d’erreur intentionnelle ou de négligence grave.

Finalement, les responsables d’entreprises continueront à recourir prioritairement à l’article 371 AO, compte tenu des incertitudes d’interprétation de l’article 153 AO, non totalement levées par la circulaire précitée.

3. Transposition des modifications de la directive européenne sur la coopération administrative en matière fiscale et d’autres mesures de lutte contre l’érosion de la base imposable (Loi Anti-BEPS-I)

La loi publiée le 23 décembre 2016 apporte deux avancées majeures, qui sont d’une part l’introduction du rapport pays-par-pays (Country by Country Reporting, « CBCR ») conformément à ce qui est prévu dans l’action 13 du plan BEPS et, d’autre part l’échange automatique de renseignements.

Au-delà des renseignements en matière de prix de transfert, l’échange automatique d’informations concerne également les rescrits portant sur des transactions transfrontières. La notion de transactions transfrontières est à appréhender de façon très large puisqu’elle inclut même les transactions qui ont uniquement des effets à l’étranger.

La loi introduit une documentation en matière de prix de transfert sur trois niveaux : le fichier principal (« Master File »), le fichier local (« Local File »), et le rapport pays-par-pays (« Country-by-Country Reporting »). En principe, les sociétés mères allemandes doivent établir le CBCR lorsqu’elles détiennent une ou plusieurs entités juridiques (ou établissements stables) à l’étranger et que le chiffre d’affaires annuel consolidé est supérieur ou égal à 750 millions d’euros¹. Aucune obligation n’existe lorsque l’entité allemande est intégrée dans les comptes consolidés d’une autre entreprise.

Une société allemande n’est tenue de déposer le CBCR que lorsque la société mère étrangère la désigne comme entité déclarante. La société allemande doit également déposer le rapport à l’Office central fédéral des finances² lorsque la société mère étrangère ne l’a pas communiqué³. L’obligation est considérée comme remplie lorsque le rapport est transmis par une société membre quelconque du groupe.

Une amende de 10 000 euros sanctionne le défaut de dépôt du rapport aux autorités fiscales.

4. Projet de loi pour l’introduction d’une règle limitant la déduction des redevances au titre de l’utilisation d’incorporels

Un projet de loi, déposé le 25 janvier 2017, prévoit d’introduire dans la loi allemande, à compter du 1er janvier 2018, une règle qui limiterait la déduction des redevances en cas d’absence d’imposition, ou d’imposition seulement partielle, au niveau du bénéficiaire.

Une imposition favorable serait réputée exister si elle aboutit à un impôt effectif de moins de 25%, et si elle déroge, dans l’Etat du siège du bénéficiaire, aux principes généraux d’imposition des résultats. La déduction n’est alors remise en cause qu’au prorata de l’impôt étranger effectif par rapport à cette limite de 25%. Par exception, la limitation de déduction des redevances ne trouverait pas à s’appliquer si l’imposition préférentielle à l’étranger est conditionnée à l’exercice d’une véritable activité (sous condition de substance suffisante).

Notes

¹ Article 138a du code fiscal allemand.
² Article 138a, §3 du code fiscal allemand.
³ Article 138a, §4 du code fiscal allemand.

Auteurs

François Hellio, avocat associé en fiscalité internationale

Dr. Annett Kenk, avocat counsel et Steuerberaterin, CMS Hasche Sigle Francfort sur le Main

 

Fiscalité allemande : les nouveaux développements – Article paru dans le magazine Option Finance le 13 février 2017